« Tous les extrèmismes ont intérêt à se manifester »

M. Calvar, devant la Commission Nationale de la Défense et des Forces Armées, a évoqué les risques qui pèsent sur notre nation et, au delà sur l’Europe. Le texte complet est disponible sur le site de l’Assemblée Nationale.
Il relève un niveau de violence croissant sur la société française, mais également sa complexification et ses métamorphoses, notamment à l’ultra-droite.

« Vous avez également évoqué les casseurs, répond-il à un membre de la Commision qui l’interroge. Je précise que la DGSI est un service antiterroriste. Aussi relèvent-ils du renseignement territorial et pas de nos services. Nous suivons pour notre part le haut du spectre, c’est-à-dire des individus susceptibles de basculer dans des actions terroristes qui visent à porter atteinte aux institutions de la République. »

« Tous les extrémismes, approfondit-il, ont intérêt à se manifester. La capacité de résilience de la société est faible et, dès lors, il faut la provoquer, provoquer le maximum de désordre pour aboutir, suivant son bord, à la grande révolution ou bien à un ordre mieux établi. Reste que l’on sent bien qu’une certaine violence s’installe dans la société, qu’il y a un vide idéologique. »

« Il y a trente ans ou plus, on a fermé les yeux sur les premiers incidents survenus dans les banlieues. Cela a abouti à ce que les zones concernées soient dirigées par de petits caïds – il s’agissait de délinquance et elle n’affectait pas le consensus social. Aujourd’hui nous nous trouvons dans une situation de « conscientisation » d’une partie d’entre eux. Comment expliquer qu’un voyou qui, toute sa vie, n’a eu pour idée que de voler son voisin pour pouvoir jouir de l’existence, va tout à coup basculer dans un extrémisme morbide puisqu’il va l’amener au sacrifice de sa vie. C’est pourquoi j’estime que si l’on ne raisonne qu’en termes de sécurité, on va dans le mur. La sécurité est en effet une sorte de SAMU : or un SAMU a pour mission de vous conduire vivant à l’hôpital mais pas de vous soigner. »

« Pour être franc avec vous : je crains cent fois plus la radicalisation que le terrorisme. Avec le terrorisme, nous prendrons des coups mais nous saurons faire face – nous avons connu des événements très graves tout au long de l’histoire – ; mais cette radicalisation rampante qui va bouleverser les équilibres profonds de la société est à mes yeux beaucoup plus grave. »

« Pour en revenir aux casseurs, pourquoi ne parvient-on pas à les neutraliser ? Ils sont très bien organisés et jamais ils ne se mettent en situation d’être « pris ». Et ceux qui se font interpeller sont ceux qui se sont à un moment donné agrégés et qui vont rester sur place alors que les autres auront disparu. Les casseurs sont beaucoup plus professionnels qu’on n’imagine : ils ont des relations au plan international et savent partager leurs modes opératoires ; c’est pourquoi on les retrouve systématiquement dans les grandes réunions internationales et, donc, avec les mêmes modes opératoires. »

« Il faut tâcher de comprendre à qui nous avons affaire. Nous constatons chez la plupart de ceux que nous arrêtons un profond mal-être ; or la seule idéologie qui leur donne une raison d’exister en ce bas monde est l’extrémisme religieux. Je passe sur le désir d’aventure, de violence, de vivre dans un autre monde. Reste qu’ils détestent notre société : « Nous aimons la mort comme vous aimez la vie. » C’est très frappant. Je l’ai dit en d’autres lieux : je ne m’explique pas comment une fille de quinze ans quitte la France pour se rendre en Syrie vivre dans des conditions abominables ; je ne m’explique pas comment un gamin que rien n’y prédispose, va poignarder un enseignant juif au seul motif, je le répète, de détester cette société. Aussi, si l’on se limite à une réponse sécuritaire, on se trompe.« 

« Cela d’autant que l’Europe est en grand danger : les extrémismes montent partout et nous sommes, nous, services intérieurs, en train de déplacer des ressources pour nous intéresser à l’ultra-droite qui n’attend que la confrontation. Vous rappeliez que je tenais toujours un langage direct ; eh bien, cette confrontation, je pense qu’elle va avoir lieu. Encore un ou deux attentats et elle adviendra. Il nous appartient donc d’anticiper et de bloquer tous ces groupes qui voudraient, à un moment ou à un autre, déclencher des affrontements intercommunautaires.« 

« La tentation des populismes, la fermeture des frontières, l’incapacité de l’Europe à donner une réponse commune, l’incapacité à adopter une législation applicable en tous lieux, nous posent d’énormes problèmes. Et je note, de plus en plus, une tendance au repli sur soi. »

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