Versailles mérite mieux que des allégeances serviles

Un certain nombre de nos politiques, de droite comme de gauche, somment le gouvernement de renverser ses alliances en sacrifiant les pays du Golfe, l’Arabie Saoudite et la Turquie. Aucun sophisme – et il n’en manque pas à leur registre – ne parviendra à masquer pourtant ce que constituent les « inflexions » voulues. Elles nous préparent un Munich d’une nature inédite, car quel effondrement moral et physique est plus vaste que celui qui fait accomplir ce que les coups que vous portent un ennemi quelconque visent à obtenir de vous, et ce la fleur au fusil.

Car, il faut poser la question crûment, quelle démission devant le réel et ses enjeux peut être plus grande et accablante que celle consistant à se tromper sur ses alliés jusqu’à les renier et déposer, à la faveur d’un attentat abominable, les armes de sa lucidité au pied de ceux qui n’ont de but que d’obtenir cette démission?

Allons-nous les combler au delà de leurs espérances et nous contenter de leur fausse condescendance?

J’ignore si cette question diplomatique sera à l’ordre du jour du Congrès qui doit se réunir à Versailles lundi à l’initiative du président de la République, mais les divers groupes et orateurs qui d’ores et déjà se sont exprimés dans la presse, ne manqueront pas d’exercer une pression sur le gouvernement de la France pour infléchir notre diplomatie, ce qui dans bien des cas revient à la dénaturer.

Il y a des enjeux vitaux
qui méritent d’être sauvegardés
et tenus le plus loin possible
du jeu des basses altérations

On comprend mieux que le Constitution ait fait de la diplomatie une prérogative du chef de l’Etat. Nous serions bien inspiré – compte tenu de ce à quoi nous assistons présentement – de la lui conserver. Il y a des enjeux vitaux qui méritent d’être sauvegardés et tenus le plus loin possible du jeu des grandes altérations.

Ce seront sans doute les mêmes qui proclament à la moindre occasion que « Non, le terrorisme ne nous changera pas! » et qui n’ayant pas achevé la phrase, réclament à tue-tête qu’il faut reconsidérer de fond en comble, à l’épreuve de ce qu’ils affirment être le réel, notre diplomatie pour épouser celle de la Russie de Vladimir Poutine, celle de l’Iran de la Révolution Islamique, celle de ce qui reste de la Syrie de Bachar El-Assad.

Leur enthousiasme à rejoindre et nourrir un système de passions vulgaires et démagogiques est tel qu’ils aimeraient de surcroît que cela passât comme une lettre à la poste. Si quelqu’un doit s’interroger sur ce qu’est le déclin d’une nation, il porte ces stigmates.

Alors que le monde témoigne dans nos couleurs, dans notre devise, sa fidélité et sa solidarité après le drame vécu par les Parisiens et la nation entière, un certain nombre d’élus, plus ou moins prestigieux, s’apprêtent finalement à rejoindrent le Front National dans son incurie pour demander d’abandonner notre relation à l’Arabie Saoudite, au Qatar et à la Turquie, aux Etats-Unis d’Amérique, qui sont nos amis, nos partenaires et qui nous défendent face au terrible danger qui les menace autant qu’il nous menace. Cela pour rejoindre un front plus opaque et dont l’opacité cache un ou plusieurs loup.

Que restera-t-il de nous, que restera-t-il de notre honneur, si, abusés à ce point, nous les renions en les accablant non pas de fautes mais du soupçon de fautes que d’autres ont fait germer et grandir, à dessein, dans nos esprits?

J’attends donc avec impatience la réunion en Congrès du parlement pour le spectacle qu’il offrira. Il est temps que tout ce beau monde se départage et se détermine selon son appréciation des évènements, de leur nature, de leur origine si tant est qu’il vienne à ses esprits que cela qui est à l’oeuvre possède un origine, ainsi que, ce qui devrait inciter au scrupule,  l’idée que les intéressés se font de la dignité et du statut de la France.

Je crois que le temps des jubilations donnera rapidement lieu à des désenchantements car cédant là, sur l’essentiel, on apportera nos conditions à un désastre plus grand à venir. Bien sûr, c’est peut-être dans l’ordre des choses, autant que peut l’être aux yeux de tant de nos compatriotes, de nos élus, le fait que certaines régions du monde soient destinées à être asservies à des régimes cyniques et obscurs que Bachar El-Assad incarne si bien au point d’être devenu lui-même un insecte pris dans une vaste toile d’araignée.

S’il donne lieu à ce spectacle, le congrès convoqué lundi par le président de la République pourrait se révéler salutaire, et propice à une mue politique plus vitalisante pour la nation que celle qui ressort d’oripeaux éculés et stériles. Le moins qu’elle puisse attendre, la Nation française, afin d’être ce qu’elle doit être au service de l’Europe et du monde, c’est ni plus ni moins, dans des temps troubles et des périodes critiques, que ceux qui sont censés la servir et la guider ne s’égarent pas eux-mêmes et ignorent, s’ils sont tentés de le faire, l’intérêt partisan qui les y inciteraient.

En nous submergeant de douleur
et de poussées d’adrénaline,
les terroristes nous enchaînent
à la trame qu’ils nous imposent.

Les auteurs de ces attentats terroristes, à qui on a lavé le cerveau et qui agissent au nom d’une cause quant ils en servent une autre beaucoup plus occultée et à ce titre redoutable, répandent leur barbarie parce qu’elle représente une série de coups directs qui atteint notre cerveau à son niveau reptilien et annihile nos capacités d’intelligence et de représentation du réel danger.
En nous submergeant de douleur et de poussée d’adrénaline, les terroristes nous enchaînent à la trame qu’ils nous imposent. Celle d’un choc de civilisation, ou d’une guerre de religions opposant l’islam sunnite radical au reste du monde. Mais pour se mouvoir, la Révolution Islamique a besoin d’un ennemi en qui nous devons pouvoir nous reconnaître avec elle. La chair à attentats de Daesh ou d’Al-Qaida, qui n’ont pas la moindre chance d’imposer leur légitimité historique et territoriale au delà d’un espace qui leur est alloué ou qu’ils occupent par opportunité, jouent ce rôle.

Il faut le reconnaître. Il y a une grande intelligence stratégique derrière cela qui mériterait d’être étudiée à l’école de Guerre car même la Russie de Poutine qui est présentée comme un maître du jeu d’échec est surclassée à ce jeu.
Au lieu de démanteler cette stratégie, de jeter sur elle notre intelligence, nous la nourrissons à travers les fables qui sont celles de tant de nos experts, de think-tanks et des politiques qui leur sont affiliés.

La Révolution initiée par l’ayatollah Khomeini en 1979 en Iran vise plus loin car elle épouse un long mouvement pendulaire dont elle attend une puissance croissante et si nous avons le malheur, comme la pression des événements y incline une partie de la classe politique et de nos compatriotes, de rejoindre Bachar el-Assad pour éliminer Daech, alors nous permettrons à l’engrenage de poursuivre un mouvement qui a déjà fait beaucoup de dégâts sans avoir visiblement atteint ni sa plénitude ni la totalité de ses objectifs.

Ne pas le voir est tragique. L’envisager est édifiant.

Depuis son avènement, la région est traversée par d’innombrables malheurs que l’impéritie intellectuelle de nos élites et beaux conteurs a réussi à faire porter quasi-exclusivement aux Occidentaux alors que la chute de Saddam Hussein est une oeuvre plus complexe dans laquelle l’Iran possède une part lourde.
Les pays du Golfe, comme la Turquie, n’ont pas tort de voir le piège qui leur est tendu car ils sont sur la liste noire de la Révolution islamique que je crois nécessaire de distinguer de l’Iran véritable et légitime lui-même.
L’Europe aussi voit un autre piège la menacer, c’est celui de la résurgence des nationalismes et des souverainismes dont la Russie de Poutine est, incontestablement, la Sainte-Patronne.

Ce Congrès verra les parlementaires disposer de la faculté de dire ce qu’est la France pour l’Europe et pour le monde. C’est une sorte d’heure de vérité pour une nation que n’épargne pas le terrorisme mais qui doit au rapport qu’elle s’est construit avec l’histoire ce qu’elle est et ce qu’elle représente encore aux yeux du monde.
Je ne crois pas un instant que le président de la République, lundi, soit disposé à sacrifier notre pays à l’ordre des revendications politiciennes qui s’abreuvent à Moscou et Damas, mais cet instant particulier dans le cours de la vie de notre nation, sera extrêmement révélateur et s’inscrira dans l’histoire à ce titre.
J’espère que ce que nous allons y graver ne sera pas trop accablant.
Versailles, lieu qui incarne une éminente incarnation de l’Etat, mérite mieux que des allégeances serviles.

Bien à vous.

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