L’omniprésent œil de Moscou

Dans un article consacré à la montée des tensions entre les Etats-Unis et la Russie, Patrick Saint-Paul, du Figaro, énumère les soupçons de manipulations de la Russie sur les démocraties.

Je note particulièrement, en fin d’article, le passage qui concerne la montée de l’AfD, le parti populiste allemand qui a, aux dernières élections, fait voler en éclat la position centrale de la CDU, le parti de la chancelière. Voir l’article

« En Allemagne, le Kremlin est soupçonné d’instrumentaliser le parti populiste AfD (Alternative für Deutsch land) pour déstabiliser la chancelière… Avec Angela Merkel, les relations avaient été cordiales jusqu’à ce que la chancelière se mette en travers de sa route en Ukraine. », écrit Patrick Saint-Paul.

Cela appelle deux observations de ma part.
La première a trait aux agressions sexuelles qui ont été commises le 1er janvier dernier à Cologne et ont participé, très fortement, au déclin de l’image de la chancelière.

Si le Kremlin misait sur l’AfD, il fallait nourrir sa croissance. Le parti restait marginal fin 2015 et Pegida, le mouvement anti-migrants, ne parvenait pas à imposer sa pensée.
Le moment qui effectue la bascule et place l’AfD dans des conditions optimales pour se développer et toucher largement l’opinion publique est fourni par cette « vague d’agressions sexuelles ».

Il a imposé une insurmontable ambiguïté à Mme Merkel qui a réduit son discours à l’impuissance et se traduit par des échecs électoraux, dont le plus récent a permis au parti d’extrême droite de devancer la CDU aux élections régionales, dans le Mecklembourg-Poméranie Occidentale, région de l’ex-RDA.

Une question se pose d’elle-même. Comment un tel événement a-t-il pu se produire, à cette échelle, de manière spontanée ? D’autant que plusieurs autres villes, ont subi le même type d’opérations, ce jour-là, en Allemagne et au-delà ? A-t-il été organisé ? Prémédité ? Avec pour objectif politique d’atteindre notamment, à ce moment-là, Angela Merkel au cœur de son discours sur les réfugiés : « L’Allemagne peut y arriver », et de le retourner contre elle ?

Ses conséquences politiques, prévisibles en tout cas compte tenu de la sensibilité de la question, interrogent quant à la possibilité d’une instrumentalisation délibérée de ce phénomène.
Certes, la vérité judiciaire, au moment où j’écris ces lignes, n’accrédite pas cette thèse.
Mais la vérité stratégique ?

Quelques jours après cette « vague » d’agressions sexuelles, le ministre de la Justice allemand, M. Heiko Maas, avait déclaré, dans une certaine indifférence : « Quand une telle horde se rassemble pour enfreindre la loi, cela paraît sous une forme ou une autre planifié. Personne ne me fera croire que cela n’a pas été coordonné ou préparé ».

Angela Merkel est-elle la seule à pouvoir être dans la ligne de mire du Kremlin, au point de subir des instrumentalisations susceptibles de favoriser un phénomène de décrochage ?

M. Poutine peut compter, incontestablement, de l’extrême gauche à l’extrême-droite en passant par Les Républicains, sur des soutiens. Le Front National se finance auprès de ses banques. Pour eux, l’Ukraine est russe et la Syrie, c’est Bachar El-Assad.

C’est ainsi que la sécurité collective sera la mieux assurée et les vaches mieux gardées.

La seconde observation porte sur le rôle de la France, évacué du raisonnement de M. Saint-Paul. Il faut pourtant rendre, peut-être, à François Hollande ce qui lui appartient sur deux sujets qui irritent potentiellement Vladimir Poutine : l’Ukraine et la Syrie.
Deux rouages stratégiques dans un grand plan redoutable.

On ne sait toujours pas combien de pois chiches il y a dans la tête de Grégoire M, ce jeune homme arrêté par les services de sécurité Ukrainiens (SBU) alors qu’il embarquait une grande quantité d’armes et d’explosifs (15 kalachnikovs, des lance-roquettes et 150 kg de TNT) destinés selon les déclarations que le jeune homme aurait faites au SBU à des attentats projetés au cours de l’Euro 2016.

Il était déjà tenu à l’œil par le SBU depuis le 15 décembre 2015, ce qui explique, peut-être, que, le 22 mars 2016, après les attentats de Bruxelles, le chef du SBU, Vassyl Grytsak, ait lâché : « Je ne veux pas faire d’affirmation sans preuve mais je ne serais pas étonné si une piste russe émerge dans ces attentats« .

Grégoire M a été arrêté le 6 juin 2016 alors qu’il s’apprêtait à repartir vers la France avec sa cargaison mortelle.
Il refuse de s’exprimer. En juillet dernier, les enquêteurs français n’avaient pas retenu la piste terroriste.

29/05/2022: le dernier article faisant mention de Vassyl Grytsak est un article publié dans Le Monde en 2018 sur une opération destinée à déjouer la tentative d’assassinat d’un journaliste russe.

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