Nul n’est prophète en son pays

La vérité seule sera réconciliatrice et de nature, par conséquent, à purger le monde de l’excès effroyable et sanguinaire de la violence djihadiste et de toutes les autres à venir.

Si nous acceptons le mensonge, les faux-semblants, si nous acceptons un statu quo bâti sur un socle bancal, alors il nous retombera dessus.

Ceci est valable pour la Syrie, comme cela l’est tout autant pour le régime qui asservit l’Iran à une révolution qui arbore fièrement son ambition islamique ou pour la Russie de Poutine qui s’est faite une spécialité de nager dans les eaux troubles.

Mais la vérité n’intéresse pas grand monde.

Est-ce la démocratie devenue médiatique qui nous écarte autant de ce goût alors qu’elle devrait nous y maintenir?
Peut-être.

Comme cela est dit dans ce blog, j’ai suivi, dès 1996, un chemin singulier, qui ne constitue sans doute pas le propos lui-même, mais qui éclaire, au moins rétrospectivement, quant à la nature de ma tentative d’élucidation.

Le journaliste que j’étais alors a démissionné, alors, pour s’investir d’une autre mission qui lui était inconnue, alors. Ce que j’étais amené à écrire dans la presse ne correspondait pas à ce que je voyais.

On proclamait que la démocratie de mon pays était vivante et ce n’est pas ainsi qu’elle m’apparaissait. Je le trouvais dissolue, dissipée, perverse.
J’ai fait un rêve alors, et je l’ai relaté à l’Elysée.

Dans ce rêve, j’étais entouré de « présences », notamment celles que j’ai identifié, sans savoir ni comment ni pourquoi, comme le Christ et Mahomet.

Pourquoi le prophète de l’Islam?

Je l’ignore. En 1996, le djihadisme n’avait pas encore pris l’ampleur que nous lui connaissons aujourd’hui.
Je me suis adressé à la présence du Christ pour affirmer que je ne ferais pas comme Lui, que je m’adresserai aux puissants et que je porterai ma parole ainsi pour la faire éclore.
Est-ce possible? Je me souviens m’être réveillé en sueur.

En toute indifférence, j’ai fait cette confidence.
J’espère, sans en être convaincu, qu’il y a, malgré tout, au sein de l’Etat, quelque chose qui n’est pas altéré et qui enregistre les paroles qui sont élevées par des inconnus.
Mais je n’en suis pas sûr. Cette époque est décevante par tant d’aspects.

Peut-être, celui qui a eu cette lettre sous les yeux, l’a détruite.
Peut-être est-elle archivée.
Cela, je l’ignore. Mais je sais que j’ai fait cet aveu-là, si difficile et déconcertant.

Je me suis surpris à affirmer, alors que la société me reléguait, que je ne manquais pas d’autorité.

Pourquoi, au surlendemain des attentats du 7 janvier 2015, un groupe formé de plusieurs hommes et d’une femme se sont placés à ma portée pour dire, assez fort pour que je l’entende, quelque chose comme « Ils sont cons ces terroristes, c’est ici [à Narbonne] qu’ils auraient dû frapper. ».

Lorsqu’on s’est placé là où je me suis placé pour y dire ce que j’ai à dire – et comme vous pouvez le constater, je ne m’en prive pas – une telle phrase a une résonance singulière.
On peut alléguer le contexte, que j’ignore.
On peut alléguer que c’est le produit d’une chimère.
Certes.

J’entends, ici et autour de moi, qu’il n’y a pas et qu’il ne doit pas y avoir d’homme providentiel. J’entends que le lieu de résolutions et de la décision n’est pas, et ne doit pas être, la conscience d’un homme.

Pour bâtir, il n’y a pourtant pas de lieu plus approprié.

J’entends, et je dois entendre, qu’il n’y a pas de vérité révélée, qu’il n’y a pas de bien et de mal, et qu’il n’y a que des points de vue égaux qui se départagent selon la loi du nombre, les passions qu’ils déchaînent, les forces qu’ils imposent.

J’entends cela.

Mais, pourtant, en dépit de la portée indiscutable de ces arguments, je suis là et je dis ce que je dis.

Et, au sein même de cette démocratie, qui devrait par nature veiller au contenu de chaque parole, je suis ignoré et nié si bien que cela m’a obligé à avancer davantage sur ce chemin et à m’exposer à l’indifférence, à l’incompréhension, quand chaque pas que j’ai fait et chaque chose que j’ai arraché était une victoire.

Ce n’est pas un objet littéraire que j’ai produit. Mais je conserve dans ma mémoire, la forme du balisage.

J’ai même essayé de m’y colleter, en relatant cette expérience singulière, en me disant que cela éveillerait quelque intérêt. Mais cette conversation que je m’évertue à rendre disponible et intelligible reste désertée.

J’ai donc intitulé cet essai d’autoportrait « Classé sans suite ». Je lui ai consacré un peu de mon énergie, mais l’essentiel du combat que je livre est voué à un autre combat qui dépasse ma personne et qui m’a amené à dire, dans une indifférence sidérante, que l’Iran est à l’origine du complot dont nous déplorons les effets tout en en chérissant les causes.

Ce n’est pas important. Chacun doit supporter, dans ce monde, la négation de son être.

Un objet littéraire, ce n’est pas la vocation de ce que je porte, ni la vocation de ce que je suis.

Si vous regardez, comme il le faut, peut-être un jour, comme moi, vous considèrerez que l’histoire des religions se confond avec celle de la démocratie et qu’elle ne lui est pas antinomique.

Je ne suis pas de ces islamologues qui pensent l’Islam, mais curieuse est la manière dont l’antéchrist y est transcrite, sous la figure du Massid Ad-Dajjâl.

Comment de telles choses ont-elles pu être écrites. Avant même d’avoir pu être écrites, comment, et dans quel cadre, ont-elles pu être pensées.
Comment le hasard, les coïncidences, agissent-ils?

Cela n’a aucune importance. Mais j’ai produit ma propre historicité. J’ai déposé mon récit.
Et cela compte.

J’aime bien cette formule d’Eugène Ionescu: “Penser contre son temps, c’est de l’héroïsme. Mais le dire, c’est de la folie.”.

L’unique choix qui incombe à un homme est d’en prendre le risque.
La plupart se contentent de bavarder.
La vie leur sert à cela.
Nul n’est prophète en son pays.

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