Le jour d’après

Lendemain des élections européennes dans la République française. Le plus surprenant, dans cette espèce de jour d’après qui est pourtant bien loin d’en être un par rapport à ce qui nous guette, c’est que le système médiatique, comme un canard sans tête, répète les mêmes éléments de son langage.

Il ne se remet pas en cause.

Il n’est pas capable de sortir de sa zone de confort. C’est un clergé, avec ses chapelles.

Il n’interroge pas le réel, mais la ou les représentations du réel sur lequel les partis politiques ont tissé et fait prospérer leurs électorats.

Le Rassemblement national n’est pas autre chose qu’une fiction qui fonctionne mieux, aujourd’hui, que les autres.

Cette fiction a simplement plus de chances de nous conduire à un désastre.

Que dire de l’impasse politique qui arrive sinon qu’elle est, stricto sensu, le produit du système d’information, entendu comme la culture et les centres d’intérêt qu’un peuple sait ou non établir et transmettre en son sein.

La démocratie ne sert pas à demander. Elle ne sert pas à forger ou opposer des opinions. Elle sert à donner. Elle sert à établir un corps social, un Être social, qui nourrit la nation, lui fournit la confiance en l’avenir, comprend le monde et lui donne, autant qu’il se donne à lui-même, des enfants.

Les médias ne sont qu’un élément du système d’information, mais ils ont une responsabilité dans la faillite générale.
Ils sclérosent l’imagination universelle et stimulent, a contrario, les vanités personnelles et individuelles.

Les partis politiques ressortent leurs langues aussi mortes que les espérances qu’ils prétendent lever.

Ce que je sais, c’est que si rien ne parle plus au peuple, le peuple se meurt. Il n’y a pas de vérité au-delà de cette vérité.

Le peuple a peut-être déjà totalement disparu. Il ne fait que marchander l’accès à des nostalgie qui lui survivent, comme un membre fantôme.

Le cancre que je n’ai jamais cessé d’être a appris dans sa vieille école que la crainte fondamentale des Gaulois était que le ciel leur tombe sur la tête.
Les Romains mettaient des lauriers.
Les juifs des kippas.
Les musulmans se livrent au jihad.

Nous ne mettons rien. Nos ordinateurs ont des pares-feux, mais nos âmes, dont nous disons qu’elles n’existent pas, nous les livrons à ce qui veut bien jouer avec.

Nous aurions dû hériter des antiques sagesses gauloises. Elles nous auraient protégé.
Aujourd’hui, nous sommes dans de beaux draps.
Le ciel qui lentement nous ensevelit n’a pas le goût du ciel.
Il a un goût de terre et de cendres.
Le ciel n’a le goût du ciel qu’en altitude, dans les hauteurs qui consolent et inspirent l’humanité.

Je le dis et je le répète ici : l’épuisement démocratique que nous constatons est le symptôme d’un épuisement ontologique et dialectique.

C’est cet épuisement qu’il faut guérir. Je ne sais pas comment mais je sais que c’est lui qui redonnera la confiance qui éclaire le jugement, qui éclaire la démocratie.

Il faut faire abstraction des chroniques temporelles. L’actualité est, probablement, une illusion. Nous revenons toujours au moment où notre système cognitif se heurte à ses limites et reproduit la fatalité monstrueuse à travers un prisme auquel nous ne savons pas résister.

La guerre est la transformation de cette impossibilité qui n’est qu’une impossibilité dans la volon,té et dans la conscience.
Aujourd’hui, la guerre a changé d’échelle. La guerre engendrera l’apocalypse.

C’est cela l’éternel recommencement auquel est voué Sisyphe. C’est l’incapacité, dans la civilisation, à saisir la clé qui ouvre l’avenir et de préférer l’attrait de la clé qui ferme et renvoie l’humanité à ses démons.

La démocratie devrait délibérer de cette profondeur tant qu’il est temps.

Les dramaturges grecs, les mythes fondateurs, les Zarathoustra, les grands philosophes, les guides et les prophètes, les musiciens et les poètes, ne nous parlent pas d’autre chose que du temps de l’âme humaine.

L’autre temps, il est celui des cailloux, des atomes et de ce qui périt, avec pour échelle les temps géologiques et le cycle du carbone14.
Le temps de l’Homme est d’une autre nature et d’une autre majesté.
Dommage de le tuer.

C’est lui qui sauve.

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