De l’opportunité, ou de la nécessité, de mettre la Russie au ban de l’ONU

Au moment où la question d’exclure la Russie du Conseil de Sécurité de l’ONU surgit médiatiquement, et fait écho, notamment, à la réflexion que développe Nicolas TENZER dans l’ouvrage qu’il a publié aux éditions de l’Observatoire sous le titre « Notre guerre », il faut reconnaître que l’ONU a un rôle décisif à jouer et qu’elle ne peut pas passer à côté de ce qui l’appelle à être ce qu’elle doit être.

Pourtant, l’organisation semble inapte à produire la légitimité et l’autorité qui pourraient déterminer la neutralisation des menaces que la Russie et l’Iran exercent impunément sur la scène internationale.

Exclure la Russie du Conseil de Sécurité, c’est bannir la Russie. C’est la mettre au ban des nations. Or, le bannissement suppose de pouvoir imputer à tout Etat susceptible de faire l’objet d’une telle procédure, un crime au-dessus de tous les autres de sorte qu’il soit mis à l’index par tous et que nul, en conscience, ne puisse se soustraire à l’appel de son impartialité.

L’exigence d’impartialité n’est pas appelée tous les jours. Seul, un enjeu historique est susceptible de requérir de chaque nation, la concentration, exprimée en une seule décision, très lourde de sens et d’enjeu, des caractères qui définissent l’essence de sa souveraineté.

Se prononcer sur la mise au ban de la Russie du Conseil de Sécurité de l’ONU relèverait donc de l’exercice le plus aigu qui soit quant à ce qui fonde la souveraineté.

Est-ce que c’est impossible ?

Pour espérer réussir à opérer une adhésion là où plusieurs propositions de résolution ont déjà échoué, il est indispensable de dépasser les clivages, les blocs, les solidarités visibles ou invisibles, et même les alliances fondamentales.

Peu d’événements ou de menaces permettraient un tel dépassement. Il n’y en a jamais eu dans l’histoire.

Les crimes de guerre n’y suffisent pas.

Même les crimes contre l’Humanité ne suffisent pas pour porter la conscience universelle au niveau de réprobation qui transcenderait les configurations géopolitiques usuelles.

Comment dépasser le jeu des coulisses propre à la complexité et aux préséances d’une organisation telle que celle des Nations Unies ?

Comment dépasser, également, l’infini des objections opposables qu’il s’agisse de mensonges (Colin POWEL, en 2003, avec sa fiole pour le compte de l’administration Bush) ou encore les précédents, les jurisprudences pourries, liées au conflit israélo-palestinien ?

Quant à la dimension génocidaire, elle nourrit le procès perpétuel et insoluble de l’Occident contre lui-même, pris dans l’insoutenable oscillation du culpabilisme post-colonial et de sa relation à Israël.

Cette « relation » concentre en elle un antisémitisme au cube : parce qu’il est juif, parce qu’il est sioniste, et parce que nous devons tous nous sentir palestinien que l’Iran, via le Hamas et ses proxys, déploie comme une toile.

Cette toile attrape tout ce qui passe à sa portée d’idiots utiles, de doctrinaires, de prédicateurs, et, même d’universités parfois prestigieuses.

L’accusation de Poutine
d’une implication de l’Occident
dans le terrorisme islamique
est le signe assumé
d’une forme de désinvolture
idéologique et stratégique.

Lorsque la préméditation émane d’un État, ou de plusieurs États, le crime n’est pas un assassinat, le crime, dans chacune de ses dimensions, appartient au domaine de la conspiration.

Comment reconnaître la conspiration ?

Le propre d’un État qui conspire, c’est très probablement, qu’il montre et accuse la conspiration là où elle n’est pas et la rend invisible et insoupçonnable, inimaginable, là où elle était, là où elle est, là où elle se déploie.

A quoi a servi le brûlot conspirationniste L’effroyable imposture paru en mars 2022, soit quelques semaines après le 21-Septembre-2001?

Si l’on admet que c’est un tissu de mensonges, alors, son utilité première consiste, peut-être, à montrer la conspiration là où elle n’était pas et ne pouvait pas, presque par définition, être pour la masquer, là où elle peut être?

Je ne suis pas dans la tête de Poutine, de Khamenei, encore moins dans celle de Thierry M, pour savoir ce qui l’a inspiré voire abreuvé.

Malgré ou peut-être même grâce à son retentissement et son succès planétaire, Thierry M, son auteur, a, pour les démocraties, discrédité, préventivement, l’idée même de conspiration, dressé son tabou, tandis qu’il la propageait partout ailleurs.

Il y a tant de biais négatifs et de failles dans les esprits, notamment via le fonds d’antiaméricanisme primaire et secondaire, que cette thèse a trouvé, pour des raisons innombrables, un terrain pour prospérer et faire des émules,  faire des disciples.

Cette possibilité d’action occulte et subversive dans l’esprit humain, et d’altération délibérée du libre-arbitre, est un crime au dessus de tous les autres car c’est une atteinte à ce qui nous fait humains, de manière universelle.

C’est une trahison de tout et de tous.

Est-ce que ce sujet ne mérite pas l’intérêt intellectuel le plus aigu puisque c’est ce mouvement qui tend, actuellement, les ressorts d’une guerre que l’humanité en son entier perdra faute d’avoir vu ce qui se passait à l’échelle où cela survient et est survenu?

C’est, d’ailleurs, la réactivation délibérée du mythe porté par L’effroyable imposture qui est plus que paradoxale dans l’accusation de Poutine désignant la responsabilité occulte de l’Occident, voire française, dans l’attentat islamiste du 22 mars dernier au Crocus City Hall.

Elle n’est pas anodine. Elle n’est pas que cynique. L’accusation de Poutine d’une implication de l’Occident dans le terrorisme islamique est le signe assumé d’une forme de désinvolture idéologique et stratégique.

Elle relève presque du lapsus révélateur laissant entrevoir le paysage mental sur lequel Poutine régne et dont il étend l’empire, méthodiquement, jusqu’à ce qu’il se confonde, avec d’autres.

C’est un paysage mental dépourvu de moralité, dominé par le vice et la corruption. C’est un paysage mental où aucune nation ne doit pouvoir croire ni trouver refuge ni pouvoir imposer son ordre aux autres, quelles qu’elles soient.

La dialectique à l’oeuvre est l’empreinte de ce paysage mental.  En étant sensible au voile que la dialectique pose sur les choses pour les annexer, on devine le paysage mental qu’elle recouvre.

Le champ d’observation n’offre pas un alignement d’objets et de signes sur une rhétorique constante et régulière, mais un enroulement dans un objet dialectique assez complexe pour être insoupçonnable.

Cette dialectique ne révèle sa forme et son amplitude que lorsque l’ennemi, Nous en l’occurrence, est submergé, subverti, terrassé, privé des moyens de riposte à l’échelle de la dialectique mise en œuvre contre lui.

La Russie ne se pense et n’agit que par les principes, les réflexes, les biais et conditionnements mis en place pour Nous rendre incapable de discerner la menace.

Bien nommer les choses, aujourd’hui, est-ce se jeter – comme la misère sur le pauvre monde – sur l’objet sémantique du terrorisme islamique, et de céder aux impulsions médiatiques qui font voir la menace partout, au delà de ce qu’elle représente par elle-même. Pendant que l’islamobuzz sature l’espace, que se passe-t-il?

Je pense que c’est cela qui se passe et que ce projet est bien avancé. L’ennemi bénéficie de la faillite du système médiatique. J’espère qu’il subsiste de la lucidité au niveau des États.

Ce qu’a lancé le hamas, le 7-Octobre-2023, constitue un crime monstrueux, abominable. Cela ne suffit pas, pourtant, à qualifier les choses au niveau où l’implacable déferlement de haine place l’exigence de l’analyse.

Le 07-Octobre-2003, dans des kibboutz innocents, ce n’est pas une haine aveugle qui s’est déchaînée.

C’est, au contraire, une haine pleine d’acuité qui a été orchestrée. C’est une haine, avec un horizon. C’est une haine qui savait exactement ce qu’elle voulait provoquer.

La dette de sang et d’horreur du 7-Octobre-2023 a été voulue énorme et monstrueuse pour réaliser un effet de levier dévastateur, à l’échelle du monde.

C’est ce que la hamas a fait. Ce n’est pas un acte de résistance, c’est un élément d’une grande conspiration.

C’est pire qu’un crime contre l’humanité puisque c’est un crime contre l’humanité consenti pour alimenter un brasier de haine dévastatrice et presque universelle contre Israël, contre les juifs partout où ils sont.

Le gouvernement de Benjamin Netanyahu, au-delà de sa répression légitime et compréhensible des premières semaines, ne fait pas que s’isoler, aujourd’hui, dans la poursuite d’une vengeance sanglante.

Il entre dans le piège tendu par le Hamas, pour le compte de l’Iran.

L’empressement des commentateurs à exclure l’hypothèse d’une coordination de l’opération du hamas en fonction de l’intérêt russe et iranien, à l’un ou à l’autre, ou aux deux, est curieuse car elle dément le bénéfice tactique et stratégique qu’en recueillent ces deux puissances comme le trouble, la désynchronisation de la capacité de résolution et d’attention, qui est semé dans les relations internationales.

Là où un sujet de discorde modérée – l’Ukraine – avait déjà peu de chances d’aboutir à une résolution, qu’en est-il après irruption, au niveau constaté le 7-Octobre-2023, d’un sujet qui est construit comme devant être la mère de toutes les discordes ?

Tout cela appartient-il, du point de vue du mouvement stratégique auquel nous sommes confrontés, à une même unité de temps et à une même unité de lieu ?

C’est très probable.

Le nid où l’islam stratège s’est accouplé avec l’hydre altermondialiste, c’est la conférence de Durban 1, fin août-début septembre 2001. Elle est marquée par un clash sur la question palestinienne érigée comme l’étalon de toute injustice. Quelques jours après, le 11-Septembre-2001 Al-Qaida a publié les bans de cette union.

Ce qu’opère la Russie, comme ce qu’a accompli le hamas le 07-Octobre-2023, relève de la conspiration contre l’Humanité par le degré de perversion du calcul qui est réalisé, par les effets secondaires attendus, par l’effet de levier escompté.

En accusant l’Ukraine
d’être nazie,
la Russie ne pratique pas
le point Godwin.
Elle se désigne elle-même
dans l’ordre des ténèbres.

Bien que l’expression « Conspiration contre l’Humanité » ne soit pas juridiquement établie, ne peut-elle pas servir à conceptualiser et à débattre de pratiques extrêmes qui, bien que ne relevant peut-être pas strictement des crimes contre l’humanité tels qu’entendus traditionnels, représentent néanmoins des menaces contre les fondements mêmes de l’existence humaine.

La Russie empoisonne l’esprit humain. Elle l’a fait sur les démocraties occidentales. Elle le fait sur l’Afrique.
Elle le fait déjà, grâce à son droit de veto, à l’ONU et le fera, aussi, sur l’ensemble des institutions.

Il faudra donc établir que la Russie agit, sur une large période dont tout porte à croire qu’elle débute avant le 11-Septembre-2001, pour soumettre ou discréditer l’institution qui tente de régir les relations des nations entre elles.

Et qu’elle le fait, circonstance aggravante, alors même que le statut politique et moral que lui confère son rang de membre permanent du Conseil de Sécurité, l’oblige à défendre, a minima, la charte ou, le cas échéant, à être force de proposition pour l’améliorer.

Les Nations-Unies sont nés de l’échec de la Société des Nations à avoir évité la montée du nazisme et la seconde guerre mondiale. Les nations se sont constitué, en 1945, en une Organisation des Nations-Unies afin d’empêcher le retour de la guerre et la survenue d’un désastre comparable à ceux qui ont bouleversé le XXe siècle.

C’est l’engagement sous-jacent que les nations ont pris. C’est l’engagement sur lequel les membres du Conseil de Sécurité, en dépit d’intérêts qui peuvent être divergents, ont le devoir de veiller et s’il y a manquement à ce devoir, l’assemblée générale, peut-être en mesure de sanctionner le Conseil de Sécurité.

Ce serait une convocation de portée historique. Il ne s’agit pas de le galvauder. L’institution n’y survivrait pas.

Puisque les nations unies sont nées de la volonté d’épargner à l’avenir au monde l’abomination que le nazisme y a semé, l’institution ne peut pas être indifférente à toute accusation qui, de près ou de loin, réinterprète ou ressuscite le nazisme.

Tout le monde connaît la loi dite de Godwin, du nom de cet avocat américain, stipulant que « Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’une comparaison impliquant Hitler ou les nazis s’approche de 1. »

En accusant l’Ukraine d’être nazie, la Russie ne pratique pas le point Godwin. Ce que la Russie fait, en accusant l’Ukraine d’être un nid de nazis ou l’Occident d’être « satanique » ne participe pas d’une posture rhétorique permettant, par l’assimilation de l’interlocuteur ou de l’adversaire à un SS ou à un nazi, d’annihiler la rhétorique adverse. Ce qu’elle fait en désignant l’Ukraine ou l’Occident comme le siège du mal absolu, c’est qu’elle se désigner elle-même dans l’ordre des ténèbres.

S’il était possible de prouver que la Russie est un Etat « nazi, tout serait simple.

La situation justifierait une saisine de l’institution à un niveau de délibération extraordinaire puisque la situation exposerait l’institution à une menace qu’elle s’est fixé pour mission, à travers son droit de résolution, de conjurer.

Nous sommes dans la position
de ces astrophysiciens
qui subodorent,
par leurs calculs,
la présence d’un trou noir

Est-ce vraiment un manque de chance si c’est elle qui accuse l’Ukraine et l’Occident d’être le siège du mal absolu. Ou est-ce, déjà, puisque nul n’ignore la psychologie de la Russie, une forme d’aveu qu’elle consent à faire sur la construction stratégique qu’elle orchestre et les moyens de mensonge, de désinformation et de duplicité qu’elle a mis en œuvre pour réaliser son plan de renversement de l’ordre international pour y installer des conditions de sa domination.

La Russie utilise l’accusation du nazisme à l’encontre de l’Ukraine, de décadence à l’égard de l’Europe, de satanisme à l’encontre de l’Occident, désormais incriminé pour téléguider le terrorisme de Daesh, pour masquer la dialectique qui détermine, depuis longtemps, son action globale.

Nous sommes dans la position de ces astrophysiciens qui subodorent, par leurs calculs, la présence d’un trou noir, qui par définition absorbe tout rayonnement, et qui n’ont pour parvenir à le démasquer que l’observation des anomalies dans un champ d’observation pertinent.

Toutes les nations du monde, si elles devaient être convoquées en session extraordinaire, seraient dans la situation de cet observateur.

Elles peuvent être désinvoltes car la part de rhétorique qui leur est parfois adressée est flatteuse et libératrice, et peut toucher d’innombrables cordes sensibles, mais à un moment, comme cet observateur têtu et obstiné, il faudra bien qu’elles voient ce qu’elles voient, pour reprendre Charles Péguy.

Le libre-arbitre des nations du monde tient à ce fil.

Il n’est possible de voir ce qu’il y a à voir qu’en s’affranchissant du prisme de la dialectique, surtout lorsqu’elle se montre irrésistible. Ou en traversant un certain nombre de déserts.

Le terrorisme islamique, jusqu’à un point qui va bien au-delà de ce qui est généralement admis, est intéressant sous bien des aspects, mais il en est un principal qui l’amène à se replacer, particulièrement en Europe, particulièrement en France, dans le focus pour replacer son propre prisme à la place de celui du véritable danger.

Les Nations Unies doivent lever une dernière ambiguïté sur laquelle il est insupportable de voir la Russie jouer.  Le fait d’être une puissance ou une nation « dotée » ou « aspirante » est une circonstance aggravante.

Cela n’assure en aucune manière l’impunité, comme la possession d’une arme plus puissante ou égale à celle de la police, n’assure pas à un voyou d’être au-dessus de la loi.

Elles doivent donc dire qu’une nation nucléaire mise au ban du Conseil de Sécurité, ne peut pas invoquer une menace exitentielle, comme source de sa légitimité à user d’un vecteur nucléaire.

Sa protection est assurée par le droit international.

Les Nations Unies seules possèdent cette légitimité.
Elles doivent s’emparer de cette prérogative.

Un moment à la place de dieu

[Réflexion sur la Russie et le contexte géopolitique actuel]

Il n’est manifestement pas possible à la Russie d’être supérieure à sa nature. Même si elle fournissait des efforts, elle n’y parviendrait peut-être pas. Comme elle n’en fait pas et qu’elle s’abandonne, corps et âme, aux penchants qui la dominent, alors, la Russie est trahie par sa nature et elle sera vaincue par ses démons.

Même le IIIe Reich n’aurait pas osé. Il assumait sa nature maléfique. La Russie de Poutine, elle, ose tout. C’est à cela qu’il va falloir apprendre à la reconnaître, en prenant la peine de remonter le fil de nos certitudes, des certitudes sur les événements qui ont marqué l’entrée dans le XXIe siècle.

En dépit de la revendication par l’EI-K, filière afghane de l’État islamique, Vladimir Poutine a dit que les auteurs islamistes de l’attentat contre le Crocus City Hall le 22 mars étaient commandités par l’Occident collectif. Son ministre des Armées, Sergei Shoigou, a réitéré l’accusation, y associant formellement la France.

Loin d’être une banale déviation rhétorique, la tournure des événements, après l’attentat perpétré au Crocus Center le 22 mars 2024, dans la banlieue de Moscou, marque, au niveau purement dialectique, le plus inattendu des tournants.

Il faut en prendre la mesure et cesser d’éviter le sujet, au motif que c’est une manipulation de l’information de plus. Ce n’est pas une manipulation de l’information de plus.

La manière dont la Russie détourne l’événement dépasse, il me semble, le cadre de la guerre déclarée par la Russie à l’Ukraine. Il dit tout, dans une sorte de lapsus révélateur irrépressible, de ce qu’est l’âme russe, lavée par un siècle de communisme, dévoyée par un quart de siècle de poutinisme, de la nature du combat que la Russie, sur cette partie de l’échiquier a engagé contre nous. Il est le révélateur d’une culpabilité russe dont la seule question, aujourd’hui, est de savoir jusqu’où elle trempe et jusqu’où elle a trempé.

Notre ennemi fondamental, c’est cette âme russe.

Le système d’information occidental ne mesure pas la portée du mensonge d’Etat proféré par la Russie qui ne voit dans l’Etat Islamique K qu’un exécutant.

Les journalistes ne veulent voir que l’énormité du stratagème, ce qui équivaut à ne rien voir. C’est se priver de lucidité.

Il y a un impensé stratégique, le nôtre, sur ce que furent les attentats que nos démocraties ont subis, depuis le 11-Septembre-2001. Il resurgit, à la faveur des incroyables accusations russes, comme un angle mort inacceptable. Il faut l’ouvrir.

En nous disant que le terrorisme islamique est un exécutant de basses œuvres au Crocus City Hall, l’ancien sous-officier du KGB Poutine, refondateur du FSB, nous dit-il quelque chose que nous devons nous forcer à entendre sur l’histoire du terrorisme Islamique, ses racines, ses collusions objectives, ses manipulations, ses liaisons ?

Il nous dit que nous ne devons pas nous fier aux apparences.

C’est une parole de quelqu’un qui sait de quoi il parle.

Il est donc temps de se poser la question et de regarder le champ de bataille global, de regarder l’ensemble de la perspective historique, l’action psychologique de dérèglement du libre-arbitre qui y est menée. La pensée n’est pas une souris prisonnière d’un labyrinthe ou d’une mise en complexité. La pensée va où elle veut.

Les médias, le système d’information dont sont pourvues les démocraties, se révèle dans l’incapacité de prendre cette mesure potentielle des événements.

Ils n’ont pas appris à imaginer le mal. Sa banalité peut-être ? Son empire, son expertise, en aucun cas : « Toujours préférer la connerie, à l’hypothèse du complot »

Le narratif que les médias ont construit autour d’un consensus bloque le système d’analyse, de traitement, de projection des faits, à des normes et des standards.

Le système d’information fonctionne comme une machine aveugle qui ne voit que ce qu’elle a appris à voir.

Nul ne veut voir la disruption narrative que le maître du Kremlin a opéré au lendemain de l’attentat au Crocus Center et ce dont ce basculement est, compte tenu de ce que nous avons appris de la psychologie d’agression russe, le révélateur.

Nous savons, depuis tous les conflits qu’elle a animés, que l’inversion accusatoire est une spécialité russe.

Partout, de Grozny à Alep, en passant par l’Ukraine, elle s’exonère de ses turpitudes (emploi d’armes chimiques, menace nucléaire, crimes de Boutcha, menaces sur les russophones, etc.) en les prêtant, d’abord, aux autres.

Elle a appris à se justifier de l’injustifiable en prêtant l’injustifiable, d’abord, à celui à qui elle est opposé.

Cette fois, pourtant, la Russie a passé le stade de l’inversion accusatoire. Elle introduit la perversion accusatoire, c’est à dire qu’en accusant l’Occident collectif d’être derrière l’attentat du Crocus City Hall, au mépris des évidences et de la revendication même de l’organisation EI-K, elle prête à l’Occident global la possibilité d’être derrière tous les attentats. Elle prête surtout, et c’est ce qu’il faut prendre en compte, aujourd’hui, à l’Occident la perversion dont elle a, sinon l’expérience achevée, du moins l’imagination aguerrie.

Entre l’imagination aguerrie et l’expérience aboutie, il y a l’opportunité stratégique qui se présente sous une forme ou une autre, de manière directe ou indirecte. Voilà ce qu’il y a.

La Russie fait partie des nations qui n’hésiteront pas à se saisir de telles opportunités.

Cette affaire d’islamistes qui ne seraient que des exécutants, confirmée, jeudi, auprès du ministre de la Défense français par son homologue russe veut semer un niveau de confusion de plus et, peut-être, au fond, va-t-elle contribuer à en enlever un.

Rien n’est compréhensible, et l’attitude même du pouvoir russe balaye les suspicions légitimes d’un coup orchestré par le FSB ou quelque autre instrument au service de l’Etat profond russe.

On a beaucoup plus de questions que de réponses.

Mais ce qui est sûr, depuis le 22 mars 2024, c’est que l’Islamisme est redevenu, en Europe, l’ennemi existentiel.

Il ravit ce titre à la Russie. Ce qui est sûr, dans l’ambiance, dans les retentissements de l’information, c’est d’un seul coup comme une réactivation de tous les ressorts et rouages autour des atteintes à la laïcité, de l’insécurité, des risques d’attentats, etc.

La menace russe sur les démocraties et sur l’Europe redevient le cadet de nos soucis.

Cela avantage, notamment, tous les partis souverainistes, nationalistes, etc., qui votent Poutine aux futures élections européennes le 9 juin prochain.

La Russie n’a pas d’adversaires, elle n’a que des ennemis. Des ennemis intérieurs éradiqués par des poisons divers et variés qui rendraient jaloux les Borgias. Ils ont pour nom Alexeï Navalny, Boris Nemtsov, Anna Politkovskaïa, assassinés par l’Etat qui leur devait protection. Voilà un Etat qui ne se distingue plus du mensonge et de la terreur. Qui n’administre que cela. Qui confond la souveraineté à laquelle doit aspirer toute nation humaine avec l’administration des plus noirs desseins, au service de la soif de pouvoir et de la prédation.

C’est cet Etat qui a déclaré la guerre. Il ne l’a pas déclarée qu’à l’Ukraine.

Il ne l’a pas déclarée qu’à l’Occident global.

Il l’a déclarée à toute nation qui place l’idée de sa dignité au-dessus de tout car, à un moment, la Russie rencontrera pour la détruire, elle aussi, la dignité de toute nation.

Aujourd’hui, la Russie n’a pas d’amis, elle n’a que des nations qui prennent le risque, devant l’histoire, devant la grande histoire humaine, d’être ses complices.

J’ignore si la Chine voit la trame que la Russie, sur cette partie de l’échiquier, et l’Iran, sur l’autre, tentent de jeter sur les événements et les interactions internationales.

Je constate que nous-mêmes avons de la peine à distinguer les mouvements des ombres qui nous harcèlent et nous décontenancent.

Mais si nous ne devions pourtant n’avoir qu’un moment de conscience absolue ; si nous ne devions avoir qu’un moment à la place de dieu, pour distinguer comme il est supposé pouvoir le faire, le mouvement du noir dans le noir, nous devrions employer ce moment de grâce collective pour regarder cette Russie et cet Iran au fond de leur âme.

Et les défaire ici, avant que les armes n’emballent, à un niveau incontrôlable, la partie et ne prennent le dessus sur la force dialectique.

Nous pouvons battre cette Russie avec la pensée d’un grand peuple, d’une grande humanité. Tout écartèle ce peuple fait de tant de peuples, alors c’est qu’il doit se manifester.

Cette Russie-là ne doit pas se voir offrir l’avenir auquel elle aspire car elle ne conçoit son avenir qu’aux dépens des autres, qu’au prix de notre servitude et de notre aliénation.

Cette Russie, qui la fait peser sur d’autres, primitivement, ne doit pas pouvoir alléguer une menace existentielle qui lui ouvrirait un droit exorbitant et injustifié sur le plan nucléaire.

Cette Russie ne laissera personne vivre en paix.

Les Nations Unies sont prévenues.

Elles ont une responsabilité en droit, et elles assument, aussi, un devoir protection de l’humanité. Elles doivent s’en saisir.

Le XXIe siècle pourra alors vraiment commencer.