Le pape François et le rêve de démocratie de dieu

La visite du pape François à Marseille, les 22 et 23 septembre 2023, constitue un événement historique. Le successeur de Saint-Pierre voulait que quelque chose « tressaille » et il n’est pas impossible, au fond, que quelque chose a « tressaillé », parce que son timbre était juste, lorsqu’il a fait entendre la voix de l’Eglise.

La grande voix de l’Eglise appelle à sauver les migrants, « à empêcher la Méditerranée d’être le tombeau de la dignité ». Son exhortation vient à point nommé.
L’Eglise serait-elle l’Eglise en laquelle il est possible d’avoir confiance si elle ne disait pas cela ? Si elle disait le contraire de cela ? A combien d’encâblures l’enfer se trouverait de ce point-là ?

Il y a des gens qui espèrent cette église-là. J’entends même des catholiques et des chrétiens protester : dire que François ne serait pas légitime et que Benoît XVI était le pape ratio. Ils invoquent un dieu qui est une ombre, un christ qui n’est pas sur la Croix. Ils invoquent un Esprit-Saint factice.

Ha, ce fameux XXIe siècle déclaré, par André Malraux, comme voué à être son propre tombeau s’il ne renouait pas avec la spiritualité. La Méditerranée est le début de ce tombeau. Tout invite à l’ouvrir en grand et à y engloutir la légende de nos siècles, le feu de nos Lumières, la hantise des péchés du XXe siècle.

La crise des migrants n’est pas que la crise des migrants. Elle est une crise de l’humanité, d’une humanité prise au piège des limites qu’elle se fixe, de ses inégalités matérielles, de sa longue fatigue qui doit prendre fin.
Le pape a réclamé le courage de dire ce qu’il avait à dire. Il l’a exercé.
Nous devons avoir le courage de l’entendre. Nous devons avoir le courage de nous éveiller.

Nous n’avons pas le droit de ne regarder que notre nombril, que les frontières de nos lassitudes, que nos psychoses sociales, le mirage nationaliste de nos envies d’autarcie et de quant à soi.

La démocratie n’est pas destinée, seulement, à recueillir la volonté générale du peuple. Elle n’est pas mise à notre disposition pour que nous ayons la paresse mortelle d’être dupes de nos propres abandons, de nos propres trahisons. Elle est connectée à une grandeur humaine qui n’est pas éloignée de l’idée que l’on peut se faire de la transcendance.

La démocratie ment quand elle n’est pas clairement du côté de la vie et de la liberté.

Il se trouve toujours quelqu’un d’assez habile pour nous encourager à préférer Vichy à Londres, à tromper notre libre-arbitre. Malheureusement, la politique en fourmille. Il y a des affreux sbires en Afrique. Il y en a au Maghreb. Il y en a partout. Ils font trafic de tout. Ils font commerce de toutes nos impuissances, de toutes nos irrésolutions.
Avec eux, le déshonneur devient l’honneur, le mensonge devient la vérité. La seule chose qui ne change pas c’est que le faible est écrasé, le faible paye, le faible meurt.

La démocratie permet avant tout au peuple de dire qui il est dans l’Histoire. C’est sa parole sacrée, c’est sa signature. C’est son sceau.

Le Politique n’a pas le droit de la galvauder.
Le peuple non plus. Il doit être de cette intransigeance.

La France, l’Europe, l’Amérique, l’Afrique, font face à une grande offensive. C’est une offensive du mensonge, du travestissement, de la manipulation des esprits, une offensive de la vulgarité et de la brutalité.
C’est une offensive destinée à rendre nos nations incapables de savoir qui elles sont et ce qu’elles ne doivent pas cesser d’être dans l’histoire du monde.


C’est une offensive destinée à diviser toujours plus le peuple et à faire disparaître en lui le dénominateur commun, de le priver de l’unité qui peut faire scintiller son arme morale.

Il n’y a pas de péril plus imminent que celui-là.
Il n’y a pas de plus grand risque de grand remplacement que de se voir, un infâmant crépuscule, rejeter les valeurs fondamentales de notre dignité, parce que notre regard s’est conditionné, lui-même, pour ne plus reconnaître l’humanité là où elle est, pour la rejeter.

La République française, dépositaire d’une révolution unique et inégalable, porte en elle le flambeau pour réveiller l’esprit des Nations. Mais elle doit, d’abord, se réveiller elle-même.

Nous avons voulu que ce qui est à César demeure à César. Alors, que César en soit le digne attributaire. Qu’il parle lui aussi, qu’il dise ce qu’il doit dire. Qu’il déplace si besoin les montagnes, lui aussi.

Le monde n’a pas besoin de résignation.

La politique est le seul instrument pour ouvrir les mers rouges d’aujourd’hui. Le peut-il autant que les dieux du football ? Il faut qu’elle trouve et parle, parmi tous les langages de vérité à sa disposition qui s’opposent et s’annulent les uns les autres, celui de la grande vérité.

Nous voulons un monde meilleur.
Nous construirons un monde meilleur.

Disons, tout de suite, à nos ennemis, à tous ceux qui, chaque jour, minent la démocratie, saturent son espace de conflit et de polémiques, jettent les cohortes sur nous, que c’est fini. Que nous voyons clair dans leur jeu.

Disons que, en France, en Europe, en Ukraine, partout où souffle l’esprit libérateur, nous sommes celles et ceux qui se ressaisissent et que la loi du monde est et restera celle-ci : ce qui n’est pas plus ou aussi juste et fort que nous, tombera.

Nous n’avons que le verbe. Nous avons sa puissance.

Laisser un commentaire