De la guerre des idées en démocratie

Bien sûr, les électeurs du Front National ne sont pas anti-républicains.
Bien sûr, malgré diverses condamnations qui ont frappé son fondateur et chef historique, les dérapages et les borderlines irrépressibles qui sont sa marque, le Front national n’est pas hors la République puisque la Constitution, qui délègue au citoyen la liberté de suffrage, lui assure la capacité de se présenter et de les briguer.

La République ne se fonde pas sur des a-priori et elle n’a pas, par elle-même, d’opinion ni de religion faites.
Elle assure par conséquent le libre-arbitre des citoyens, ce qui a été le courage de ses rédacteurs: s’en remettre à la raison de la démocratie, c’est à dire à celle de chaque citoyen.
Ceci étant, il peut se poser des questions:

1/ sur la manière pour les uns ou les autres concourant à détermination des forces politiques, d’assurer le service de la démocratie, c’est-à-dire le rapport de l’objectivité et de la cohérence des convictions dans la construction d’une lutte pour le pouvoir
2/ sur la façon dont tel ou tel discours, même policé au dehors, retentit ou pas dans la sphère publique, la manière dont il agrège ou pas les citoyens, la manière dont ils s’opposent et à quel degré entre eux

Sur le premier point, on doit considérer la mutation du Front national qui aspire à devenir un parti de gouvernement. Il a entrepris, à cet effet, une indéniable révision de son corpus idéologique même si subsistent des ambiguïtés et un double langage, mis hors champ comme en témoigne l’éviction d’Aymeric Chauprade, ancien conseiller aux Affaires internationales ou encore la position de Marion Le Pen.
L’électorat, qui devient plus disparate dans ses convictions profondes au fur et à mesure qu’il s’élargit, est uni et dynamisé par la conviction d’être en mesure de porter au pouvoir suprême Marine Le Pen, devenue la figure héroïque du mouvement.

Sur le second point, il est indéniable que Marine Le Pen est à la tête d’une machine de guerre. Et ce qu’elle mène est une entreprise de guerre. Cette guerre pour le pouvoir sera d’autant plus efficace, d’autant plus opérationnelle, qu’elle apparaîtra légitime au plus grand nombre et pour qu’elle apparaisse telle, cette guerre ne peut être qu’une guerre contre le système entier, l’establishment, l’umps, l’Europe, apparenté à un “totalitarisme”, ou la mondialisation.

Il y a une mécanique martiale, et une stratégie de l’asymétrie des forces, dans ce chemin de conquête qui désempare les grands partis traditionnels, malades d’une démocratie malade et qu’une partie des citoyens considère être responsables de l’état de cette démocratie et renvoie, par conséquent, dos à dos.
La démocratie suppose-t-elle la guerre, fut-elle celle des idées et l‘application de stratégies dérivées de l’art de la guerre, par exemple sans renier ce qui la fonde?
La victimisation délibérée du FN, et qu’il a lui-même mis en scène après les attentats du 7 janvier en optant pour se solidariser à lui-même, le 12 janvier jour de la manifestation nationale, à Beaucaire, participe de ce ressort, du “Seul contre tous”.

On ne peut pas sonder le coeur des électeurs d’un parti, mais il est possible d’observer les discours respectifs de ses militants les plus actifs et d’analyser leur mode de confrontation sur les sites ou pages facebook des adversaires ou sur leur propre page. Pour ce faire, internet offre un champ intéressant car il suffit d’aller sur les différents sites où s’expriment les paroles et convictions politiques pour cerner les argumentaires, les opérations visant à discréditer, déstabiliser, nier, les diverses opinions contradictoires et à abolir méthodiquement toute possibilité pour la droite républicaine, européenne, de quitter son champ de tir, sur le plan cognitif.
Cela mériterait un sujet universitaire approfondi, mais ce n’est pas mon sujet, mon sujet étant de constater car il y a là, de la part de militants du FN, un pilonnage systématique, violent, de toute opinion et que ce dernier est concentré sur l’UMP.

Alors, cela appartient-il à la démocratie?
Certainement.
A l’éthique et à l’ambition de la démocratie, certainement pas.

Je n’ai abordé là que la question de l’esprit du combat politique mené par le Front national.
L’aspect programmatique, lui-même, ses points d’ancrage et références idéologiques, l’acquisition des “insatisfaits du système”, mériteraient d’être démontés et analysés.

Bien à vous.

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