Une brêve histoire de la Révolution Islamique d’Iran

Le temps viendra de tirer au clair les conditions dans lesquelles la seconde guerre d’Irak a été déclenchée. Aujourd’hui encore, chacun se satisfait de la thèse généralement admise selon laquelle elle résulte d’une initiative des Américains fondée sur une série de mensonges d’Etat, n’ayant pour but que le contrôle du pétrole.
Cette thèse, il est vrai, a plusieurs mérites.

  • celui, d’abord, de valoriser parmi les Occidentaux ceux qui ont refusé, dans de telles conditions, de mettre la charrue de l’action militaire avant les boeufs de la légalité internationale
  • deuxièmement, cela disqualifie et fait porter le poids d’une lourde culpabilité sur les Américains et les Britanniques, cette corde étant très bien exploitée, y compris par la propagande russe
  • Troisièmement, cela empêche de voir plus loin et identifie pour longtemps, au sein des populations locales, tragiquement éprouvées, l’image d’un occupant qui avait été perçu initialement comme un libérateur

Elle présente cependant un inconvénient majeur. Elle occulte le jeu qui a produit le mensonge, puisque nous savons qu’il s’agissait d’un mensonge, dans lequel Saddam Hussein s’est enferré.

Il ne fait guère de doute, hors la volonté aveugle des Etats-Unis alors d’y prêter foi, que des éléments parmi lesquels des Irakiens, notamment celui qui était identifié par le nom de code « Curveball », ont par différentes voies, décrit une réalité sur les Armes de Destruction Massives qui n’était pas.

Le piège était tellement béant et pratique, du point de vue doctrinal, que les Américains s’y sont engouffrés et qu’il s’est, surtout, refermé sur eux comme les portes de l’Enfer.
Objectivement, ils ont fait le travail. Mais ils l’ont fait pour l’Iran, physiquement en retrait dans les conditions qui ont donné naissance au conflit.

La question relative aux motivations de ces sources qui ont alimenté la thèse de la possession des ADM par l’Irak de Saddam Hussein mériterait un grand examen. Pure inconséquence? Vengeances personnelles? Ou téléguidage parfaitement orchestré?
Tout est possible.

On ne peut pourtant pas se contenter de ce versant des choses. Car, la chronologie des évènements et la manière dont ils se sont noués ne peut pas exonérer Saddam Hussein lui-même d’une grande responsabilité dans sa propre chute et, surtout, l’écartèlement de l’Irak.
Car, n’ayant pas ces ADM, il suffisait que Saddam Hussein assure la transparence réclamée par Hans Blix, qui dirigeait, entre 2001 et 2003, la commission des Nations-Unies chargée des inspections, pour lever les doutes et ambiguïtés.

Il ne l’a pas fait. Quelles sont les raisons qui ont prévalu dans la tête de ce dictateur pour faire ce pari insensé alors même que les intentions militaires des Américains se précisaient inexorablement?
On peut se dire simplement qu’il n’avait pas sa raison. Qu’il surévaluait la puissance militaire de son pays. Ou encore qu’il présumait du pouvoir dissuasif que procurait le doute, que lui même nourrissait, sur l’existence d’un arsenal d’armes chimiques ou bactériologiques.

Mais on a du mal à imaginer que le raïs irakien n’ait pas subi, comme les Américains, une désinformation qui l’a amené à prendre les mauvaises décisions et à se placer dans la plus mauvaise des perspectives.
Dans cette hypothèse, qui n’est pas saugrenue, d’où et par quel relais cette désinformation a-t-elle été exercée?

La Syrie de Bachar El-Assad, ancien frère baasiste, a pu jouer un rôle dans ce jeu, comme elle a joué et joue un rôle notoire sur le sort du Liban.
J’ai déjà écrit que ce qui fait l’intransigeance de l’Iran, de la Russie ou du Hezbollah s’agissant du sort du régime de Bachar El-Assad tient aux secrets qu’il détient sur ces manipulations sur l’histoire de la région.

Les preuves manquent. Certes, mais je constate que peu de gens s’encombrent de scrupules lorsqu’il s’agit de faire un parallèle entre daesh, al-qaida et l’Arabie Saoudite ou le Qatar alors que daesh, al-qaida, constituent  le plus efficace des modes à exploiter pour enfoncer une dague dans le coeur de son ennemi.

L’ayatollah Khomeini a fait atteindre
à cet antagonisme vieux
comme le monde musulman

sa masse critique et ce que nous vivons aujourd’hui
consiste en cette réaction en chaîne

Ce qui se produit aujourd’hui, reproduit, plus que beaucoup semblent disposés à le concevoir, le modus belli qui a permis à la Révolution Islamique de s’étendre en Irak, d’y placer un état dans l’Etat en la personne de Moqtada Sadr et son Armée du Mahdi, aujourd’hui remplacée par la Brigade du Jour Promis.

En Irak, les Américains et la coalition qu’ils ont monté à cette occasion ont permis à l’Iran de vaincre celui qui, soutenu par l’Occident, avait tenté de tuer dans l’oeuf la Révolution Islamique mise en oeuvre par l’ayatollah Khomeini lors de la guerre Iran-Irak.

Il est certain que l’Iran a beaucoup appris de cette victoire à la Pyrrhus. Certes, l’Irak n’a pas pu renverser Téhéran tout autant que le régime fondé par Khomeini n’a pas pu étendre son emprise sur l’Irak.
C’est chose faite aujourd’hui et, au delà des apparences, la manière dont les Irakiens ont été à l’unisson du diapason des maîtres de Téhéran pour dénoncer dernièrement l’exécution jugée par eux comme sacrilège du dignitaire chiite par l’Arabie Saoudite est révélatrice de la tutelle idéologique qui s’exerce et se propage territorialement.

Ce qui s’est passé depuis la guerre Iran-Irak, c’est la perpétuation de cette conquête, sous d’autres formes, plus pernicieuses. Kerbala, bataille livré en 680, est redevenue et a été élevée pour les Chiites en sainte-mère des batailles. Elle est la référence – très active et vraisemblablement artificiellement exaltée et soutenue – des chiites embrigadés dans cette lutte qui prend racine dans l’histoire du schisme qu’a connu l’islam à son premier temps.

En suralimentant le ressentiment des Chiites, l’ayatollah Khamenei a fait atteindre à cet antagonisme vieux comme le monde musulman sa masse critique et ce que nous vivons aujourd’hui consiste en cette réaction en chaîne.
Elle doit être arrêtée. C’est d’abord au peuple iranien de mettre un terme à cette Révolution qui l’entraîne, qui entraîne la région et le monde, dans des désordres grandissants, dangereux et vains qui ne sont pas sans s’apparenter, par sa nature profonde, à un processus anti-historique.
La Révolution Islamique se veut immortelle et transcendante, par dessus l’islam originel.
Mais les phénomènes de substitution peuvent-ils l’être? Je crois que sa nature profonde, parce qu’elle est perverse, la voue à échouer.

Bien à vous.

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