Manifeste pour une Europe de la confiance

Les élections européennes seront-elles l’occasion de pérorer sur le souverainisme de gauche et de droite et ses liaisons fatales à la Russie, sur l’avenir du socialisme français, sur la fatalité des populismes, sur les errements des Républicains, sur nos propres difficultés ? Ou est-ce l’opportunité, pour chacun des citoyens, d’user de la liberté de voir plus loin que le bout de ses idées, de ses convictions ?

Les partis politiques commencent à se mettre en ordre de marche et on entend, déjà, des arguments politiciens, usés jusqu’à la couenne. Toujours à peu près les mêmes, fonctionnant sur les ressorts de l’émotion, de l’indignation, sur la longueur d’onde des réseaux sociaux et du trafic de l’influence qu’ils peuvent avoir sur les résultats électoraux.

Le scandale Cambridge Analytica n’a fait que porter jusqu’à sa logique la plus ultime le fonctionnement du Politique au cours des 25 dernières années, avec sa structuration qui fige et détermine tout, l’industrie sondagière fixant la phénoménologie politique dans un registre duquel rien ne semble pouvoir échapper. L’optimisation propagandiste est effrayante, mais elle ne fait en quelque sorte que rationnaliser à l’extrême des pratiques plus ou moins existantes.

Il s’en échappe pourtant des choses. La République en Marche s’est libérée de cette gangue. Il a fallu un exceptionnel concours de circonstances pour que cette force émerge. Il ne faut pas que ce soit pour rien.
Mais il s’échappe de cette boite noire encore trop de monstres, des monstres avec des figures humaines, comme en Amérique, ou des monstres à tête de Léviathan, comme en Russie.

Ces monstres doivent retourner dans leurs boites.

Il faut que la République en marche, devenue Renaissance, Renew pour l’Europe, apporte quelque chose à la conscience publique, d’abord ; à la conscience politique ensuite. Les élections européennes qui s’approchent en sont l’occasion.

C’est sur ce plan que la contribution politique du mouvement sera mesurée.

Le plus important au cours des élections à venir, ce n’est pas, comme je l’entends, de former et cristalliser des courants d’opinion. Les futures batailles de l’opinion, telles que je les vois se former, sur des thèmes qui ne sont certes pas tous à négliger, sont celles de l’espace médiatique. Je ne suis pas sûr qu’elles soient au cœur de l’enjeu politique du moment.

Le seul réalisme du Politique,
c’est de changer le peuple

Ce qui est important, c’est l’esprit citoyen, l’esprit public. C’est lui qui sauvera certains adolescents des banlieues d’eux-mêmes comme combien d’autres, ailleurs, dans des lieux parfois privilégiés mais tout aussi en proie au désœuvrement et condamnés à d’autres formes de cynisme et de désenchantement.
Il faut avoir le courage de « changer » le peuple, c’est à dire de le rendre toujours plus à sa vertu, à sa dignité, à sa lucidité et à sa grandeur.
N’ayons pas peur de le dire : le seul réalisme du Politique, c’est de changer le peuple. C’est sa noblesse absolue et sa raison d’être.
L’autorité des institutions émane de cela. La grandeur de la France est liée à cette conscience qu’elle doit avoir, toujours, d’elle-même

Les surenchères, associées à des discours plus ou moins climato-apocalyptiques, sur tous les sujets, se multiplient. Il n’est pas certain que tous aient d’autre utilité, ni d’autre fonction, que celle de désorienter davantage le citoyen, de segmenter une partie du « marché » démocratique en tribus d’opinion et de permettre aux uns ou aux autres de prendre sans vergogne une option sur la zone d’influence ainsi construite.

C’est le Yalta de la citoyenneté. Celui qui désabuse et désespère le Prince de Salina dans Le Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa : « Tout changer pour que rien ne change ».
Cela n’est pas la démocratie altière à laquelle il faut aspirer pour notre pays, pour l’Europe. Pour éclairer jusqu’au bout de la nuit.

L’esprit partisan est ce que la Ve République a voulu défaire. La Ve République a voulu l’éloigner, autant que faire se peut, de notre démocratie.
Cet esprit partisan revient et s’engouffre partout. La tentation est de le consacrer, lui et son frère: l’esprit polémique, d’installer définitivement l’antagonisme d’opinion, comme horizon de la démocratie.

Les médias adorent déjà cette république et cette démocratie sur laquelle ils commencent à régner, et sur lesquelles ils auraient, s’il advenait, que nous succombions à leurs arpèges, un pouvoir exorbitant sur ce que nous croyons penser ou sur ce que nous croyons devoir penser.

C’est l’horizon fatal et monstrueux qui se dresse devant nous.

L’Amérique de Trump, qui sera prise dans le vertige de l’attaque du Capitole du 6 janvier 2022 jusqu’à ce que justice passe – et elle passera -, nous dit ce qu’est cet horizon.

Alors. Alors. Alors.

Les élections à venir se laisseront-elles détourner de leur objet par l’organisation de stratégies qui renouent, performance en plus, avec l’agitprop des bolchéviques, avec leur lot de mises en scènes médiatiques.
Le retraitement infini de rhétoriques crypto-marxistes conduisant vers de nouvelles impasses, au nom d’utopies altermondialistes et d’extrémisme écologique : est-ce ce que nous voulons ?

Pendant ce temps, l’extrême-droite attend que les fruits tombent dans son escarcelle parce que c’est comme cela que cela s’est passé ailleurs.

Marine Le Pen veut toujours revenir au peuple mais elle ne veut pas le changer.

C’est symptomatique.

C’est un peuple qui renie sa grandeur d’âme et de corps, un peuple qui court à sa perte, c’est ce peuple qui lui convient, qui convient à son emprise.

Si tout est écrit et si nous sommes condamnés à reproduire les erreurs, le temps qu’elles traversent l’Atlantique ou la Manche, alors la démocratie et le libre-arbitre ne sont que des sujets de philosophie destinés à faire suer les candidats au baccalauréat de tous les lycées de France.

Dans ce cas, il faut se résoudre à l’abstention. Il faut se résigner à reculer devant la force des choses, en prenant pour excuse que nous ne serions que les jouets de forces occultes, incapable d’agir sur notre destin, incapables d’imposer qui nous sommes.

Le complotisme est le levier de cette impuissance. Regardez bien ce qu’il tente de manipuler en chacun et, à ce titre, il n’est pas inutile de se demander quel maître il sert, car il en sert un.

Car il y a toujours un maître qui est servi lorsque le livre-arvitre est abandonné aux peurs et aux illusions.

Je crois, au fond, que c’est celui, par un entrelacs de fils et d’aiguilles, le maître de la destruction du monde dont il s’agit.

L’Ukraine est un bout de ce champ de bataille. « Slava Oukraïni » n’est pas une exhortation usurpée.

Oui, c’est vrai que tous les peuples ont le droit de se tromper. Le peuple américain a le droit de se nourrir de la grandeur obscène que lui a fait miroiter le 45e président des Etats-Unis. Une partie du peuple américain a le droit de croire que l’Histoire est un magasin de farces et attrapes.

Nous, peuple français, n’avons pas le droit de nous résigner ni de nous tromper. Le gouvernement de Vichy a consommé pour toujours ce droit.
Nous n’avons, depuis, que le devoir de briller.

Alors, nous devons dire que le peuple peut, aussi, conjurer ces menaces, voir l’ombre invisible qui le drape de sa fallacieuse sympathie.

Nous pouvons montrer le choix ardu qui subsiste : manifester son libre-arbitre. Une fois épuisé à son sujet ce qui est insignifiant et dérisoire, la politique est là pour permettre à chacun de construire et manifester son libre-arbitre, et signer, ainsi, de la plus belle et de la plus noble des manières, sa souveraineté.

La souveraineté est bien davantage qu’une affaire d’opinion ou de conviction. Elle est une édification.
Les apôtres de l’antisystème, la plupart du temps, n’en veulent qu’à votre opinion. Ils se fichent du libre-arbitre et de la souveraineté.

L’Afrique n’a pas besoin d’un nouvel esclavagisme

Il y a, de par le monde un immense besoin de dignité. La dignité est essentielle. Elle est liée au libre-arbitre. Elle est facteur de souveraineté authentique.

Pour fainéant qu’il ait été taxé par certain de ses successeurs, Jacques Chirac avait identifié ce besoin, anticipé cette perte et le désastre dont cela pouvait être annonciateur.

Le peuple russe a le droit de sacrifier son honneur au mensonge. Il a le droit d’entretenir la machine à opprimer et à laver les cerveaux, ce qui lui permet de s’accommoder des pires turpitudes. Il a le droit d’oublier qui il pourrait être.

L’Afrique, aussi, dit quelque chose de ce premier quart de XXIe siècle. Elle ne nous le dit pas par la voix d’officiers en mal de reconnaissance et de putschistes maniant l’excitation anti-occidentale, anticolonialiste. Elle dit par l’impuissance institutionnelle qui ruine la dignité des Etats au moment où ils se construisent et établissent les bases de leur nation.
De mauvaises fondations ne permettront pas de construire les nations sur lesquelles l’Afrique mérite de grandir et prospérer.

En faisant des pans entiers de sa population des pantins de la désinformation, des fantoches politiques sabotent aussi l’espoir de toute l’Humanité. Ils rendent vieux le continent de notre Origine qui demande à naître neuf.

L’Afrique a besoin de dignité. C’est sur la dignité, la dignité qui appelle la soif d’instruction, qui lie les gens entre eux au sein d’une œuvre collective identifiée comme nation, qu’elle se construira.

Elle ne nous le dit pas par la voix de quelque capitaine en mal de reconnaissance ou celles de ses éternels putschistes ou encore celle des imaginatives fermes à trolls, qui exploitent, de manière industrielle et nocive, la capacité, lié au psychisme des masses, d’exciter l’opinion.

L’Afrique n’a pas besoin d’un nouvel esclavagisme, de cohortes placées sous la coupe de ces agents d’influence plus ou moins extérieurs qui prolifèrent pour conditionner des individus enchaînés à l’ignorance et à la duperie.
Elle a les moyens de forger son libre-arbitre. Nous devons lui reconnaître cette faculté et l’aider, si elle le souhaite, à l’exercer pour elle-même, pour la qualité du monde auquel, elle aussi, doit porter sa pierre à l’édifice.

Le blasphème d’aujourd’hui

Est-ce qu’en 2024 les élections européennes peuvent se dérouler sans regarder droit dans les yeux ce qui se passe, la coalition du grand désordre mondial qui se compose ouvertement et nous menace ?
Non.

La Russie, son intelligence, empoisonnent nos démocraties par de la désinformation massive, par ce qui subsiste de sa probable séduction idéologique et, vraisemblablement, une exceptionnelle capacité de corruption.

Longtemps, la Russie l’a fait insidieusement. Elle le fait aujourd’hui ouvertement.

L’Europe est là. L’Europe a dans son sang le contrepoison pour sauver le monde. C’est un contrepoison de l’éveil, de l’intelligence, de la fraternité. De la civilisation qu’elle a été capable d’élever jusqu’à des cimes inouïes.

La confiance est le défi de l’Union Européenne, de l’Occident aussi. La confiance est ce qui se voit d’elle dans le travail et l’inspiration de chercheurs qui ont répondu part l’ARNm au défi mortel qu’a imposé le COVID-19.

Dans un monde frappé par une crise sanitaire sans précédent, des esprits brillants ont collaboré, transcendé les frontières nationales et les intérêts particuliers, pour concevoir une solution qui a sauvé des millions de vies.

C’est l’Occident qui a réalisé cette preuve.

Cela aurait-il été possible sans un système qui valorise et encourage l’innovation, la liberté d’entreprendre et la collaboration, dans des économies autres que celles de l’Union Européenne, des Etats-Unis ou de Royaume-Uni ?

Au moment où un nouveau variant entre en scène, rappelons à nos concitoyens que la production d’une solution à l’échelle planétaire à une pandémie aussi grave que celle qui est toujours à nos portes mais que nous avons fait reculer doit être reconnue pour ce qu’elle est.

Insinuer le doute sur le travail de Ugur Sahin et Ozlem Türeci, est le blasphème d’aujourd’hui.

Certes, chacun est libre de blasphémer, de profaner un travail qui, par son caractère bénéfique, est sacré.

Chacun porte ce qu’il veut sur sa conscience, mais nous devons savoir et dire où nous nous situons, en tant que parti politique qui parle aux Européens, et pour quelles raisons.

La confiance est au cœur de l’Homme. Elle est à son essence. Elle alimente son innovation.

Nous en avons besoin si nous voulons progresser dans les domaines vitaux qui sont ceux que nous posent le XXIe siècle.

Sinon, nous devons renoncer au progrès, à la croissance. A tout ce qui fait notre monde actuel et auquel une Europe forte peut tant apporter.

Celles et ceux qui veulent la fin de la mondialisation, de la croissance, la fin du libéralisme économique, qui veulent un monde qui ne s’ouvre plus et se referme sur lui, qui s’en remettent aux nationalismes. Ceux-là rêvent de révolutions nationales, écologistes, bolivariennes, ou autres.

La République française est d’un autre alliage. Elle n’a pas d’équivalente. C’est elle qui proclame, si on la résume à son essence, par-dessus tout tumulte, la confiance en l’Homme.
C’est ce qu’a, après avoir noyé des prêtres, profané et bouffé du curé, établi la doctrine de la laïcité, c’est ce qu’a fini de faire la fille aînée de l’Eglise pour les siècles des siècles : porter l’Homme aux nues.

Et nul n’a le droit, sinon à passer pour ridicule, de dire que cet effort sublime n’est rien.

Le temps des élections européennes de 2024 est celui de la restauration de la confiance.

L’Europe doit se fonder en espace de confiance, car la confiance crée les conditions de l’unité.

Nous voulons une révolution de la confiance. Parce qu’elle ne se fait pas dans la violence des anathèmes, des injonctions idéologiques, et des électrochocs de classe.

La révolution de confiance produit des métamorphoses, tendant à rendre à chacun la conscience de sa fonction, de son espace, de son utilité, de sa liberté d’avancer, d’œuvrer mieux et plus.

Pouvons-nous être l’espace politique, économique et social capable d’inverser la course du monde vers la brutalité ? De lui permettre d’échapper au processus de « décivilisation » qui semble inévitable ?

Telle est la question centrale.
Renew peut contribuer, en portant le bon débat, orienté de la bonne manière, au renouveau européen.

L’absence de devise sur l’€uro
nous rend orphelins

Je me souviens du moment où les premiers billets d’euro ont été émis. J’ai été frappé par l’absence d’une devise.
Une monnaie sans devise est incomplète. Son système a comme un goût d’inachevé.
Alors, j’ai mis ce motto que j’ai pensé derrière mon oreille, dans un coin de ma mémoire : « Nous croyons au meilleur de l’Homme » comme devise, en me disant qu’en latin : Credimus in Optimum Humanis et en Grec: « Πιστεύουμε στο καλύτερο του ανθρώπου » (Pisteúoume sto kalýtero tou anthrópou), il dirait ce que nous sommes ou entendons être.

L’absence de devise sur l’€uro nous rend orphelins de ce que nous aurions pu dire et annoncer de mieux quant à ce que nous sommes, en tant que continent et espace géopolitique, certes, mais avant tout, pour chacun, en tant que citoyen.

500 millions d’habitants unis par cette maxime et échangeant avec le monde forts nom de la confiance qui les unit, cela pèserait-il sur le destin collectif ? On ne saurait pas dire, au total, tout ce que cela pourrait inspirer.
Mais qui, parmi tous ceux qui aspireraient à intégrer cet espace, ne voudraient pas parvenir à se reconnaître dans cet espace politique et humain ?

Et y trouver, par cette voie, une légitimité que nul ne pourrait, a priori, contester.

Au fond, si je prends à rebours ma réflexion sur la devise qui aurait pu ou pourrait figurer sur nos billets de banques, sur nos pièces de monnaie, au fronton de la Banque Centrale Européenne ; nous aurions pu remonter le fil logique, le cordon ombilical, et aboutir ainsi, presque par déduction, à la trame épurée, délivrée de toute tentation idéologique, d’une Constitution européenne.

De cette manière, elle aurait pu ne pas échouer sur le plombier polonais, sur le procès en suspicion technocratique, sans doute exagéré, et le plan B.

J’ajoute, pour terminer, que l’adjonction d’une devise à une monnaie peut sembler superfétatoire, de l’ordre du symbole. Mais, il faut se souvenir que c’est pour conjurer la guerre civile qui a répandu tant de sang en Amérique qu’il a été décidé de mentionner sur le billet vert « In God we trust ».

Cela ne leur a pas mal réussi. Même si le leadership du dollar est contesté.

Enfin, l’actualité porte tout de même un mouvement de non-alignés grandissant qui voudraient concurrencer le G7 par une monnaie commune. Que dirait-elle au monde, avec le rouble au milieu ?
J’ai tenté cet éclaircissement dans : Discours sur la monnaie de la pièce.

A la République française.
A l’Europe.