La coupe du monde de rugby, Jean Dujardin, Derrida et les apôtres de la déconstruction

Ce qui n’est pas pardonné à Jean Dujardin, c’est d’avoir osé dire qu’il y a une France avant Jacques Derrida et les principes de déconstruction dont il s’est fait le chantre, ces derniers aboutissant, finalement, à ce qu’il peut y avoir de plus grotesque, aujourd’hui, dans les revendications du wokisme, jusqu’à l’abolition délibérée de l’orthographe.
Ce que certains veulent finir d’implanter dans les cerveaux.

De ce point de vue, le Jean Dujardin en marcel du spectacle d’ouverture de la coupe de monde de rugby est le vrai Astérix d’une France irréductible qui a des raisons de l’être.

C’est pour cela que Libé est monté au créneau en invoquant la « naphtaline ».

C’est pour cela que Le Monde, grand gardien de l’orthodoxie avec le grand I d’idéologie, ne pouvait pas laisser passer ce crime de lèse-majesté.

Il faut mesurer à quel point la France dont Jean Dujardin a dessiné le tableau offense une certaine gauche et ses serviteurs. Que Sandrine Rousseau ait twitté son rejet de l’ »empilement de clichés » en stigmatisant ce qu’elle considère n’être que le produit du vil monde de la testostérone, dit que Jean Dujardin a touché une corde sensible.

Ce faisant, le sujet ne méritait pas, puisque ce n’était pas la vocation du spectacle, de couper la France en deux et de livrer cette France au Rassemblement National pour qu’il la défigure inévitablement. Il nous a déjà fait le coup avec Jeanne d’Arc, que l’on avait déjà livrée aux Anglais.

Ce sont ceux qui le critiquent plus durement que de raison, qui se croit obligés de l’étriller, pour les raisons que je viens d’énumérer qui, finalement, obligent à aller au débat au fond, car les Français le méritent, car les Français méritent de savoir ce qui se joue derrière l’allégorie.
Ils méritent de tirer au clair l’affaire.

Ce qu’a fait Jean Dujardin de si impardonnable, c’est d’avoir remis, au nom du rugby, l’église au centre du village et d’avoir fait tourner, de manière un peu ovale, le monde autour de ce que, symboliquement, cette place représente.

Il l’a fait à l’échelle de la planète du rugby et c’est cela, immédiatement, que certains se sont empressés d’essayer de ringardiser. Car il ne faut surtout pas que la portée subliminale du coup de pinceau puisse enraciner quoi que ce soit de positif.
Il faut, dans tous les sens, gâcher le spectacle. Il faut ternir la fête et y instiller le poison.
Cela commence par les sifflets « spontanés » réservés au chef de l’Etat – qui est un autre sujet de la désinhibition – et finit par l’attaque en règle du parti pris du spectacle inaugural pour ce qu’il tente de dire dans son format et dans son langage.

Sous couvert de critique,
quelque chose
de pernicieusement
iconoclaste s’opère

Le tableau de Jean Dujardin célèbre l’esprit de clocher, pur, jusqu’à se confondre avec sa propre caricature. Il remet la tour Eiffel au centre de la France comme on remet, dans le langage courant, l’église au centre du village. 
Remettre l’église au centre du village: L’injonction, dépourvue de connotation prosélyte, est entrée dans le langage courant pour signifier, dans le langage populaire, quelque chose de fort que chacun comprend immédiatement. Elle dit que quelque chose ne tourne plus rond et qu’il faut, par une opération simple, y remettre de l’ordre.

Jean Dujardin a osé dire que la France de l’Ovalie est l’instrument non pas d’une nostalgie empreinte de « naphtaline » mais d’un esprit de clocher qui confond son rayonnement avec celui qui se projette et rayonne à partir de la tour Eiffel.

Lui aussi, le noble gallinacé, ils l’ont trouvé ridicule. Sous couvert de liberté d’expression et de nécessité de critique, s’opère quelque chose de pernicieusement iconoclaste, et ce quelque chose revient à l’inépuisable logique de la déconstruction, toujours sous-jacente, toujours à l’œuvre.

Cet esprit qui anime tant d’intellectuels et de sous-fifres de la politique n’est pas l’esprit français.
Mais il a installé la trame dans laquelle il pense ne pouvoir inscrire que son histoire. C’est une gauche que je ne crois pas être celle de Jean Jaurès, d’Anatole France, qui a favorisé ce profond, seul et unique grand remplacement, le remplacement de l’esprit français, avec ce qu’il a de flamboyant, de vital, d’irrésistible et de franc (de coq?) par un esprit torve, foisonnant d’habileté et d’opportunisme.

Ne sous-estimez pas son action ni son emprise.
Normalement, cet esprit-là que porte et partage la gauche a gagné. Il pavoise.
Même si elle donne l’impression de travailler à sa perte, en favorisant, sur une ou plusieurs opportunités électorales, le Front National, elle a jalonné, sur le plan cognitif, le chemin que nous ne pouvons pas ne pas suivre, auquel nous sommes censés revenir, auquel il est anormal que nous rechignions.
Elle fixe le débat, comme le Front national l’a fait de son côté. Mais sa complexité est beaucoup plus redoutable. L’altermondialisme, avec l’écologie radicale et toute sa sphère imaginative, fait ce travail de sape et d’enrôlement.

Ce sujet mérite donc notre attention et notre vigilance car la mécanique qu’il installe consiste à nous éloigner, irrémédiablement, sans que nous en puissions en être conscients, de nous-mêmes, de notre indivisible caractère humain. Invisiblement, elle structure, profondément, les forces politiques, au-delà du théâtre national, et affecte donc, le destin collectif.
Au fond, chacun ressent ce malaise. Il inspire tous ceux qui investissent, avec un certain succès, les thèses identitaires. Mais ce qui est questionné dépasse, de loin, la question de l’identité.
C’est servir le processus qui est conduit que d’arrêter la réflexion à l’illusion identitaire.

Construction et déconstruction.
Braves gens, méditez!

En attendant remettons de ce rugby franc et loyal, remettons de l’intelligence du jeu, de la créativité, du mouvement, de la puissance, de l’imprévisibilité, remettons l’humain au centre du village. Ne boudons pas, en restant fair-play, notre plaisir.

Merci à Jean Dujardin, merci au rugby, d’essayer, alors, que ce n’est pas leur rôle mais celui des clercs, d’avoir la justesse, en puisant dans le trésor de ce que nous sommes, de vouloir nous ramener à nous-mêmes.
De ralentir, par un geste désaltérant, le processus funeste.


PS: Je ne m’excuse pas auprès de ceux que cela indispose. C’est ma façon de penser. C’est ma façon d’écrire.
Je regrette, profondément, que le journalisme ne s’attache plus aux sciences humaines, à la sémiologie, aux sciences cognitives. Livré aux lois du buzz, de l’émotion, du sondage, du conformisme, il est devenu un continent de je ne sais quoi qui dérive au gré de forces et d’attractions, qui ne sont pas exemptes de manipulations et d’arrières pensées. J’ai quitté cette profession pour avoir constaté, avec mon air con et ma vue basse, cette béance au centre du village. Elle s’est creusée.



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