La politique, une question de logiciel?

Ce n’est pas la première à y céder, à gauche au centre comme à droite. La métaphore informatique fait florès. Mme Cécile Duflot a accusé « le logiciel » de Manuel Valls d’être « périmé ».  Au lendemain d’une déroute aux Départementales, le tacle, terme issu de la geste footballistique, est implacable.
On comprend la facilité de langage. On comprend son efficacité, à l’heure où tout est informatisé et où le prochain horizon de partage est celui des objets connectés, chacun étant lui-même objet de son confort, de son exposition aux micro-particules, de ses likes, et de l’avènement de la réalité augmentée.
Pourtant, cette façon d’assimiler la politique à un logiciel, qu’on peut désinstaller et remplacer par un autre logiciel, est révélateur de la façon dont on appréhende la politique, qui s’est modélisée au sens informatique d’une relation d’un poste client (le citoyen) au serveur (la nation) et leurs relations intensives et continues.

Le Politique n’est donc plus la science souveraine citée par Aristote dans son « Ethique à Nicomaque », grâce à laquelle s’établit la cité, ses institutions, le rôle adéquat des hommes et qu’est déterminée ainsi l’histoire et la raison commune pour en guider le cours.
On a remplacé ses élans philosophiques et son ambition métaphysique par des algorithmes subtils, auxquels l’industrie de l’opinion, finalement, apporte ses bénédictions. On ne devrait donc plus à ce titre se reconnaître que dans cette restriction. Eliminer l’inutile et ne se reconnaître que dans nos raisons et revendications instantanées. L’humilité collective, l’abnégation, caractères qui sont à l’origine des grands desseins ont laissé place à l’expression des prétentions individuelles comme fondement de la civilisation. Pourra-t-on dire, ainsi qu’on a pu le dire d’autres qui l’ont précédé, qu’elle fut un don à l’humanité?

Oui, au moment où le latin, le grec, sont des disciplines menacées, il faut encourager les jeunes esprits à se replonger dans le grec et le latin. D’aller se désaltérer dans la lecture des grands classiques intemporels. Que vaut la formule d’un logiciel en politique, quand on lit Plutarque. Ou Platon.
La seule histoire que l’on saurait vanter, ici et maintenant, est donc une histoire liée au progrès social et démocratique, entendu comme lieu de la consécration de l’égalitarisme, avec pour seul mythe celui de la redistribution et de l’égalité.
C’est notre fiction. Nous la revendiquons et nous nous y égarons car elle épouse la seule sensibilité que nous ayons du réel.
Nous devrions relire Barbier d’Aurevilly et ses localisations « A côté de la grande Histoire ».
Notre humanité s’est écrasée sur elle-même, son égotisme et son matérialisme. Et si la définition de la politique rejoint celle d’un logiciel informatique ce n’est pas anodin.
Toute culture qui appelle à dépasser ce statut, pour se replacer dans l’humanité non pas seulment par son rapport à l’écologie mais par son rapport à l’être humain, est considérée comme liée à des superstitions, des allégories rétrogrades, car la nature de l’homme qu’elles impliquent est opposée à celle que nous pratiquons.
Oui, Homère. Racine. Oui, César et sa guerre des Gaulles. Oui, Antigone.
Baudelaire, qui en a vu défiler des lourds corbillards au cours de son spleen, disait, de manière imparable, à propos du progrès qu’il n’existait pas parce que l’homme est toujours égal à lui-même.
Comme on voudrait qu’il ait eu tort.
Au point pour les citoyens d’avoir la sagesse, dans leur propre intéret et non par sophisme, de privilégier des institutions dont ils s’assurerait scrupuleusement qu’elles leur soient supérieures.
N’est pas là la nature du politique?

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