Je suis Charlie, mais surtout la culture qui l’autorise

Condamnons sans la moindre réserve l’attentat qui a visé la rédaction de Charlie Hebdo. Il est condamnable pour ce qu’il est, et il n’est qu’odieux.

On ne combat pas, en France, où ne sont pas épuisés les droits d’expression et qui se glorifie d’être la patrie de l’expression, une pensée par des armes. Ici, on combat une pensée mineure par une pensée majeure et par la rigueur implacable de la justice devant laquelle les auteurs de cet acte devront être traduits et mis, tels qu’ils sont, c’est-à-dire dérisoires et insignifiants, devant leur abomination criminelle.

Ces gens-là, quels qu’ils soient, ne sont les instruments et les jouets que de leur propre néant. Ils ne sont pas les instruments du nôtre sur qui ils veulent peut-être, au nom d’une cause et d’une stratégie abjectes, mouvoir d’obscurs rouages et mécanismes.

Nous sommes tous parmi les victimes et faisons corps, de façon inaltérable, avec elles. Ne perdons pas de vue que le terrorisme a pour objectif premier de nous atteindre dans notre discernement collectif, de nous affaiblir dans notre cohésion. Ne leur cédons pas, ne leur cédons rien de ce qui fait notre force, cela par respect pour les victimes de cet attentat, comme pour toutes celles des actes de terrorismes qui ont déjà eu lieu et qui pourront advenir à tout moment, et cela, plus encore, si nous nous montrons dupes de leurs intentions et si nous confirmons que notre vulnérabilité là où ils l’identifient pour nous en prétendant être en mesure de nous y attaquer.

Ne nous trompons pas sur ce qui a guidé les auteurs de cet attentat dans le choix de cette cible. Ce n’est pas pour venger Allah ! Et c’est pourtant à cette aberration sans nom que les terroristes veulent nous faire accroire, pour nous placer dans le piège qu’ils tendent dans nos cerveaux.
Gardons-nous d’en être complices ou acteurs désinvoltes.

Le choix de viser Charlie Hebdo est destiné à altérer notre cohésion nationale et à isoler la communauté musulmane, et d’autres parmi nous, dans un possible dilemme que certains peuvent éprouver s’agissant de condamner pleinement l’attentat contre Charlie Hebdo en raison de ce qu’est justement Charlie Hebdo.

Twitter est entrainé à travers le tag #CharlieHebdo dans cette catastrophe médiatique qui est la victoire des terroristes.
Employons-nous à la limiter.

Les autorités musulmanes ont une lourde tâche.
Dieu leur vienne en aide. Mais en attendant, rassurons-nous en affirmant que nous sommes à leur côté et qu’ils sont, eux, à nos côtés.

Quant à nous, en répercutant l’écho d’une sordide et invraisemblable revendication « Nous avons vengé le prophète », nous propageons l’onde de choc de l’attentat plutôt que de la contenir ou, mieux encore, de la déconstruire, cela afin de leur renvoyer leur échec comme un boomerang en les assurant, avec hauteur, que nous voyons mieux en eux qu’ils ne sauraient voir en nous.

« Dieu est grand. Nous avons vengé le prophète et tué Charlie Hebdo » : Ce n’est pas ce que nous avons réellement entendu dans la réalité de ce que nous sommes. Nous n’avons vu que la réalité de la fiction abominable dans laquelle ces gens veulent nous entraîner.

C’est pour cette raison, pour se dégager de la grille de lecture que construisent les terroristes, qu’il faut que tous nous condamnions, qui que nous soyons et sans la moindre réserve, cet acte comme un acte ignoble et dérisoire qui nous prend pour ce que nous ne sommes pas.

Pour quelques heures encore, le temps que le deuil fasse son œuvre je fais mienne cette proclamation : Je suis Charlie ! Mais j’oppose surtout aux barbares une culture que j’entends suffisamment sure de ses valeurs et de sa force pour comprendre en elle Charlie Hebdo et son contraire. Le génie français, européen, ni la liberté d’expression, ne sont pas exclusivement dans « Charlie Hebdo », même si j’entends que l’émotion nous porte à synthétiser notre compassion et notre solidarité de la sorte.

Bien à vous.
Douloureusement bien à vous.

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