L’UE, l’OTAN, sabre, goupillon

En réaffirmant, le 13 avril 2023, dans les colonnes de La Republicca, son euroscepticisme, sa volonté de voir la France quitter le commandement intégré de l’OTAN et celle de cesser de contribuer à armer le bras de l’Ukraine, Marine Le Pen s’éloigne des valeurs de la République.
Il ne faut pas avoir peur de le dire car cela correspond à une réalité objective qui mérite d’être mise en évidence.
Ce n’est en rien un argument de sophiste que de constater le fait, à travers ces trois projets fondamentaux, que la présidente du Rassemblement National et prétendante naturelle à la candidature suprême, accepte de faire de l’hymne national un chant étranger, un chant dépourvu de vibration, décharné.

La Marseillaise est le chant patriotique par excellence. Il est la quintessence, depuis l’origine, de la République. Il exhorte à se lever contre la tyrannie.

Ne pas reconnaître ce chant pour ce qu’il est, c’est ne pas être tout à fait, déjà, dans la République française, dans sa beauté et sa grandeur.
La Marseillaise est notre diapason. La République française se règle et doit se régler, dans l’inconscient collectif, à cette vibration.
Il est possible d’objecter que les trois sujets sur lesquels elle souhaite voir la France manifester une autre souveraineté ne font pas l’objet d’un tabou et, qu’à ce titre, ils appartiennent au champ de ce qui peut être politisé sans remettre en cause l’identité nationale.

Il est possible d’en faire l’objet d’un débat. Mais opérer des telles ruptures est d’une portée qui engage le destin de la nation, plus gravement que le Brexit a affecté celui du Royaume Uni.

Altérer notre lien à l’Union Européenne, poser le bouclier qui assure notre sécurité et ne plus participer, auprès de nos amis et alliés, à permettre à l’Ukraine de se défendre contre la Russie contredit ce que dit notre hymne. Cela contredit ce que nous sommes. Cela contredit la République.

Que Marine Le Pen se le dise: car notre hymne, à l’instar de la Révolution qui a animé nos ancêtres, possède une résonance universelle. Les Ukrainiens combattant pour leur liberté et leur souveraineté agissent, vivent et meurent en accord avec le grande vibration que La Marseillaise a fait naître.


En revanche, les Russes, auxquels vont sa sympathie pour des raisons sans doute humainement complexes, personnifient la tyrannie.

Nous traversons une période de grand trouble moral, intellectuel. Nos institutions sont menacées.
Dans ce contexte, il est possible de se tromper de chemin. La France, humiliée, l’a fait en 1939, en perdant le fil de son histoire.

Elle aurait mieux fait d’écouter Rouget de Lisle qu’un vieux maréchal, dépassé par les événements et terrassé par les ambiguïtés d’un monde nouveau qui s’apprêtait à naître dans la destruction de l’ancien.

Il faut écouter La Marseillaise.

La République Française ne se sauve qu’au fond des choses. Elle n’est pas dans la frivolité même si elle est aérienne et sait danser.
La République française a rêvé de changer le monde. Elle est née avec la découverte d’un immense et insoupçonnable sentiment de liberté et a levé l’ambition d’insuffler l’esprit des Lumières sur l’Europe.
Napoléon y a échoué, mais Jean Monnet l’a initié.
L’Union Européenne réalise un rêve de grandeur française pacifiquement, par le gré commun.
C’est là le second point où Marine Le Pen, qui est la figure de proue respectable d’un courant de pensée réel et significatif a tort, aussi.

Et c’est là qu’il faut le prouver, le démontrer par A + B, de la présence de chaque individu du vaste territoire que nous composons jusqu’à la vibration attendue de l’€ dans le système monétaire international.

Cela adviendra.

Et l’OTAN, dans tout ça, elle assure entre ses membres la protection d ‘un ensemble de valeurs communes, à commencer par l’attachement à la démocratie.

Marine Le Pen dénonce l’UE comme un « totalitarisme ». La République française, à travers ses institutions et son régime, comme « non démocratique « .

Elle leur préfère la « grande » armée russe de soudards et de mercenaires défendant un régime vicié à l’OTAN, organisation d’un traité qui est notre assurance vie.

L’OTAN constitue une « sainte » alliance, dans la dimension de la doctrine et de la sécurité collective. Elle n’est pas animée par une volonté hégémonique primaire mais par le fait qu’elle est au service de valeurs qui forgent l’intérêt d’ensembles vivants et dynamiques et que sa force légitime est puisée dans la vie qu’elle protège.

La Russie peut pleurer. Elle n’a pas ce caractère. Pour être inviolable, il ne faut pas dresser ses soldats pour tuer et violer. Ce qui menace la Russie, c’est un service à la vie, au dynamisme culturel, social et économique, qu’elle ne peut pas générer et dont elle voudrait que nous, nous renoncions à le générer.

Marine Le Pen n’est pas au bout de ses contradictions. J’ai bien peur qu’elle ne puisse avoir raison qu’à petite échelle du raisonnement historique, qu’à petite échelle de la conversation humaine.

Ce n’est pas suffisant aux yeux d’une grande majorité de Français, dans leurs cœurs surtout, pour diriger la France et pour être la voix de la France.

Gardons donc nous de céder à la tentation de la facilité. La France a besoin d’une conversation nationale profonde pour élever et maintenir la société à ce niveau d’amour et de pensée patriotiques.

Nous voyons bien les forces qui tentent d’immobiliser l’esprit à des émotions, des images, des slogans, du charivari et couvrir l’espace par l’incessant bourdonnement médiatique sensé empêcher quiconque de penser au delà de son brouillard.

Retrouvons la liberté de penser haut et grand.

Marine Le Pen ne peut compter que sur des malentendus et des effets de sidération (le terrorisme a pour vocation de provoquer cela) pour accéder à l’Elysée et imposer son projet de désarmement moral, militaire et politique.

Son programme, effilochage par effilochage, conduit à cela.

Il ne lui est pas interdit d’y croire.

Mais je voudrais rappeler que la République française fait appel à du sacré, du vrai sacré, qui fait battre le cœur du soldat et habite l’âme des modestes et des humbles, des Ouvriers.
Tout le monde est ouvrier en son sein.
Elle domine le chaos par ce sens du sacré.

Oú est-il au RN? Oú est-il à LFI?

Je viens de lire que c’est Georges Clemenceau le premier à avoir utilisé l’expression « la sainte alliance du sabre et du goupillon », sans que je décèle, a priori, la connotation péjorative qui est devenue son commun.
A tort?
Clemenceau n’est pas républicain ?

Ne fais pas le voyage à vide

Le modèle social français, dont la retraite par répartition est un des éléments, est très singulier. Nous disons qu’il nous est cher.
Pourtant, il est en danger. Nous le mettons en danger.

Il n’est pas en danger à cause du gouvernement. Il l’est à cause de celui à qui il bénéficie et qui rechigne à le servir et à l’alimenter comme il faut.

Le modèle social français repose sur la Fraternité. Sur la fraternité intergénérationnelle, c’est-à-dire la nécessité pour chaque génération de subvenir, pour les membres qui sont en état de le faire et à la mesure qui est la leur, aux besoins de la génération qui la précède et, en même temps, à veiller aux conditions laissées à la génération qui va lui succéder, à celle-là, visible et physiquement tangible, comme à l’ensemble de celles qui s’en déduisent.

La nation est comprise entre ces bornes.

La nation soigne l’héritage et sert la postérité. 

Ne fais pas voyage à vide.

Le devoir que l’on doit, au titre des retraites, est avant toute chose un devoir de fraternité. Il ne peut pas être entendu d’une autre oreille.

Ce devoir appelle un sens de la justice et de l’équité. Il appelle une sincérité sans faille à l’égard de la République. On ne vient pas à elle avec des slogans, des éléments des langage, des artifices idéologiques.

On y vient avec ce qu’on est et avec ce qu’on fait.

La République ne tient que par l’ardeur de ce lien invisible qui, assemblé l’un à l’autre dans une dimension et grandi, l’un par l’autre, dans l’autre dimension, parcourt, édifie et transforme le peuple et assure, dans sa pleine dimension, sa cohésion.

Ne fais pas le voyage à vide.

La cohésion est, en revanche, illusoire dans le milieu au sein du quel règne l’a-priori.

Il n’y a pas de cohésion dans une société qui organise la confrontation des pauvres aux riches, de ceux d’une couleur de peau contre d’autres, de ceux qui apprennent contre ceux qui sont instruits, des ignares contre les sachant, de ceux ou celles d’un sexe contre l’autre, des personnes d’une orientation contre l’autre, de ceux qui sont déjà fatigués à ceux qui sont infatigables.
La République est la cohésion de tous.

Dirons-nous de la République qu’elle se trompe quand elle escompte notre grandeur et notre responsabilité et qu’elle a eu tort, en définitive, de penser un peuple dont chacun serait fait de cette précieuse matière? Signerions-nous ce que nous dénonçons comme une erreur sur la marchandise? Nous ne sommes pas ce peuple. Il n’est pas à notre portée.

Ou, alors, est-il possible de reconnaître que nous nous trompions lorsque nous trompons cette République au profit d’une démagogique ou d’une frénétique de passage, d’une vacance de l’esprit démocratique?

Ne fais pas le voyage à vide.

La République française nous apporte la dignité accompagnée des devoirs. C’est un cadeau plus qu’un fardeau. Si nous entendons le devoir comme une charge qui nous honore, nous trouvons la solution. Si elle n’est pas là, encore, parmi nous, les brillants esprits qui émanent de nous pour nous, ces brillants esprits l’imagineront; ils la mettrons en évidence. Cela suppose d’appeler la forme d’intelligence par la bonne voie, la culture adéquate.

Mais si nous ne savons plus voir le devoir qui nous incombe que comme un fardeau, qui s’alourdit d’autant plus que nous ne voyons que nous ne voyons en lui que la peine qu’il réclame, alors, nous allons au mensonge avec nous-mêmes. Nous allons au mensonge avec la République.
Nous trichons. Nous nous perdons.
Il n’y a plus de postérité qui tienne.

Il y a l’égoïsme et sa solitude. Mais point de fraternité.

Ne fais pas le voyage à vide.

 

-La démocratie est fragile. Il faut la traiter avec beaucoup d’égards et de déférence. Ce n’est pas forcément ce à quoi nous assistons. Avec une virulence plus pathologique qu’ailleurs, sans doute parce qu’en France, nous avons inventé la Révolution, il y a, dans ce pays, une lutte qui n’est pas achevée. Elle oppose ceux qui voient en la Révolution française le cycle perpétuel des abjurations sanglantes et brutales, abjurations au Rationnel et à la Foi, au Beau et au Vrai, au civilisé à celles et ceux qui voient en elle ce qui la rend si transcendantale, le fait qu’elle se soit sublimée en une proclamation universelle, transfigurée en des Lumières.

-Le drame d’un piano, ce n’est pas d’être totalement désaccordé. C’est que personne ne se rende plus compte qu’il est désaccordé et que chacun tienne la cacophonie et la discordance qu’il débite pour le système harmonique auquel il est supposé contribuer.
-Alors que se passe-t-il ? La civilisation sombre dans la discorde. Les mots s’aiguisent comme des couteaux. Ils lacèrent la pensée.

D’une manière générale, tous les pianos du monde, mais aussi les violons, les cymbales, semblent désaccordés. Les âmes se taisent, reculent.
Mais nous nous y sommes habitués. Nos oreilles se sont accoutumées. Nos sens aussi.

Il ne nous vient pas à l’idée d’appeler un accordeur de piano, pour corriger le défaut.

Nous le laissons s’amplifier, au contraire, jusqu’au moment où la cacophonie, son concert d’outrances, d’intimidations, d’attaques ad personam, nous deviennent presque agréables.

Nous nous sommes accoutumés à toutes les violences verbales, aux brutalités.

Aux premiers mots de mon lointain récit, j’ai posé deux phrases :

La première est : « Il y a une histoire humaine à sauver. »

La seconde : « L’histoire du fils d’un charpentier est une histoire de démocratie. Celle de Mahomet, de Bouddha, aussi. »

-Vous dîtes n’importe quoi ! L’église, le Temple, la synagogue, la mosquée, Cela n’a rien à voir avec la démocratie.

-c’est aussi ce que je me suis dit. Que faire autour de tels postulats qu’une culture contemporaine, que ma propre pensée, refoulent ? Je me suis mis à marcher. Jusqu’au bout de moi-même.

-Pour revenir au piano désaccordé, je pense que ces personnes, ces prophètes et grands Sages, qui sillonnent le ciel, dans le contexte et l’horizon qui était le leur, ont entendu ce qui n’allait pas.

Là où ils étaient, dans le vaste écho de la conscience qui était leur, ils décelaient ce qui clochait.
Ils avaient, en quelque sorte, l’oreille absolue, la faculté d’entendre, au sein du tumulte, ce qu’il y a à entendre dans le bruit du silence.
Ils ont dépassé tout contexte et tout horizon et servi Dieu, ou l’humanité si vous préférez.

-Et ils ont surtout réaccordé l’instrument humain. Ils l’ont fait pour des millénaires.

On néglige cet aspect de l’histoire.

Les églises, le son des cloches, la lumière dans les vitraux, la voix des muezzins, les moulins à prière, le simple passage du vent, les vibrations du métal, tout cela c’est le diapason où les âmes ont la faculté de se réaccorder.

Je comprends mieux l’obstination d’une certaine forme de laïcité à araser le paysage de tous ces repères, du timbre de la cloche aux statues de la vierge. Certaines personnes veulent que le peuple soit seul pour traverser l’histoire.

C’est le drame de l’Occident d’avoir décidé de tuer Dieu, le mot qui abrite des millénaires de spiritualité et transforme l’immatériel en solide.

-Vous ne comptez quand même pas changer le peuple ?

-Je ne comprends pas qu’on puisse vouloir se voir confié le destin d’un pays en disant à sa population : « Vous êtes très bien comme vous êtes. Ne changez surtout pas. Laissez-moi vous protéger. Laissez-moi vous nourrir. » C’est électoraliste et démagogique.
Venez comme vous êtes, c’est un slogan commercial. Pas une devise de la République.

-Vous vous prenez pour qui ?

-Je porte le nom de ce que je dis. Je porte le nom de ce dont j’accepte d’être le passage.

Le nom réel d’une personne est-ce qu’elle accepte de voir passer par elle.

 

 

孔夫子 (Confucius) peut-il perdre ?

Questions pendantes:

Nous savons déjà que le XXIe siècle est le siècle qui répondra à deux questions majeures.

La première se formalise en #Ukraine et semble ne pouvoir l’être qu’aux dépens de la #Russie.
Oui, une puissance nucléaire peut perdre une guerre.
Ce n’est pas une affaire de désirs pris pour des réalité. Si ce ne doit pas être le cas, il est à craindre que ce soit la fin de l’Histoire.

La seconde se cristallise autour de Taïwan.

Comment la Chine Populaire, forte de 1,4 milliards d’habitants, pourrait-elle ne pas avoir “raison” d’une Chine Nationaliste de 25 millions d’habitants ?


Elle peut, vraisemblablement, la soumettre par la force, l’enserrer; elle peut nourrir et accepter l’escalade, obliger l’humanité à la suivre, dans le chaos et l’instabilité, desservant les termes vers lesquels elle veut voir converger le statu quo.

Mais avoir « raison » de Taïwan, c’est autre chose.

C’est le champ d’une réalité existentielle propre à la Chine éternelle qui se développe et se fixe autour de Taïwan. « Dans l’avenue des deux-Républiques, le bourreau passait, son sabre courbe sur l’épaule, suivi de son escorte de mauséristes », écrit André Malraux dans La Condition Humaine, paru en 1933. L’avenue des Deux-Républiques a débordé en mer de Chine, sous la forme du détroit de Taïwan.


Le conflit ontologique n’est pas le moins du monde réglé.
Il s’est réveillé et s’aiguise avec le réveil du géant économique, démographique, militaire, qu’est la Chine continentale.

La Chine a la responsabilité de se résoudre elle-même pour devenir une puissance politique à l’aune de ses autres attributs de puissance.
Elle ne peut pas faire semblant de rien.
Où, quand et comment est de l’ordre de sa souveraineté.

La grandeur de la Chine est, de ce point du vue, essentielle au monde. La grandeur de la Chine ressortira. Ou elle fera défaut.

Et les autres puissances devront compenser le défaut.

A la différence de la Russie, nous devons, déjà, être reconnaissants à la Chine de maîtriser sa force.
Elle pourrait, en effet même si tout est fait pour l’en dissuader, céder à la tentation de répondre au principe de la Chine unique en l’éteignant par la brutalité extrême et le renoncement à la valeur de la parole.

Le chemin de Poutine ne devrait pas être celui de Xi Jinping.

孔夫子 (Confucius) peut-il perdre ?

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Retour aux sources

Il n’y a pas d’autre choix que de sortir du marasme démocratique par le haut, par la liberté de l’intelligence autant que par l’intelligence de la liberté.

La République nous attache, par ses institutions, par le vocabulaire qu’elle met à la disposition de tous, à la discipline de la liberté. Même si son addiction invoque en son nom le droit de boire tout son saoul, un alcoolique n’est pas libre par l’alcool. Un drogué par la drogue.

Le défi de La liberté (guidant le peuple) ne peut se réaliser que par la détermination du peuple à rester et redevenir, pleinement, qui il est: Un et indivisible. Le Peuple est-il proclamé et se voit-il essentialisé ainsi, dès l’origine, pour se voir réduit au narcissisme?

Nul n’est citoyen par le genre sexuel, par les phobies, les allergies, par ses dénis, le sectarisme de ses orientations alimentaires ou de quelques lubies, par ses passions partisanes et idéologiques qui constituent un marketing de la pensée.

Nul n’est citoyen par le paroxysme identitaire auquel est porté, à dessein d’atteindre la République, l’individu médiatique, l’homo médiaticus.

On n’est pas citoyen par sa personne médiatique. On l’est par son Être. Par l’unicité de son Être.

Le peuple se définit par ce qui lie et distingue. Il se décompose par ce qui sépare et « indiffère ». Il y a une Politique qui ne parle plus qu’aux différences. Il y a une Politique qui ne sait qu’accentuer les différences, qui ne sait parler à chacun parce qu’elle ne sait plus parler à tous.

Tel est le triste cours d’une désolante démocratie.

La République ne peut pas être sans le peuple. Elle ne peut pas être sans l’esprit de service envers le peuple qui doit animer chacun, y compris celui qui rend compte et l’informe.

Le journaliste veille, au-delà de la religion des faits, sur l’intégrité du système et des contenus informationnels.

Cela est dû au peuple. C’est ce qui l’édifie.

Apocalypse, selon Poutine

Le fait que le régime de Vladimir Poutine assimile l’Occident à une “menace existentielle” dans la doctrine stratégique de la Fédération de Russie n’est à relier, d’une manière aussi aiguë, à aucun précédent historique.

La terminologie employée par la fédération de Russie porte la question de la guerre bien au-delà du champ de sa phénoménologie classique qui détermine sa rationalité.

Il s’agit pour Poutine de s’ériger en camp du Bien face à la « domination » insidieuse du Mal, d’en libérer le monde et d’être, ainsi, à l’origine de la création d’un nouvel ordre mondial.

Un régime qui fait cela, creuse sa tombe.

En prenant le risque d’engager cette dimension sémantique et un tel niveau d’essentialisation, la Russie n’ordonne pas, en effet, qu’une escalade des mots et des postures.

Vladimir Poutine matérialise, au nom de la Russie, une porte qui n’est pas celle du paradis sur terre puisqu’elle est celle des enfers.
Elle n’existe que si on la voit. Elle n’existe que si quelqu’un prend le risque de la désigner.

C’est ce que Vladimir Poutine vient de faire clairement.

Hitler et le IIIe Reich ont aussi, en rêvant simultanément d’une race aryenne dominant le monde et le débarrassant des Juifs, désigné cette porte et engagé la quasi-totalité de l’humanité dans les ténèbres de son entrebâillement.

De tels hommes ont inauguré l’ère de la calamité. Ils ont fait du XXe siècle le siècle d’un effondrement.
Faut-il vraiment que le XXIe poursuivre cette descente et en reprenne les prémisses ?

Ce qui est infalsifiable,
C’est que la lumière triomphe des ténèbres

L’auteur de Mein Kampf a donné un sens historique à l’holocauste et permis de définir la substance du crime contre l’Humanité.

Vladimir Poutine, lui, fricote du côté de l’apocalypse nucléaire.

Voyez, surtout, qu’il ne peut y faire que fricoter.

Mais Nous, les nations du monde, ce composé des hommes et des femmes de races, de religions, de convictions et de cultures différentes, au nom de la Liberté et de la dignité des Hommes, ne sommes pas des nations, des citoyens et des sujets, qui fricotons avec les thèmes dont dépendent le destin commun.

Pour peu que cela nous soit demandé par les circonstances, nous ne savons aller qu’à la profondeur des choses pour que, là même, vienne le règne de la Lumière et celui du dénouement.

Nul ne peut transformer l’ombre en lumière. Il est possible à un régime corrompu de maquiller bien des choses, mais la lumière reste la lumière et l’ombre demeurera l’ombre.
Ce qui est infalsifiable, dans l’ordre des choses, c’est que la lumière triomphe des ténèbres.

On le voit : la Russie n’a pas les moyens de parler clair. Elle louvoie sans fin, elle baragouine une langue qui n’est plus celle de Tolstoï. En guise de sceptre, elle arbore le balais brosse qui lui permet de laver le sol du sang qu’elle répand et elle demande qu’on s’incline devant lui.

Qui le fera ? Qui fera cette allégeance ? Qui aura l’inconscience d’y succomber ?

La Russie peut essayer de noyer les apparences, d’inverser tous les éléments de langage et les repères, elle n’est pas soluble dans le droit et l’élévation de la culture.

Elle méprise le droit. Elle vénère la force.

Elle s’adonne à une manipulation du psychisme national et international qu’elle livre à des charlatans. Qu’il s’agisse du patriarche Kyrill, d’Evgueni Prigojine, commandant en chef de Wagner et son armée de salopards, ainsi que des polyvalents des basses œuvres du régime.

Elle a anticipé, sournoisement, les conditions qui lui permettent de se poser en victime de l’agression préalable. Elle est allée à la bonne école de la dictature du prolétariat.

On se demande pourquoi la Russie tord le cou à la réalité ? Pourquoi elle ment effrontément à son peuple ainsi qu’au monde et pourquoi elle « inverse » le champ des valeurs?

Elle le fait car la réalité de qu’elle est, l’objectivité de son intention, ne peuvent être assumées. Il lui faut déguiser la réalité, travestir maladroitement l’Etat, lui retirer, à commencer par le respect du vrai, les attributs de sa dignité.

L’Armée, le Militaire, est l’extension de la dignité que se fixe l’Etat. Il n’y a pas d’armée sans honneur. Il y a des mercenaires et des soudards. Ses généraux, ces officiers, finiront par le voir.  

Nous sommes le siècle
qui a les yeux grands ouverts
et qui a l’âme centrée.

Vladimir Poutine porte l’apocalypse.

Il ne s’agit pas de l’apocalypse nucléaire.

Cette menace nucléaire, elle est brandie, virilisée, vectorisée par un arsenal fantasmé comme invincible, depuis des mois. Mais le maître du Kremlin ne mesure pas à quel point la montée à l’arme extrême, synonyme du feu nucléaire, à quel point cette instrumentation essentialise.

Au-delà de la terreur qu’elle est sensée inspirer, elle ramène à la réalité de l’enjeu, elle dépouille l’état du réel des artifices. Elle laisse transparaître, au delà de toute glose, le visage du régime.

L’arme nucléaire est un élément formel de la dissuasion. Elle met, symboliquement, une partie de la puissance des dieux dans des mains humaines.

Mais que personne ne laisse croire à personne qu’elle n’octroie que ce pouvoir, et que ce pouvoir est un gage d’impunité. Elle leur met, à l’égal de celui des dieux et à proportion du pouvoir de destruction, la mesure et le poids de la responsabilité.

Cela est inaccessible aux fous et aux clowns.

Ce qui est peut-être encore pittoresque quand il s’agit des gesticulations de Kim Jong Un est cela même qui est inconcevable s’il s’agit de la Russie.

La seule apocalypse que Vladimir Poutine lève en invoquant « une menace existentielle » est celle qui menace le Kremlin: c’est celle de la vérité. Elle ne se combat pas avec des radars, des batteries anti-aériennes ou grace à des engins hypersoniques, pas plus qu’avec des coalitions hétéroclites et trompeuses.

C’est la première et la dernière fois dans l’histoire de l’humanité, au sein de l’espèce humaine, que les nations doivent accepter de voir invoqué, au nom d’une menace existentielle que leur ferait subir une ou un ensemble de nations, ce risque de vitrification par l’une des leurs. Il n’y a pas de petite vitrification.

Mêmes celles qui y sont rétives, qui considéreraient que cette guerre n’est pas la leur, faisant primer leur intérêt strict, leur éloignement, sont happés par cette surenchère stratégique.
Elles ne peuvent ignorer ce vers quoi cette surenchère est le marchepied.

J’aimerai que nous en vinssions à la grande question finale.

Pourquoi Vladimir Poutine, en arc-boutant son système politique, social, étatique et militaire sur une menace existentielle, a creusé lui-même, tout seul, la tombe de son régime ?

La raison en est très simple. Elle n’est pas sybilline. Elle est comme un secret d’enfant.
Le Bien n’a pas d’ennemi existentiel. Seul le Mal, dans la langue propre à la conscience des Hommes, se place dans l’exposition à une menace existentielle, et il ne peut la subir que de ce qui incarne, à ses yeux, le bien.

Le Bien ne se définit pas lui-même et ne définit pas le Mal. C’est le Mal qui définit le Bien et se définit lui-même, en sorte qu’il n’y a pas de lutte finale entre le bien et le mal. Il n’y a pas de victoire et de défaite: n’est que ce qui doit être, distingué de ce qui ne le doit pas.

Ce fil d’Ariane ténu relie solidement, sans qu’elles s’en rendent forcément compte, toutes les civilisations en une. Il relie, lentement, invisiblement et un à un, tous les Hommes en une seule, unique et infinie conscience.

Elle a l’infini pour racine et témoin.
Il faut la dégager de la tourbe du relativisme et de l’existentialisme.
Elle donne sa cambrure à l’Etre, face au Néant.

De quel calcul saugrenu Vladimir Poutine a-t-il pu tirer pour conclusion
que l’homme qui préside au destin d’un milliard et demi de personnes
et qui est adossé à la grandeur d’un si grand et ancien empire
peut se laisser aller à l’hérésie,
et prêter l’honneur du peuple à la dépravation ?

Xi Jinping ne peut pas ne pas savoir
que nous sommes en un siècle qui ne l’accepte pas.

.

Nous sommes le siècle qui a les yeux grands ouverts
et qui a l’âme centrée.

Pauvre Russie.