Le référendum ou l’abolition de la raison des peuples

Rien ne ressemble plus à un référendum qu’un autre référendum. En Hongrie, Viktor Orban, le premier ministre hongrois, a pesé de tout son poids pour obtenir de la Hongrie un plébiscite fondé sur le rejet de l’accueil des réfugiés qu’au nom de la solidarité entre membres de l’UE l’Europe souhaite répartir en fonction des moyens de chaque État.

Il ne l’a pas obtenu.

Viktor Orban n’a pourtant pas ménagé sa posture « anti-migrants ». Pour déclencher cette machine infernale référendaire supposée consacrer, face aux institutions européennes, la voix du peuple comme source de légitimité absolue, Viktor Orban a fait du millier de réfugiés à relocaliser dans son pays, un enjeu de souveraineté.
Le Royaume-Uni est passé par ce chemin qui a abouti au Brexit.

Une majorité de Hongrois ne l’a pas suivi en ne se rendant pas aux urnes et en privant le vote du quorum.
C’est un choix politique que certains peuvent s’empresser de considérer comme une instrumentalisation, mais le peuple possède la liberté de considérer si la question à laquelle on l’intime correspond ou pas à ce qu’il considère être le juste exercice de la démocratie.

Hier soir, dès connaissance du résultat du vote, Le Figaro, navire amiral de l’idéologie souverainiste, titrait sur le fait que « Malgré la victoire du Non, le référendum est invalidé ». Une formulation ambiguë qui induit un déni de démocratie et excite le ressentiment et les frustrations. Y compris celles, par procuration, des « patriotes » français.
L’information est-elle au service de la démocratie ? Et la démocratie se tient-elle dans ce jeu malsain qui se noue avec les tentations nihilistes du ou des peuples ?

Il serait intéressant, entre parenthèses, de savoir dans le contexte de radicalisation idéologique actuel, si la proportion de journalistes ayant recours à la clause de conscience est en augmentation. Ou pas.
D’une certaine manière, ce qui se passe, dans le monde, en Europe et en France, le justifierait.

Vox populi, vox Dei…

« Nec audiendi qui solent dicere, Vox populi, vox Dei, quum tumultuositas vulgi semper insaniae proxima sit ». Il s’agit d’un moine anglais, Alcuin, qui écrit à l’empereur Charlemagne, en 798. La locution latine se traduit par « Et ces gens qui continuent à dire que la voix du peuple est la voix de Dieu ne devraient pas être écoutés, car la nature turbulente de la foule est toujours très proche de la folie ». [Source Wikipedia]

Depuis, on a construit plus d’écoles que de prisons. Les Lumières se sont répandues avec parfois de grandes et tenaces éclipses. Mais la démocratie est toujours sujette à des fièvres scélérates.

En Colombie, les efforts consacrés à la réalisation d’un accord de paix entre les Farc et le gouvernement colombien, après 53 ans de guerre et de malheurs, sous l’égide des Nations-Unies, n’attendait plus que l’onction du peuple, pour entrer en application.
D’une très courte majorité, le peuple a désavoué ce processus.
A la proclamation du résultat, le « Non » a dansé et le « Oui » a pleuré.

Il y a des hommes et femmes politiques, aujourd’hui, pour se poser en adeptes de cette pratique de la démocratie et à demander à être élus sur ce gage.
C’est celui qui se rapproche, au-delà de son caractère plébiscitaire, le plus de la guerre civile. Les Colombiens, malgré eux, en témoignent, ce qui explique peut-être que les Hongrois, le même jour, aient décidé de ne pas souscrire à la manœuvre référendaire engagée par leur Premier ministre.

Les référendums – trop souvent – c’est l’abolition de la raison des peuples au profit d’une manipulation de son culte.

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