Si un nombril sémantique se formait, cela donnerait quoi?

Albert Camus est à la mode. Non pas l’intégralité de son œuvre humaniste et fraternelle, mais simplement une seule phrase citée jusqu’à la nausée depuis les attentats djihadiste du 7 janvier 2015.
Y a-t-il encore un homme ou une femme politique à n’avoir pas utilisé la caution d’Albert Camus, à qui sont prêtés les mots : « Mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde »*?
J’ignore si l’intéressé aurait nécessairement goûté à cette récupération. Il est mort et ne peut donc pas de le dire.
Devant des étudiants de l’association d’Oxford, le 6 février dernier, Marine Le Pen s’honorait d’avoir été la première, parmi la classe politique française, à avoir su nommer la chose. Lire la suite « Si un nombril sémantique se formait, cela donnerait quoi? »

Renversement de la charge de la preuve

Vient un moment où au regard de ce que nous montrons de ce qu’est et fonde notre civilisation dans son état actuel, il est possible de se demander qui sont les barbares quand, à l’Orient, à l’Asie, sont maintenues, si difficilement j’en conviens, la tradition et la modernité, vives et éduquées.

L’Europe, et en son sein particulièrement la France de la laïcité la plus bête et méchante, constitue pourtant de Sébastopol à Londres, de Madrid à Athènes, d’Alexandrie à Rome, le berceau authentique d’une civilisation commune.
Il y a, dans cet échec et cette limite à se refonder, quelque chose qui relève de la psychanalyse et que l’historien Marc Bloch a semblé vouloir résoudre dans son apologie.
Le cauchemar des guerres d’Europe, le cataclysme du XXe siècle, la chute de Vienne, ont anéanti l’enchantement.
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Bien dire ensemble en complément du bien vivre ensemble

Je constate que la plupart des esprits s’abandonnent souvent, en prétendant s’y opposer, à la force qui a été engagée par les terroristes et ce faisant nous leur accordons, plus que nous devrions le faire, le choix des armes et de leur escalade.

Ceux qui sont à l’origine de la perversité qui nous a touché depuis quelques jours comptent sur les mots, les scissions, qui sont ainsi auto-alimentées, et dont la déflagration se poursuit dans les échos de la dégringolade du sens, comme une pierre ricochant dans sa descente au fond d’un insondable gouffre.

Toute parole vaut, aussi, par ce qu’elle entraîne par devers elle. Bientôt, vous verrez – et si ce n’est lui c’est donc son frère – certains exigeront que soit supprimé, au nom de Charlie, le porc aux cantines des écoles républicaines pour lutter efficacement contre le terrorisme. Lire la suite « Bien dire ensemble en complément du bien vivre ensemble »

Gloire de la caricature, chute de la calligraphie 

Je redoute que de tels événements, contre lesquels nous nous dressons depuis l’attentat contre Charlie Hebdo et la traque de ses auteurs, nous conduise à sombrer dans la bêtise. Faudra-t-il hisser avant la fin de la semaine l’art de la caricature, pour lequel j’ai le plus grand respect, au rang d’un Art majeur au même titre que, par exemple, la Calligraphie.

Je regrette d’avoir à dire que Richelieu à créé l’Académie française et Napoléon l’Institut de France, regroupant les Cinq Académies.

« L’Institut est une chose qui est propre à la France. Plusieurs pays ont des académies qui peuvent rivaliser avec les nôtres pour l’illustration des personnes qui les composent et l’importance de leurs travaux. La France, seule, a un Institut où tous les efforts de l’esprit humain sont comme liés en un faisceau, où le poète, le philosophe, l’historien, le critique, le mathématicien, le physicien, l’astronome, le naturaliste, l’économiste, le juriste, le sculpteur, le peintre, le musicien peuvent s’appeler confrères. ». Ernest Renan (1867) Lire la suite « Gloire de la caricature, chute de la calligraphie « 

Je suis Charlie, mais surtout la culture qui l’autorise

Condamnons sans la moindre réserve l’attentat qui a visé la rédaction de Charlie Hebdo. Il est condamnable pour ce qu’il est, et il n’est qu’odieux.

On ne combat pas, en France, où ne sont pas épuisés les droits d’expression et qui se glorifie d’être la patrie de l’expression, une pensée par des armes. Ici, on combat une pensée mineure par une pensée majeure et par la rigueur implacable de la justice devant laquelle les auteurs de cet acte devront être traduits et mis, tels qu’ils sont, c’est-à-dire dérisoires et insignifiants, devant leur abomination criminelle.

Ces gens-là, quels qu’ils soient, ne sont les instruments et les jouets que de leur propre néant. Ils ne sont pas les instruments du nôtre sur qui ils veulent peut-être, au nom d’une cause et d’une stratégie abjectes, mouvoir d’obscurs rouages et mécanismes.

Nous sommes tous parmi les victimes et faisons corps, de façon inaltérable, avec elles. Ne perdons pas de vue que le terrorisme a pour objectif premier de nous atteindre dans notre discernement collectif, de nous affaiblir dans notre cohésion. Lire la suite « Je suis Charlie, mais surtout la culture qui l’autorise »