Modernité de la République française face aux tracteurs de la colère

Les tracteurs des agriculteurs en colère se rapprochent de Paris, qu’ils menacent d’un siège, ce qui n’est pas la moins martiale des postures, et d’une toujours possible coalition des colères. Certains la veulent et ne sont solidaires de ce mouvement que dans cette perspective.

Le spectacle des colères mérite d’être démonté. De quoi est-il la faillite?

Une société qui subit le diktat de l’émotion, à travers une information spectacle guidée par la course victimaire, est une société qui ne cherche pas la justice sociale véritable parce que ce qu’elle donne, tant qu’elle en a les moyens, à certains sous l’effet de l’émotion et au nom, parfois précipité et confus, de la solidarité, elle l’enlève à d’autres au même moment et, surtout, en différant l’addition est insoluble, et la situation insolvable.

La société française, acculée par la dette, n’en a plus les moyens.
Alors à quoi jouent les agriculteurs? Se placent-ils quelque part entre marxisme et poujadisme?

L’effet pervers que nous observons, aujourd’hui, dans notre société, ne se limite pas seulement à l’impact sur la politique, mais commence bien avant, dans notre manière même de percevoir et de représenter les difficultés sociales.

C’est notre rapport au réel qui a été vicié.

Les systèmes d’information, allant du journal télévisé aux réseaux sociaux, en passant peut-être même par certaines formes d’expression culturelle, semblent avoir failli dans leur rôle. Au lieu de fournir une représentation fidèle des enjeux sociaux, ils tendent à exagérer, voire à surjouer les détresses individuelles et corporatistes.

Nos amis agriculteurs ne dérogent pas à cette survictimisation.

Cette distorsion dans la représentation des problèmes conduit à un glissement de nos sensibilités. La souffrance et les difficultés des uns deviennent des spectacles pour les autres, créant ainsi une compétition malsaine pour attirer l’attention et la sympathie.

Ce phénomène a un impact profond sur le politique : au lieu que les enjeux politiques soient guidés par des principes objectifs et une compréhension réelle des besoins sociaux, ils deviennent de plus en plus tributaires de cette course à la compassion et à l’émotion.

Ce glissement rend la quête de la justice sociale non seulement plus complexe mais parfois déconnectée de la réalité, où les enjeux véritables sont éclipsés par des luttes superficielles pour l’attention médiatique.

En fin de compte, ce processus que l’on pourrait qualifier de subversive dépossession du libre-arbitre citoyen et démocratique mène à un réveil brutal. Nous nous retrouvons dans une société où le cercle de délibération a été tellement malmené et érodé, de crise en crise, que toute personne déclarant ce système injuste et inapproprié est accueillie en héros, alors qu’elle n’invente même pas l’eau tiède.

L’acclamation de ces voix dissidentes rend la tentation de renverser l’ordre établi presque irrésistible.

Cette dynamique n’est pas sans rappeler le cours de l’Histoire et les révolutions qui l’ont jalonnée, souvent bâties sur des subterfuges et des mystifications similaires.

Cependant, la Révolution française offre un contraste frappant : en rompant avec son propre mensonge, elle a ouvert la voie à une perspective historique singulière, celle des droits de l’Homme et du Citoyen.

Elle nous rappelle que, malgré les manipulations et les crises, il reste possible de sortir des cycles de déception pour embrasser des changements véritablement transformationnels et constructifs.

Cette leçon historique suggère qu’il est toujours possible de rediriger le cours de notre avenir collectif vers un chemin plus juste et plus éclairé.

C’est pour cela qu’aucune autre révolution, et surtout pas la bolchévique qui nous invite, à travers son outil idéologique à la rejoindre, n’arrive pas et n’arrivera jamais aux chevilles de la Révolution française.

C’est sa modernité. Elle devrait encore pouvoir se voir.

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