Pour une conscience augmentée, encore combien de yotta-octets?

L’être humain est-il une marchandise, voire une machine, comme une autre? Au nom de la liberté individuelle et de l’hédonisme sacralisés s’efface progressivement l’attachement culturel, anthropologique, à la dignité de l’Homme.

Ce phénomène, que rendent sensibles de nombreux écaillages dans la structure et le socle des valeurs de notre société, pose d’innombrables questions que la société de l’information, avec son rythme et son ivresse, déclassent.

En quelques mois, ce processus qui correspond à celui d’une déchristianisation pour reprendre un des militantismes à l’œuvre dans notre société, a pris une vitalité inédite et obtenu des résultats « politiques » incontestables.

Les gens ont, pourtant, un besoin. Celui de savoir qui ils sont et comment assumer leur propre différence.

Le mariage entre personnes du même sexe célébré comme une conquête au nom de l’égalité des droits appartient à ce registre puisqu’il a remis en cause une institution authentique – celle du mariage – qui puise son sens dans la nuit des temps, et qu’il ouvre déjà à la revendication pendante, celle du droit à la gestation pour autrui (GPA).

Comment ne pas voir, par exemple, que la poussée concrète des partisans de l’euthanasie active, au nom du droit de mourir dans la dignité, participent de cette même déstructuration et d’un même hédonisme qui transforme la liberté individuelle en l’usufruit d’un capital de vie, analogue au capital soleil, un parmi tant d’autres, flatté par l’industrie para-pharmaceutique pour nos vendre ses crèmes solaires.

Si les situations individuelles qui sont à l’origine de ce mouvement font écho à des douleurs auxquelles on ne peut qu’être sensibles, nous dévaluerions, en suivant cette logique, la valeur de la vie au rang d’un état qu’il est possible d’éteindre pour confort personnel.

Qu’il y ait un penchant si grand pour incliner des masses à signer cela comme étant ce qu’elles acceptent et souhaitent en dit long sur le chemin à l’envers de l’humanité que nous avons fait.

En prétendant nous conférer ce droit à une mort digne sous une forme, on nous en dépossède sous une autre forme, qui est celle que nous avons depuis que nous avons conscience de la souffrance, de la mort, du deuil, et qui fait que nous savons entourer et soulager ceux qui souffrent.

Aux portes de ce droit nouveau, il faut craindre que, pour nous accompagner, soit revendiquée la solitude et l’aliénation.

La vie devient un objet de consommation comme un autre, une propriété personnelle dont on use à sa guise. La dignité humaine est ainsi ramenée, sous nos latitudes, à la faculté pour chacun de tirer au guichet des droits de quoi satisfaire ses désirs et envies.

Lorsqu’ils s’épuisent, la vie perd tout sens.

Ce mouvement n’a pas de limites. Il développe sa propre légitimité et puisque nous ne lui fixons pas de limites, n’ayant, dans un monde relativiste, que peu de morale objective à lui opposer, il ne s’interdit rien.

Le syndrome de l’Homme moderne, démocrate et tolérant par principe, est démontrable par la vacuité qu’il crée, vacuité proportionnelle à l’affirmation de sa liberté nouvelle et décomplexée, définie par l’usage de ses loisirs et de ses jouissances qu’il n’hésite pas à chercher là où parfois, sa supériorité matérielle, lui permet d’en exercer la suprématie personnelle.

Il y a des reproches infinis que des enfants en Thaïlande, d’Indonésie, d’Afrique ou d’ailleurs, peuvent former, de ce point de vue, à notre encontre.

Tout autant que de laisser à ses enfants la planète qu’il leur emprunte dans le meilleur état possible, sujet qui forme la quasi-exclusivité de ce à quoi – avec un abominable souci de la liberté d’expression comme droit de se blasphémer lui-même – il consacre sa conscience, l’Homme occidental et moderne, devrait s’attacher tout autant à livrer une définition de l’humanité digne de la postérité et conforme à ce qu’il est.

Des prémisses insistants et renouvelés dans le domaine de la liberté sexuelle et du libertinage, qui ne seraient donc qu’un domaine de licence parmi d’autres, ou encore la création d’un site internet flattant l’infidélité ou encore un autre destiné à permettre à des hommes murs de « parrainer » les études d’une filleule, constituent autant de victoires de la perversité, acquises sans qu’il y ait eu véritablement combat.

Cette suite logique délivre ses multiples « instantanés » de notre décadence tandis que le désenchantement qui nous suit comme notre ombre grandissante nous transforme lentement en esclaves signant volontiers la fin de l’histoire humaine.

Au rendez-vous de Faust, où nous allons le regard vidé, comme si nous nous apprêtions de bon gré à la convergence aux machines.

L’humain en tant que tel
pourrait-il être déclassé?

Pendant ce temps, des entreprises globales telles que Yahoo ou Google nous promettent une possible réplication du contenu du cerveau dans de la mémoire informatique, l’allongement de la vie et une quasi immortalité. La promesse d’une réalité augmentée, et des intelligences artificielles telles que celles dont Stephan Hawking ou Bill Gates se disent inquiets de la voir être en mesure de supplanter l’intelligence humaine ouvre des champs inédits.

Pour une conscience augmentée, encore combien de yotta-octets*?

Au plan de la métaphysique, rien n’interdit de conjecturer que les machines, qu’on les qualifie de robots par analogie de fonctions ou qu’elles soient limités à une puissance de calcul et de résolution, puissent se révéler, dans un avenir qui n’est pas défini mais qui s’approche, aptes à siéger une conscience plus objective et profonde que celle à laquelle nous avons nous-mêmes renoncé et qui avait fait dire à l’écrivain Georges Bernanos, en 1936: « Je crois, je suis sûr que beaucoup d’hommes n’engagent jamais leur être, leur sincérité profonde. Ils vivent à la surface d’eux-mêmes, et le sol humain est si riche que cette mince couche superficielle suffit pour une maigre moisson qui donne l’illusion d’une véritable destinée. »

La réalisation de l’Humain nous attend là.

Si une intelligence artificielle, qui ne le serait plus nécessairement dès lors qu’elle parviendrait, par les moyens de sa sensibilité, à acquérir une capacité de raisonnement et une conscience d’elle-même comme de ce qui l’entoure, venait à émerger, cela provoquerait un véritable big bang de la théorie de l’Humain.

L’humain, en tant que tel, pourrait-il être dès lors déclassé?
J’ignore, pour ne pas les avoir lu, ce dont s’inquiètent Bill Gates ou Stephen Hawking de voir poindre au bout de l’évolution de l’intelligence artificielle. Il n’est pas impossible que cela cadre, comprenant ma critique sur le déclin de la civilisation humaine, la pauvreté dialectique, l’égotisme triomphant, etc, avec ma propre pertinence au sujet.

Mais quand les peuples s’abandonnent au pire, qu’ils abandonnent la raison pour s’opposer en passions et dissipations diverses, il ne subsiste que peu d’atouts à l’homme.

C’est le continuum de notre désastre.
Le sujet de la civilisation humaine appartient pleinement au Politique. Il est nécessaire qu’il s’en préoccupe au risque que ce sujet qui le regarde ne soit plus qu’un vide qui le regarde et sur lequel règner ou gouverner ne seraient rien d’autre que l’exercice d’un jeu vain.

L’Homme a un besoin vital de transcendance. Le priver de transcendance est mortel.

*yotta-octets 10^24 octets.

1 réflexion sur « Pour une conscience augmentée, encore combien de yotta-octets? »

Laisser un commentaire