La République, c’est la responsabilité de tous

La gauche, lentement mais sûrement, a fait du concept de justice sociale une tromperie. Elle l’a vidé de toute substance. Elle a trahi Jaurès en faisant un fonds de commerce du cri du cœur et de révolte initiaux qui justifiaient sa cause. Elle a défiguré et trahi l’idéal social et humain. Elle trahit aujourd’hui en prétendant la défendre la dignité du travailleur et du citoyen. Elle est méconnaissable.

Les syndicats, même s’ils se gargarisent d’un million et demi de personnes défilant dans les rues, y concourent en souscrivant à une arithmétique des petits calculs quand la France, pour elle-même autant qu’au sein d’une Europe vouée à la grandeur si elle a les reins assez solides et les idées à la hauteur de ce qui doit l’inspirer, a surtout besoin de grandes équations nouvelles.

Où va, sinon au désastre, une démocratie emportée par une surenchère sociale où tout finit par procéder par une illusion d’optique qui dépossède le peuple de son rapport au réel ?

C’est le rapport que le peuple entretient au réel et à ce que le réel exige, qui fonde sa dignité. C’est valable en temps de paix. C’est valable en temps de guerre. C’est invariable et c’est intimement lié à la manière dont on conçoit son devoir et qu’on honore, quel qu’il soit, son rang.

Ce n’est pas autrement, surtout, que chacun rencontre sa véritable grandeur qui n’est pas limitée à un statut social et qu’il confère ainsi à la République la vertu essentielle qui lie, par leur interaction et leur complémentarité, l’ensemble des citoyens en une nation, en une grande communauté d’effort, d’intelligence et de destin.

Toute politique, tout esprit partisan, qui corrompt ou occulte cet esprit brade le peuple à des illusions. Toute politique qui corrompt ou occulte ce caractère plutôt que de l’entretenir et le mettre en valeur est impardonnable car il dissout la dignité du peuple et le voue au malheur.

Lorsque l’on fait battre, au peuple ou à partie de lui, le pavé au nom de slogans faux et cyniques, rieurs ou haineux, on profane le peuple et les conséquences, longtemps invisibles et insignifiantes, s’installent et elles finissent par être la source de maux irréversibles et généralisés qui stigmatisent la société en la rendant, morceau par morceau, de l’école aux enjeux de la solidarité entre générations, insoluble à elle-même, privée d’horizon.

Nous avons tendance à oublier que la République, c’est la responsabilité de tous. C’est par la recherche constante de la vérité et par le mépris des démagogies que la République émancipe. C’est en y cédant qu’elle asservit, détourne du commun. C’est en entraînant à y céder qu’elle aliène.

Il n’y a pas de République sans responsabilité.

Le politique comme la démocratie n’ont de sens et de vérité qu’à cet aulne.

La nature du pouvoir ne se vérifie et ne renouvelle sa substance que sur cette crète.

Ce sont des dimensions vivifiantes que le peuple français doit rechercher et resacraliser.

Le long cours de l’histoire témoigne que rien de bon ne peut émaner des masses que l’on pervertit, mais, qu’au contraire, peu de choses résistent à un peuple animé par l’idée claire de ce qu’il se doit à lui-même.

Ce peuple-là peut avancer sans crainte dans l’histoire. Il gagnera sur tous les plans.

La société française n’a pas besoin de révolution institutionnelle.

Elle a besoin d’une révolution du sens et chacun devrait voir, car cela crève les yeux, qu’elle souffre et s’égare du fait que cette révolution essentielle ne lui soit point donnée.