🥇 De Pékin 2022 à Milan–Cortina 2026 : l’agenda olympique et le retour du sens stratégique

Le dimanche 9 novembre 2025, alors que Canton (Guangzhou) s’illuminait de lumières, d’acclamations et d’histoire pour l’ouverture des 15ᵉ Jeux nationaux de Chine — organisés pour la première fois conjointement par le Guangdong, Hong Kong et Macao — le président Xi Jinping a rencontré Kirsty Coventry, présidente du CIO, et Thomas Bach, président honoraire à vie.

La rencontre, mise en avant par @XisMoments, n’était pas seulement un geste de continuité olympique, mais aussi un symbole d’unité culturelle et d’harmonie intérieure que la Chine souhaite relier à l’esprit universel des Jeux.

Les Jeux olympiques d’hiver de Pékin 2022 se sont clos le 20 février 2022 ; deux jours plus tard, la Russie envahissait l’Ukraine.
Ce qui devait être un triomphe d’harmonie devint une blessure silencieuse pour le prestige moral de la Chine.
Xi Jinping n’a pas gâché la cérémonie de clôture — il a attendu.
Mais « l’amitié sans limites » proclamée avec Moscou venait déjà d’être rompue, non par la diplomatie, mais par un missile au-dessus de Kyiv.

Alors que le monde se tourne vers Milan–Cortina 2026 et se prépare à Los Angeles 2028, la séquence olympique retrouve son rôle : celui du calendrier des civilisations, la mesure de la conscience mondiale.
La flamme passe désormais à l’Ouest, où Los Angeles 2028 pourrait, peut-être, devenir les Jeux du Rééquilibre : le retour du récit sur le chaos, du sens sur la domination.

En parallèle, Donald Trump agit sur un autre front — mais dans la même logique de transition.
Sa décision de suspendre la livraison des Tomahawk à l’Ukraine, loin d’une hésitation, vise à reconfigurer la logique des sanctions et à reprendre la maîtrise stratégique du récit.

De même, sa volonté déclarée de reprendre le conflit israélo-palestinien à travers les Accords d’Abraham signale un glissement : de la confrontation militaire vers la résolution narrative, du pilotage de la guerre à la maîtrise de la paix.

Ces deux gestes — celui de Xi à Canton, celui de Trump à Washington — se rejoignent sur le pont symbolique qui relie, d’une part, Pékin 2022 à Milan–Cortina 2026, et, d’autre part, Paris 2024 à Los Angeles 2028.

Le sport change la donne.

Il rend au monde la mesure de sa civilisation, rappelant que la force ne sert plus à détruire, mais à garantir la paix et à restaurer le sens.

> j’ai dit cela. Chaque être choisit, par sa propre voix liée à son libre-arbitre, la réalité à laquelle il souhaite donner corps. Ainsi, les monstres s’effacent.

#XiJinping #15thNationalGames #Trump #Olympics #SoftPower #Paris2024 #MilanCortina2026 #LosAngeles2028 #CredimusInOptimumHumanis

🕊️ From Beijing 2022 to Milan–Cortina 2026: The Olympic Agenda and the Return of Strategic Meaning

On Sunday, November 9, 2025, as lights, cheers and history illuminated Guangzhou for the opening of China’s 15th National Games — the first ever to be jointly hosted across Guangdong, Hong Kong and Macao — President Xi Jinping met with IOC President Kirsty Coventry and Honorary President for Life Thomas Bach.

The meeting, highlighted by @XisMoments, was not only a gesture of Olympic continuity but also a symbol of China’s expanding cultural unity and its aspiration to connect domestic harmony with the universal spirit of the Games.

The Beijing 2022 Winter Games had closed on February 20, 2022; two days later, Russia invaded Ukraine.
What should have been a triumph of harmony became a silent wound to Beijing’s moral prestige.
Xi Jinping did not spoil the closing ceremony — he waited.
But the “friendship without limits” declared with Moscow had already been shattered, not by diplomacy, but by a missile over Kyiv.

As the world prepares for Milan–Cortina 2026 and looks toward Los Angeles 2028, the Olympic sequence resumes its role as the calendar of civilization — a chronometer of global conscience.
The torch now passes westward, where Los Angeles 2028 may become the Games of Rebalancing: a return to narrative over chaos, meaning over domination.

In parallel, Donald Trump acts on a different front — but within the same logic of transition.
His decision to pause the delivery of Tomahawks to Ukraine, far from hesitation, aims to reshape the logic of sanctions and reclaim strategic authorship.

Likewise, his declared intent to re-engage the Israeli-Palestinian conflict through the Abraham Accords signals a shift from military confrontation to narrative resolution — from managing war to mastering peace.

The two gestures — Xi’s at Guangzhou, Trump’s in Washington — converge across the symbolic bridge between, in one part, Beijing 2022 and Milan–Cortina 2026, and, in another, Paris 2024 and Los Angeles 2028.

Sport is a game changer.

It restores the measure of civilization, reminding us that force no longer destroys — it safeguards peace, and restores meaning.

>This is what I have said, from now on:
Every single person, through his own voice, chooses the reality they wish to bring into being.
Thus, monsters disappear.

#XiJinping #15thNationalGames #Trump #Olympics #SoftPower #Paris2024 #MilanCortina2026  #LosAngeles2028 #CredimusInOptimumHumanis

🕯️ La silhouette rhétorique russo-israélienne dans la réactivation soudaine du “choc des civilisations” (VII)

Les récentes déclarations de Donald Trump sur le Nigeria sont sans ambiguïté : “If the Nigerian government continues to allow the killing of Christians, the U.S.A. will immediately stop all aid and assistance to Nigeria, and may very well go into that now-disgraced country, ‘guns-a-blazing’. (AP News, novembre 2025). Une force politique tente de cadrer le potentiel sans limites de ressentiment interconfessionnel, disponible en Afrique et au Moyen-Orient, dans la confrontation religieuse et la dialectique du clash des civilisations. Ce contexte invite Donald Trump sur la cause des Chrétiens au Nigéria ou pris dans l’engrenage de chaos soudanais. Au milieu de cet enfer, l’élection – le 4 Novembre dernier – de Zohran Mandani comme maire de New-York, est attaquée au vitriol, à l’échelle globale. Elle dresse une figure paratonnerre.

Sous couvert de défense des chrétiens, l’ancien président américain adresse un ultimatum diplomatique et moral à un État souverain.
Porté par son électorat évangélique et par l’imaginaire messianique de son propre parcours, il se présente en protecteur de la foi et en justicier des âmes.
Mais derrière cette posture que le sort des chrétiens, qui forment une population parmi toutes les autres à être sacrifiées, c’est un piège tendu : une injonction politique qui attise la confrontation religieuse mondiale et réactive la logique du clash des civilisations.
Dans ce piège se croisent aujourd’hui plusieurs forces: la droite chrétienne américaine, la connexion judéo-chrétienne téléguidée par Netanyahu, l’appareil narratif russe primaire, et la fragilité cognitive d’un monde désemparé par la prolifération des signes et injonctions.

1. La réactivation du récit civilisationnel

Sur X, la phrase du cardinal Robert Sarah« Les barbares sont déjà dans la ville » — a ressurgi, relayée par @75secondes, @Wolf, etc, au moment même où Trump annonçait vouloir “sauver les chrétiens du monde”.
En surface : deux appels à la vigilance spirituelle.
En profondeur : une même trame cognitive — celle d’un Occident assiégé, d’un christianisme encerclé par la barbarie.

Les violences africaines (Nigeria, Soudan, Sahel) deviennent les scènes symboliques d’une guerre sainte mondialisée ; la complexité politique, ethnique et économique s’efface derrière le vocabulaire de la croisade.
La foi n’explique plus : elle désigne.

Un million de vues pour cette seule publication.
  • Elle vient d’un entretien de 2019 accordé à La Nef / The Catholic Herald, où le cardinal Robert Sarah disait : « As a bishop, it is my duty to warn the West! The barbarians are already inside the city. ». CERC+1
  • Dans ce texte, il précise ce qu’il appelle les barbares : « tous ceux qui haïssent la nature humaine, qui piétinent le sens du sacré, ne respectent pas la vie, se rebellent contre Dieu… » – en visant l’avortement, l’euthanasie, la pornographie, l’idéologie de genre, etc.
  • Plus loin dans le même entretien, il parle aussi de l’islamisme comme d’une menace, mais dans un passage distinct, et en l’articulant à la crise spirituelle de l’Occident.

Ce qui circule aujourd’hui, c’est donc une citation sortie de son contexte et recyclée :

  • On retrouve exactement la même formule sur Facebook, Instagram, Threads, X, souvent sur fond de photo ou de mème, sans le paragraphe explicatif qui élargit sa définition des “barbares”. Instagram+3Facebook+3Instagram+3
  • @75secondes ne fait qu’amplifier une phrase devenue slogan dans certains milieux conservateurs catholiques / identitaires, en la reliant au cardinal et à la question de l’immigration de masse. Instagram+1

Sur le sous-entendu “on entendait l’islam…”

  • Dans le texte original, Sarah ne dit pas “les musulmans sont les barbares”. Il parle d’une barbarie morale occidentale et de l’islamisme comme menace politico-religieuse ; mais ce sont surtout les relais militants qui condensent tout ça en une punchline utilisable contre “l’islam” en bloc.

2. La résonance russe : miroir du messianisme évangélique

Depuis 2014, le Kremlin, appuyé par le patriarche Kirill, promeut la Russkiy Mir — le “monde russe” — présenté comme dernier bastion du christianisme face à la décadence occidentale et à la menace islamiste.
La rhétorique de Trump s’y superpose comme un calque.

ThèmeRhétorique russeRhétorique trumpiste
MissionMoscou protectrice de la foi orthodoxeWashington sauveur des chrétiens persécutés
Ennemi symboliqueOccident libéral et “dénaturé”Islam radical et “barbarie” du Sud
RegistreMétaphysique du salutThéologie de la puissance
FinalitéLégitimer la verticalité russeRe-sacraliser la suprématie américaine

Ces deux narrations s’auto-alimentent : l’une cherche à fracturer l’Occident, l’autre à le rallier sous l’étendard du sacré.
L’effet est identique : un monde polarisé autour des fractures, rendues abyssales et irrémédiables, du religieux décliné sous la forme de mouvements de fractales dans un monde où les chimères sont faites pour régner en maîtres

3. L’ingénierie cognitive de la croisade

Ce champ narratif repose sur une architecture précise :

  • Amplifier sélectivement les massacres chrétiens en Afrique ;
  • Détourner la compassion en colère ;
  • Recycler les mots prophétiques (“barbares”, “mal”, “sacré”) ;
  • Fusionner les discours politiques, spirituels et militaires.

C’est une véritable machinerie cognitive, qui transforme la douleur en énergie politique.
Trump y trouve un levier électoral, Mel Gibson y ajoute une aura mythique (“Defend what’s sacred”), et Moscou y glisse sa grammaire civilisationnelle : la guerre du bien contre le chaos.

En mêlant mystique et brutalité, Mel Gibson construit un imaginaire où le salut passe par la violence — un miroir parfait du temps présent, où l’on confond de plus en plus la sainteté avec la revanche.

4.L’effet Mamdani : le paratonnerre du récit

Au cœur de cette tempête, l’élection à New York de Zohran Mamdani, premier maire musulman d’origine ougandaise, agit comme un paratonnerre cognitif.
Plus qu’une dissonance, c’est une zone d’absorption du choc symbolique.
Son élection résonne avec la promesse d’un pluralisme pacifié — mais, dans les flux polarisés, elle devient la cible parfaite :

  • pour certains, preuve que l’Occident et dispose des outils cognitifs pour résister à l’onde de haine qui déferle partout et, ainsi, reste ouvert, aspace d’équilibre et de résolution au service de la Paix ;
  • pour d’autres, c’est le signe que “l’ennemi est déjà dans la place”.
Comme Benjamin Franklin saisissant la foudre, Zohran Mamdani dresse le paratonnerre sur la plus orageuse des ères. Les haines se concentrent sur sa personne symbolique.

La dissonance que Zohran Mamdani incarne révèle l’intensité du champ magnétique : plus la société réelle s’apaise, plus la sphère numérique s’enflamme et déverse anathèmes préfabriqués et excommunications politiques.
@ZohranMamdani devient malgré lui le test de résistance du vivre-ensemble face à la montée des récits guerriers. Il s’est installé, à partir de Ground Zero, sur le seuil d’un monde attiré irrésistiblement vers les profondeurs insondables de son propre enfer, et ouvre un autre chemin vers le possible retour à soi.

5. Le piège du sacré politique

Sous des apparences de ferveur, c’est une architecture de domination symbolique qui se met en place.
Le sacré devient vecteur d’influence, la foi devient vecteur d’ordre, et la liberté spirituelle devient l’appât d’une guerre cognitive mondiale.
Le piège de Trump n’est donc pas seulement diplomatique : il est psychologique.
Il invite l’humanité à choisir un camp dans un conflit que la raison n’a pas décidé.

Et dans cette bataille des signes, ce ne sont plus les croyants qui prient — ce sont les algorithmes qui recrutent.

🕯️Comment Huntington a filmé sur fond vert le XXIᵉ siècle avant qu’il ne commence (V)

L’idée d’un “choc des civilisations”, formulée par Samuel P. Huntington au tournant des années 1990-2000, n’a pas seulement proposé une lecture : elle a dressé le décor mental d’un monde en guerre cognitive. Au moment où la laïcité semblait pouvoir servir de fil d’Ariane pour les démocraties occidentales, Huntington a tracé une architecture cognitive selon laquelle l’identitaire, le religieux et le culturel remplaceraient l’idéologique et l’économique comme moteurs des conflits.
Même s’il se défendait d’incarner ou de promouvoir ce “clash”, il a offert, à partir de 1993, aux adversaires de l’ordre mondial – qu’ils soient idéologues, terroristes ou stratèges – le fond vert idéal pour insérer leurs agissements dans un décor idéal pour eux.
Ce chapitre s’ouvre donc sur un constat simple : nous avons tourné un quart de notre siècle sur ce drap vert idéologique, et désormais la scène s’éclaire — mais faut-il encore savoir ce que nous voyons. Et reprendre la copie.

Prologue – Le flash du siècle

Le 11 septembre 2001 fut plus qu’un attentat : ce fut un flash planétaire, un instant d’illumination violente où la prophétie de Huntington se projeta, d’un seul coup, dans toutes les consciences.
En quelques minutes, l’image de deux avions frappant les tours jumelles grava dans la rétine collective le scénario du “choc des civilisations”.

L’événement pulvérisa les distances : il abolit la médiation, fit exploser la temporalité politique et transforma la peur en expérience simultanée de l’humanité tout entière.
Ce jour-là, la planète découvrit qu’elle pouvait être unie… dans la sidération. La mondialisation de la confiance, avec ses organes de régulation basés sur le droit, cédait à la mondialisation de la peur.

Le “fond vert” imaginé par Huntington devint l’écran mental sur lequel chacun — gouvernant, idéologue, croyant ou simple spectateur — projetait son récit du monde.
La prophétie trouva son projecteur : la télévision.
Et son amplificateur : Internet.

En une journée, le langage de la fracture remplaça celui du dialogue.
Les nuances se dissocièrent, les appartenances se raidissent, les croyances se politisèrent.
Ce flash inouï fertilisa un terreau propice à la violence verbale, à l’anathème, à la radicalisation et au terrorisme.
Il inocula dans les sociétés modernes une peur transmissible : celle de l’autre.

Depuis ce jour, chaque crise majeure — terroriste, migratoire, identitaire — réactive, sous d’autres formes, ce choc initial.
Le XXIᵉ siècle tout entier se déroule dans la lumière brûlée du 11 septembre,
comme si le monde n’avait jamais quitté ce plan unique de feu et de poussière.

Where fear votes, the ideologue writes, and terrorism strikes.

I. Le fond vert du monde

Il est des idées qui ne décrivent pas le monde : elles le fabriquent. En 1996, Samuel Huntington, professeur à Harvard, spécialiste des relations internationales et du développement politique, publie The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order.
Ce texte, souvent cité mais rarement relu, est devenu l’un des plus puissants générateurs de mythes politiques du monde contemporain.

Car, même s’il s’est toujours défendu d’être le prophète d’un affrontement global, il en a dressé le décor — comme un réalisateur tendant un drap vert derrière des acteurs encore hésitants, sur lequel viendraient s’incruster, plus tard, les images de toutes les haines du XXIᵉ siècle.

Sur ce fond abstrait, chacun projeta son propre film :

  • Alexander Dugin, théoricien d’un eurasianisme mystique, y inscrivit la guerre sacrée contre l’Occident matérialiste.
  • Oussama Ben Laden y lut la validation d’un combat eschatologique entre islam pur et monde corrompu.
  • Et l’Occident lui-même, croyant répondre à la menace, y trouva la justification d’une militarisation de la pensée et d’une économie de la peur.

Huntington, en voulant prévenir le choc, a fourni la matrice cognitive où il allait se produire.
Il a offert au monde post-soviétique un langage totalisant — celui de la fracture civilisatrice — et donné à la guerre sans nom des années 2000 un cadre conceptuel où s’enraciner.

Ce n’était pas un manifeste : c’était un fond vert.
Et sur ce fond, les puissances du ressentiment ont tourné leur film.

Puis, le 11 septembre 2001, le scénario prit vie.
Alors que la fumée montait de Manhattan, un acteur monta sur scène : Benjamin Netanyahou, déclarant :

“Now we know what is attacking us. You understand us now. We can bring you our experience and expertise.”

En une phrase, il fit ce que Huntington n’avait pas osé faire : désigner l’ennemi et assigner un camp.
L’Occident sidéré s’aligna sur la grille du choc ; le paradigme civilisationnel devenait opératoire.
Dès lors, chaque attentat, chaque crise, chaque guerre ne ferait que rejouer la même scène, sur le même décor.
La guerre hybride, avec sa perverse composante que représente, la guerre cognitive, pouvait, dès lors, commencer. A ce jeu, certains se sont révélés plus habile à maîtriser les dimensions tactiques et stratégiques de ce haut et insidieux de gré de conflictualisation.

II. Le piège de la prophétie : penser le monde avec les catégories de ses ennemis

Une prophétie ne devient dangereuse que lorsqu’elle s’accomplit dans l’esprit de ceux qui la redoutaient.
Le Choc des civilisations fut de cette nature : une métaphore devenue carte du monde.

L’Occident, en cherchant à nommer ce qui le menaçait, a fini par penser avec les catégories de la menace.
Il s’est enfermé dans la logique du “eux” et du “nous”, du “monde libre” contre “l’axe du mal”, du “raisonnable” contre le “fanatique”.
Ces mots, jadis outils d’analyse, sont devenus frontières mentales.

Le piège se referma comme une cage logique : le réel ne pouvait plus être vu que dans le langage du choc.
Et, à mesure que les bombes tombaient et que la peur se banalisait, la pensée occidentale s’est appauvrie, totalitarisée par son propre lexique.

Ainsi, ceux qui prétendaient combattre le fanatisme lui ont emprunté sa structure :
ils ont transformé le monde en un théâtre binaire,
où la nuance équivalait à la trahison et la complexité à la faiblesse.

Le 11 septembre ne fut pas seulement un attentat : ce fut la consécration d’une prophétie auto-réalisatrice.
En cherchant à conjurer la guerre des civilisations, l’Occident l’a pensée, dite, puis mise en scène.
Et tandis qu’il se croyait lucide, il devint figurant de sa propre tragédie et, saturé de foulards islamiques, d’Allah Akbar, de têtes de cochons devant les mosquées, de tags antisémites, de croix gammées sur les synagogues, d’église qui brûlent, et de profanations en série, de sa propre perte de souveraineté dans l’écriture de son propre récit, dans la maîtrise de l’essence qui fait son être.

III. La mondialisation du choc : comment l’Apocalypse est devenue un marché

Le Choc des civilisations a cessé d’être une théorie pour devenir un produit dérivé.
Une marque mondiale.
Une trame narrative universelle sur laquelle les pouvoirs, les médias et les entreprises ont appris à capitaliser.

La guerre du sens, d’abord idéologique, s’est industrialisée.
Elle alimente aujourd’hui un écosystème où la peur est cotée, la colère monétisée, et l’indignation convertie en parts d’audience.
Chaque crise, chaque attentat, chaque polémique devient matière première pour l’économie de l’attention.

L’Apocalypse est devenue un format.
Et plus l’humanité se fracture, plus le système prospère.
La haine, la désinformation, la suspicion ne sont plus des pathologies : elles sont des valeurs d’échange.

Là où l’on croyait voir le conflit des civilisations, on découvre désormais le commerce des narrations.
Le monde ne se divise plus entre Est et Ouest, ni entre foi et raison, mais entre ceux qui manipulent les récits et ceux qui les subissent.

IV. Le retour du sens : restaurer la souveraineté cognitive de l’Europe

Nous vivons aujourd’hui la phase terminale d’une métastase mentale.
Ses symptômes ne sont plus invisibles : ils se manifestent chaque jour dans la difficulté, même pour ceux dont c’est le rôle — journalistes, diplomates, chercheurs, gouvernants —, de penser le mal qui submerge tout sans se laisser happer par la logique qu’il impose.
Car le mal, désormais, ne se contente plus d’agir : il prescrit sa propre grille d’analyse,
et rares sont ceux qui échappent à son magnétisme tant il invite tous les protagonistes à le rejoindre, à l’alimenter, à un titre ou à un autre.

Du Soudan aux attentats sur le sol européen, du Crocus City Hall à Moscou à la crise migratoire que nul État ne parvient à maîtriser, le gagnant politique est presque toujours celui qui exploite le mieux la dialectique du choc : celui qui sait transformer la peur en légitimité, la souffrance en récit, et le chaos en outil de pouvoir.

Ce monde est devenu un livre qui s’écrit tout seul.  Ses nouvelles pages s’ouvrent les unes après les autres sitôt qu’un sujet est consommé dans les précédentes.
Dans ce flot, les dissonances sont rares : la plupart des voix, qu’elles croient s’opposer ou s’affronter, finissent par se répondre à l’intérieur du même système narratif, celui du choc et de la peur, ce qui produit une auto-combustion inextinguible.

Ce sont précisément ces dissonances, ces éclats de pensée non synchronisés, qu’il faut désormais rechercher car elles permettent de tisser le réseau matriciel et ce sont elles, les dissonances, qui trahissent la nature des opérations qui téléguident la pensée publique dans ce corridor de la mort.

Sortir du piège, ce n’est donc pas nier le conflit, mais restaurer la hiérarchie du sens.
L’Europe, héritière des Lumières, ne vaincra pas par la force, mais par la lucidité.
Elle doit cesser d’être la caisse de résonance du chaos pour redevenir l’atelier du discernement.

Il faut apprendre à voir le fond vert, à reconnaître le décor truqué, à réapprendre la mise au point.
Car la liberté ne se mesure plus à la taille du territoire, mais à la clarté de l’esprit collectif.

Restaurer la souveraineté cognitive, c’est rendre au réel sa profondeur,
et au peuple sa conscience.

La souveraineté du XXIᵉ siècle ne se fera pas à partir des puissances exclusivement militaire ni monétaire : elle est et sera cognitive. Elle dépendra de la capacité des peuples à discerner ce qu’ils pensent de ce qu’on leur fait penser, ce qui constitue une hygiène élémentaire pour ne pas être que le punching-ball de poings tapant sur la matière grise.
Le champ de bataille est là. La dimension autoritaire de la Chine se développe, pour grande partie, dans ce contrôle plus légitime que jamais.

Les démocraties ont à établir le leur pour manifester que leur sort n’est pas scellé et encore moins désespéré. Qu’elles savent avancer dans le brouillard cognitif qui leur est imposé de l’extérieur pour n’illuminer que la voie ouverte à l’extrême-droite qui veut démanteler la puissance collective européenne, et enrayer sa dynamique.

Le moment que cela forme dans l’histoire rejoint ce qu’avait tenté de formuler André Malraux – propos apocryphe cependant conforme à toute sa pensée et à toute son œuvre – selon lequel « Le XXIe siècle serait spirituel ou ne serait pas ».
C’était une manière de dire que ce siècle, aux potentiels si contradictoires, sortirait vainqueur par la puissance et l’acuité de l’Esprit.
C’est le combat de ce siècle. Le combat de ce siècle ce n’est pas la liberté d’expression.
Le libre-arbitre en est la clé.
Ce combat décisif qui déterminera – pour longtemps – le monde dans lequel grandira notre postérité, se mène et, surtout, se gagne – ou se perd – aujourd’hui ou dans les semaines qui viennent.

Je suis obligé de rendre hommage à André Malraux. Il fait partie des gens à avoir décelé – dans l’air du temps et ce qu’il recèle de mutations invisibles aux intelligences sensibles – ce qui nous est arrivé avant que le nuage sur forme et se transforme en ouragan dévastateur dans la psyché humaine. Il ne lui a suffit peut-être que la sensation de quelques ailes de papillons invisibles, un demi-siècle avant sa survenue – pour comprendre ce changement de climat et comment, dans un formule extraordinairement pénétrante et péremptoire, en conjurer les effets.

Je ne peux pas conclure ce chapitre V sans citer, aussi, Paul Valery. Il avait formé une partie du prologue à ma propre réflexion stratégique, que j’avais engagée en 2016 sous le titre « Vulnérabilité des Démocraties à l’âge de la Mondialisation ». Je l’avais rédigée, sans être allé au bout de la réflexion, qui est encore alimentée ici même, en réaction aux attentats du 13-Novembre-2015, dont nous allons bientôt commémorer les 10e anniversaire.

En 1936, quelques années avant le déclenchement de ce qui allait devenir la seconde guerre mondiale, dans son essai « Regards sur le monde actuel », le philosophe et poète sétois avait parfaitement situé le changement de matrice auquel il assistait.

« Mais sans doute des moyens un peu plus puissants, un peu plus subtils, permettront quelque jour d’agir à distance non plus seulement sur les sens des vivants, mais encore sur les éléments plus cachés de la personne psychique. Un inconnu, un opérateur éloigné, excitant les sources mêmes et les systèmes de vie mentale et affective, imposera aux esprits des illusions, des impulsions, des désirs, des égarements artificiels. »

Paul Valéry

Ces mots, écrits il y a près d’un siècle, sonnent aujourd’hui comme une prophétie accomplie.
L’homme moderne, connecté, surexposé, démultiplié, est devenu le médium de sa propre manipulation.
Les “égarements artificiels” dont parlait Valéry ne sont plus des fictions : ils sont devenus notre écosystème mental.

V. La bombe humaine : la guerre invisible de Vladimir Poutine

Vladimir Poutine exhibe son arsenal comme un prestidigitateur montre ses illusions : torpilles à tsunamis radioactifs levant des vagues de deux cents mètres, missiles à propulsion nucléaire capables de sillonner le ciel sur vingt mille kilomètres avant d’atteindre leur cible, promesses de supériorité hypersonique.
Il en est là : dans l’ostentation du spectaculaire.
Mais derrière ce théâtre de métal et de feu, il dissimule la véritable panoplie d’armes de destruction massive : les armes cognitives.

Ces armes ne détruisent pas les infrastructures ; elles fissurent les consciences.
Elles ne visent pas les villes ; elles infectent les représentations.
Elles ne pulvérisent pas la matière ; elles dévissent le réel.

Chacun, dans ce champ de bataille global, devient une grenade à fragmentation mentale, projetant autour de lui des éclats d’opinion, de peur, de certitude ou de haine.
Les frontières n’y existent plus : ni géographiques, ni politiques, ni morales.
La guerre n’est plus ce qui se livre “là-bas” ; elle s’invite dans la langue, dans les images, dans la mémoire, dans le rêve.

Pour en dire l’intuition poétique la plus juste, il faut revenir à Téléphone — ce groupe qui, au début des années 1980, pressentit la mutation à venir.
Dans La bombe humaine, Jean-Louis Aubert chantait :

Je veux vous parler de l’arme de demain,
Enfantée du monde, elle en sera la fin.
Je veux vous parler de moi, de vous.
Je vois à l’intérieur des images, des couleurs,
Qui ne sont pas à moi, qui parfois me font peur,
Sensations qui peuvent me rendre fou.
Nos sens sont nos fils, nous pauvres marionnettes,
Nos sens sont le chemin qui mène droit à nos têtes.

Ce texte, quarante ans avant l’avènement de l’intelligence artificielle et des réseaux sociaux, annonçait la bombe H de l’esprit — non pas “hydrogène”, mais humaine.
Une arme dont l’effet ne se mesure pas en mégatonnes, mais en degrés d’aliénation.

Pour la première fois dans l’histoire, l’homme a conçu des armes dont la cible principale n’est pas la matière vivante, mais la conscience vivante ;
des armes dont la puissance se constate non dans les ruines, mais dans le consentement de ceux qui croient encore penser librement.

Et, comme la bombe H, les armes cognitives ont cette particularité terrible qu’elles laissent debout les infrastructures, intactes les villes, apparemment paisibles les sociétés —
mais elles annihilent ce qui fait d’elles des civilisations.

VI. Le dernier refuge de l’esprit : comment résister sans devenir ce que l’on combat

Les civilisations ne meurent pas toutes de la même manière.
Certaines s’effondrent sous le poids des invasions ou des famines.
La nôtre, si elle devait s’éteindre, le ferait dans la lumière aveuglante de sa propre information.

Les armes cognitives ne détruisent pas les corps, elles dissolvent le sens.
Elles ne font pas couler le sang, mais le discernement.
Elles ne s’attaquent pas à la raison pour la nier, mais pour la saturer.
Le génie du chaos contemporain est d’avoir compris que la destruction n’a plus besoin de violence physique —
il suffit de remplir l’esprit jusqu’à ce qu’il se taise.

L’homme du XXIᵉ siècle ne craint plus la censure : il craint le vide laissé par l’abondance.
Il ne se révolte plus contre le mensonge : il s’y réfugie, pour ne plus penser seul.
Il ne combat plus l’ennemi : il cherche dans son propre camp un miroir rassurant de sa peur.
Ainsi se forment les masses liquides du monde postmoderne : mobiles, nerveuses, sans mémoire, prêtes à s’enflammer au contact du moindre signal.

Résister à cela ne consiste plus à dénoncer — le bruit du monde s’en charge déjà.
Résister, désormais, c’est rétablir la ligne claire :
celle qui distingue la pensée du réflexe, la foi du fanatisme, l’attention de la pulsion.
C’est redonner à la parole sa lenteur, à la raison sa gravité, à la vérité son coût.

Le dernier refuge de l’esprit, c’est la conscience.
Pas celle qui juge, mais celle qui veille.
Elle seule peut se soustraire à l’hypnose collective, refuser la contagion,
et faire de la lucidité une forme active de courage.

Les mots de Malraux résonnent alors comme un viatique pour ce siècle :

« Le XXIᵉ siècle sera spirituel ou ne sera pas. »
Il ne parlait pas de religion, mais de la reconquête de l’humain sur la technique, de la réappropriation du sens dans un monde saturé de signes.

C’est à cela que nous sommes rendus.
À l’heure où les bombes humaines se multiplient, où les intelligences artificielles prédisent nos désirs avant que nous les éprouvions, où la parole publique devient un champ de mines émotionnelles, il faut retrouver ce point fixe que ni la peur ni la propagande ne peuvent atteindre :
la présence lucide à soi-même.

Le dernier front de la guerre cognitive n’est pas militaire.
Il est intérieur.
Et c’est là que se jouera, silencieusement, le destin du monde.

Le Jour de l’Apocalypse Républicaine : voir, savoir, renaître (IV)

Le 9 juin 2024, la dissolution surprise de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron fit vaciller le pays. Ce jour-là, la République s’est vue dans le miroir de ses contradictions : les visages décomposés du pouvoir, les fractures de la société, la confusion d’un peuple saturé d’opinions.
Beaucoup y virent un pari, d’autres un aveu de faiblesse — mais l’Histoire, elle, retiendra peut-être autre chose :
le moment où la démocratie française, épuisée par la comédie des apparences, fut contrainte de se regarder en face. Ce jour fut celui où le rideau se leva sur le désordre latent d’une nation gouvernée par le bruit. Et de cette crise, pourrait naître un nouvel agenda : celui d’un redressement du discernement, où l’information, la parole et le jugement retrouveraient leur juste place dans la hiérarchie du sens.

Cette photo de Soazig de la Moissonnière, la photographe officielle de la Présidence, immortalisant le chef de l’Etat au moment où il annonce la dissolution le 9 juin 2024.

Tout ce qui menace, même de manière diffuse, l’intégrité du système démocratique ou la cohésion de la République, ne saurait être considéré comme un sujet secondaire.
C’est au contraire une question de première importance, car la démocratie, à la différence des régimes de force, ne dispose d’aucun blindage extérieur : elle ne tient que par la solidité intérieure du jugement collectif.

Or, cette solidité s’effrite.
Sous l’effet d’un lent dérèglement, l’Assemblée nationale elle-même est devenue le théâtre d’ombres d’un désordre plus vaste : celui d’un espace politique saturé de signaux contradictoires, où le vrai et le faux, le plausible comme l’inimaginable, dans tous les sens, s’entremêlent jusqu’à se confondre sous le feu nourri d’un système d’injection permanentes.
Ce spectacle n’est pas un accident de conjoncture : c’est la quintessence d’un processus de long terme.

Depuis plus d’un quart de siècle, des intelligences étrangères, appuyées sur des relais idéologiques et un jeu multibande au sein même de nos élites — cette endogarchie que rien ne relie plus à la nation réelle — exploitent nos failles cognitives et nos fractures sociales.
Elles activent nos peurs primaires : l’immigration, la dilution de l’identité française dans l’Europe, la vaccination, la dépossession économique, etc.
Ces thèmes, travaillés, amplifiés, distordus, deviennent des leviers de désorientation et sont captés par les opportunistes du système politique, plongeant la démocratie dans un brouillard de plus en plus épais.

Cela a gonflé les voiles aux populismes et souverainismes portés sur ces flots déchaînés.

Chaque peur, chaque soupçon, chaque réaction immédiate alimente un marché du simplisme et de la démagogie.
Ce marché prospère parce qu’il fournit, à la demande, des réponses partisanes à des questions existentielles.
Il atrophie la pensée politique, qui ne cherche plus à comprendre, mais à s’imposer.
Ainsi, peu à peu, la colonne vertébrale de la nation s’est dissoute — cette verticalité sans laquelle aucune structure ne peut tenir,
et sans laquelle la République elle-même devient une forme sans force.

Car non, s’il y a une représentation nationale, ce n’est pas pour que ceux d’en haut disent plus fort ce que ceux d’en bas pensent tout bas. C’est pour que ceux d’en haut en tirent une matière politique noble, conforme à la République Française.

Cette situation inextricable et l’exigence profonde qui en découle peut justifier, dans un débat budgétaire en cours promis à toutes les dérives et aux pièges de la censure du gouvernement, de braver les éléments, sans 49-3.

Ce qui ressortira, dans un sens ou dans l’autre, sera sans appel.

I. L’économie du mensonge : quand le faux devient valeur d’échange

Le mensonge n’est plus aujourd’hui une déviance morale ou un accident du débat public.
Il est devenu un système de production — avec ses circuits, ses opérateurs, ses dividendes.
Il circule, s’achète, se revend, se convertit en influence, en audience, en pouvoir.
Le mensonge est entré dans l’économie politique du XXIᵉ siècle comme une matière première : inépuisable, adaptable, instantanément diffusable.

Ce que l’on appelle “désinformation” n’est qu’une apparence superficielle : un segment saillant et controversé d’une entreprise de dérèglement beaucoup plus vaste.
En réalité, il s’agit d’un modèle complet de la transaction politique, désormais altéré, puisqu’il repose sur la captation de l’attention et la stimulation des affects les plus immédiats.
Dans cette économie, la vérité ne vaut rien si elle ne fait pas vendre.
Et le faux, s’il fait cliquer, partager ou voter, devient un actif.

La Russie, dans son registre, a compris très tôt que la manipulation de l’information pouvait remplacer le coût des armes.
Mais ce qu’elle a perfectionné sur le plan géopolitique a trouvé, en Occident, son miroir libéral : les grandes plateformes, en monétisant la polarisation, ont fait du mensonge rentable une composante stable du marché global.
Elles n’ont pas besoin de mentir — il leur suffit d’optimiser la colère et d’en maîtriser les mouvements sur l’échiquier du chaos.

Ainsi s’est constituée, sans déclaration de guerre, une économie du trouble.
Les flux d’indignation, de peur ou de ressentiment y sont des courants d’échanges.
Les fausses nouvelles et les demi-vérités deviennent des instruments de placement.
Chaque crise devient un produit dérivé, chaque émotion un titre spéculatif.

L’opinion publique, hier encore pilier de la démocratie, est désormais une matière inflammable.
Les partis politiques, les États, les puissances étrangères s’y servent indistinctement, comme dans une bourse parallèle où s’échangent récits et contre-récits.
Ce marché de la confusion n’a pas besoin d’un régulateur : il s’autorégule par la peur.

II. L’implosion du jugement : quand le peuple ne sait plus ce qu’il pense

Dans les démocraties modernes, la vérité n’est plus seulement dissimulée : elle est fragmentée, concurrentielle, négociée en continu.
Le citoyen ne vit plus dans un espace de délibération, mais dans un flux de signaux contradictoires, calibrés pour provoquer des émotions, non pour éveiller la raison.
Il ne cherche plus à comprendre, mais à se situer.
L’opinion est devenue une posture, non un jugement.

Ainsi s’opère ce que l’on pourrait nommer une implosion du discernement.
Non pas une disparition brutale, mais une lente érosion des facultés critiques.
L’esprit public s’éparpille ; la conscience civique se dissout dans l’instantanéité.
L’homme démocratique, pourtant libre, devient un être réactif : il clique, partage, commente — sans jamais délibérer intérieurement.
Ce n’est plus lui qui pense : c’est la machine qui l’excite.

Les régimes autoritaires, eux, ne connaissent pas ce désordre : ils ont choisi le mensonge vertical, centralisé, assumé.
Nos démocraties, elles, ont inventé le mensonge horizontal, partagé, viral — le plus dangereux, car il ne se sait pas mensonge.
Il s’infiltre par le désir de comprendre, par la volonté d’avoir raison, par la peur d’être trompé.
Ainsi se referme le piège : en voulant traquer la manipulation, le citoyen finit par devenir agent involontaire de la confusion.

Le résultat est là : un peuple libre qui ne sait plus ce qu’il pense, un débat public où tout se vaut, une République où l’opinion a remplacé le jugement.

Et pourtant, c’est de cette confusion même que doit renaître la clarté.
Car si le mensonge est devenu un marché, la vérité peut encore redevenir un acte.
Mais pour cela, il faut restaurer la verticalité du sens — cette ligne intérieure qui relie la conscience individuelle à la responsabilité collective.

III. Le révélateur chimique : 9 juin 2024

Il y a des instants où l’Histoire se contracte.
Des moments où, sous la pression des circonstances, un système clos se dévoile à lui-même.
Le 9 juin 2024, lorsque le président Emmanuel Macron annonça la dissolution de l’Assemblée nationale, la République française connut l’un de ces instants.

Ce geste, perçu par beaucoup comme un pari fou, fut en réalité un acte d’une lucidité tragique.
Le chef de l’État, contre tous, précipita ce qui, depuis des mois, couvait chimiquement : la cristallisation d’un désordre invisible, fait de colères, de fractures et d’illusions accumulées.
En un mot, il donna forme au chaos — il le rendit visible.

L’image immortalisée par Soazig de la Moissonnière, photographe officielle de la Présidence, restera comme l’une des plus fortes de la Vᵉ République.
Autour de la table du pouvoir, les visages décomposés des ministres, la sidération palpable, la stupeur muette : autant de signes d’un corps politique qui, soudain, se découvre vulnérable, comme s’il comprenait enfin qu’une ère venait de s’achever. Emmanuel Macron ouvrait un autre agenda.

Cet instant n’est donc pas un simple épisode institutionnel.
Il marque une rupture chimique : la réaction d’un organisme saturé d’incohérences, d’excès d’opinion, de fatigue démocratique.
La dissolution du 9 juin 2024 ne fut pas une fuite, mais un acte de vérité, un moment de purgation nationale.
Elle a révélé ce que nous refusions de voir : l’épuisement d’un modèle politique réduit à la gestion des émotions et à la spéculation sur les peurs.

Mais toute dissolution porte en elle la promesse d’une recomposition.
Sous le choc, dans le vide soudain ouvert, quelque chose s’est mis à circuler :
le besoin de sens, le désir d’ordre juste, la nostalgie d’un lien commun.
Le chaos devint alors révélateur, non de la fin de la République, mais de la possibilité de sa renaissance.

> Ce 9 juin 2024 restera dans l’histoire comme un instant infiniment critique — et purgatoire — celui où la République française, en se voyant défaite, a commencé à se régénérer.

IV. De Marie-Antoinette à Brigitte Macron

L’Histoire, souvent, ne commence pas avec des lois, mais avec des récits.
La Révolution française elle-même prit racine dans une effervescence de mots, de pamphlets, de libelles, qui circulaient sous le manteau, de salon en salon, comme des éclats de vérité révélée.
La Reine Marie-Antoinette, livrée à la vindicte publique, y fut dépeinte comme une créature frivole, lubrique, presque démoniaque — une succube monarchique.
Ces écrits, d’une cruauté fascinante, préparèrent la chute d’un régime avant même que le peuple ne prenne la Bastille.

Il ne s’agissait pas encore de “fake news” : mais déjà, l’opinion faisait office de verdict.
Et la France entrait, sans le savoir, dans une ère où le destin politique dépendrait de la manière dont les récits s’imposent aux consciences.

Plus de deux siècles plus tard, les échos de cette violence symbolique résonnent encore et trouvent des terrains propices pour exercer leur virulence.
Certains chroniqueurs, commentant le cyberharcèlement dont fut et est encore victime l’épouse du président Macron, ont rappelé cette tradition pamphlétaire avec une indulgence ambiguë — comme si le lynchage public, sous prétexte d’égalité, faisait partie du folklore républicain.
Mais cette indulgence dit tout du désenchantement démocratique :
lorsqu’on confond la satire avec la cruauté, et la liberté d’expression avec la profanation de la dignité humaine, c’est le signe qu’une République s’est perdue de vue.

Il ne s’agit pas de nier l’héritage critique, ni de réhabiliter la révérence.
Il s’agit de reconnaître que le temps est venu d’une révolution dans la manière de traiter l’information, non pour la censurer, mais pour réhabiliter la conscience.
Une République moderne ne peut plus tolérer que chaque citoyen soit une cible cognitive, c’est-à-dire un être manipulable selon ses propres dispositions.
Elle doit former des esprits capables de discernement, d’attention, de recul : des citoyens qui lisent avant de réagir, pensent avant de partager, doutent avant d’accuser et réprouvent cette exaltation maladive qui leur est proposée.

Ce qui se joue désormais n’est pas seulement la survie d’un régime politique, mais la dignité du peuple lui-même.
Une démocratie sans verticalité du sens n’est plus qu’une arène : bruyante, volatile, sans mémoire.
La tâche de ce siècle n’est donc pas d’en faire une autre Révolution, mais, de ce point de vue, d’achever celle de 1789 par une Révolution du discernement et de la souveraineté complète qui fait des citoyens non plus des jouets de ficelles tirées dans l’ombre mais des citoyens à qui on ne l’a fait pas.

Quand les historiens du futur regarderont cette époque, ils n’y liront peut-être pas ce que les commentateurs d’aujourd’hui y voient.
Ils y verront peut-être, derrière le tumulte, une épreuve de transmutation, le moment où la République, confrontée à sa propre saturation, a choisi non la vengeance, mais la clairvoyance.
Et peut-être écriront-ils que c’est ici, dans ce chaos d’images et de mots, qu’a commencé la renaissance du peuple français.

Sudan Dismembered: The Geopolitics of Displacement, Act II

El Fasher’s fall is not a local tragedy — it is a geopolitical execution.
A sovereign state, already bled dry by proxy wars and looted by mercenaries, is being converted into a dumping ground for the region’s moral refuse.
From Katz’s plan to deport Palestinians to the hybrid war waged by Wagner and the UAE in Darfur, one single logic unfolds: displacement as policy, chaos as profit, Africa as laboratory.

Sudan — once a pillar of the African continent — is being methodically crushed, not for what it is, but for what it can serve.
On August 13, 2025, the Sudanese Ministry of Foreign Affairs issued a statement of rare firmness:

“Sudan categorically rejects the allegations that it has agreed to host displaced Palestinians.”

The very clear statement issued by the Sudanese Ministry of Foreign Affairs on August 13, 2025.

That declaration responded to a plan formulated by Israel Katz, Israel’s Minister of Defense, who proposed to “relocate” the people of Gaza to parts of East Africa — notably Sudan and South Sudan.
Behind its humanitarian varnish lies a deportation plan — a political project of mass expulsion.
Khartoum, though ravaged by war, still finds the strength to say no:
no to humiliation,
no to manipulation,
no to the transformation of Africa into a dumping ground for the Palestinian question.

What is happening today in El-Fasher, capital of a sovereign state now gangrened by hidden forces, proves that Netanyahu’s Israel adheres to Donald Trump’s “Peace Plan” only in appearance — while still conspiring to create the conditions for the realization of its own plan.

Two months later, El Fasher falls.

The city collapses under shells and dust.
Hospitals burn, civilians flee, the sky fills with drones.
The Rapid Support Forces — the recycled Janjawid — complete their conquest of El Fasher with the logistical and technical assistance of the Wagner network, now rebranded as Africa Corps, the Kremlin’s armed extension on the continent.
Their weapons, their drones, their instructors come from Russia, which feeds on the decomposition of African states as a lever of global negotiation.
And who pays for this? Gold. Always gold.
Gold from Darfur, torn from the mines under militia guard, exported to Dubai, melted into the laundering circuits of the Gulf.
The United Arab Emirates, through economic complacency and political silence, finance the devastation they pretend to soothe.
And, in the height of cynicism, it is this same axis — Moscow, Abu Dhabi, Tel Aviv — that stands behind the façade of “stabilisation.”

This is no longer coincidence; it is a monstrous convergence.
A hideous hybridisation in which everyone profits:

Russia, extending its tentacles over Africa, dressing its plunder in anti-Western rhetoric;

The Emirates, turning chaos into financial flows and aligning, without saying it, with Netanyahu’s doctrine — reject the Palestinian, delegitimise his cause, dissolve his suffering into the rhetoric of security;

Israel, finally, pursuing by other means the morbid dream of a Greater Israel cleansed of Gaza, searching amid Sudan’s ruins for the space where it might deport those it no longer wants to see.

This chain of reality is no theory — it writes itself before our eyes.
On August 13, 2025, a sovereign state rises up against the idea of hosting refugees whom others seek to expel.
On October 26, 2025, that same state watches its last provincial capital fall under the bullets and drones of a militia maintained by Russian networks and financed by gold flowing through the Gulf.
Between those two dates, the link closes: the deportation of populations and the disintegration of a state belong to one and the same continuum of domination.

Sudan is no longer merely a field of ruins — it becomes the mirror of Gaza,
a mirror reflecting the methods of a world that knows no peace except through the destruction of maps.
And this must end.
Those responsible — Moscow, Abu Dhabi, Tel Aviv — must be named, exposed, and sanctioned.
The chain must be broken before other African states, too, are transformed into strategic dumping grounds for the perverted ambitions of powers that live off the chaos they create.

Sudan burns, and with it burns our last illusion —
that disintegration is an accident.
It is not.
It is a system.
And it is time for those who built it to pay.

Le Soudan dépecé : la géopolitique du déplacement, acte II

Ce n’est pas une guerre civile. C’est une mise à mort.
Le Soudan, jadis pilier du continent africain, est aujourd’hui méthodiquement broyé — non pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il peut servir.
Le 13 août 2025, le ministère soudanais des Affaires étrangères publie un communiqué d’une rare fermeté : « Le Soudan rejette catégoriquement les allégations selon lesquelles il aurait accepté d’accueillir des Palestiniens déplacés.« 

Cette déclaration répond au plan formulé par Israël Katz, ministre israélien de la Défense, qui prévoit de “relocaliser” les Gazaouis dans des zones d’Afrique de l’Est, en particulier au Soudan et au Soudan du Sud.
Derrière le vernis humanitaire, il s’agit d’un plan de déportation — un projet politique d’expulsion de masse.
Khartoum, pourtant ravagé par la guerre, trouve encore la force de dire non : non à l’humiliation, non à l’instrumentalisation, non à la transformation de l’Afrique en exutoire du problème palestinien.
Ce qui se passe aujourd’hui à El-Fasher, capitale d’un Etat souverain gangréné par des forces obscures, témoigne que l’Israël de Netanyahou ne souscrit au plan de Paix de Donald Trump qu’en façade, mais conspire toujours à créer les conditions favorables à la réalisation de son propre plan.


Deux mois plus tard, El Fasher tombe.

La ville s’effondre sous les obus et la poussière.
Les hôpitaux brûlent, les civils fuient, le ciel s’emplit de drones.
Le Rapid Support Forces — ces Janjawid recyclés — achève la conquête d’El Fasher avec l’aide logistique et technique du réseau Wagner, désormais rebaptisé Africa Corps, bras armé du Kremlin sur le continent.
Leurs armes, leurs drones, leurs instructeurs viennent de la Russie, qui se repaît de la décomposition des États africains comme d’un levier de négociation global.
Et qui paie ? L’or, toujours.
L’or du Darfour, arraché des mines sous la garde de milices, exporté vers Dubaï, fondu dans les circuits de blanchiment du Golfe.
Les Émirats arabes unis, par leur complaisance économique et leur silence politique, financent la dévastation qu’ils prétendent apaiser.
Et, comble du cynisme, c’est ce même axe — Moscou, Abu Dhabi, Tel-Aviv — qui se tient derrière la façade de “stabilisation”.

Ce n’est plus une coïncidence : c’est une convergence monstrueuse.
Une hybridation hideuse où chacun trouve son compte :

  • La Russie, qui étend ses tentacules sur l’Afrique en habillant son pillage de discours anti-occidental;
  • Les Émirats, qui transforment le chaos en flux financiers et s’alignent, sans le dire, sur la doxa de Netanyahou : rejeter le Palestinien, délégitimer sa cause, dissoudre sa souffrance dans la rhétorique sécuritaire;
  • Israël, enfin, qui poursuit par d’autres moyens le rêve morbide d’un Grand Israël débarrassé de Gaza, en cherchant dans les ruines du Soudan l’espace où déporter ceux qu’il ne veut plus voir.

Cette chaîne de réalité n’a rien de théorique : elle s’écrit sous nos yeux.
Le 13 août 2025, un État souverain s’insurge contre l’idée d’accueillir des réfugiés que d’autres veulent expulser.
Le 26 octobre 2025, ce même État voit sa dernière capitale provinciale tomber sous les balles et les drones d’une milice entretenue par les réseaux russes et financée par l’or transitant par le Golfe.
Entre ces deux dates, le lien se ferme : la déportation de populations et la désintégration d’un État participent d’un même continuum de domination.

Le Soudan n’est plus seulement un champ de ruines : il devient le miroir de Gaza.
Un miroir où se reflètent les méthodes d’un monde qui ne sait plus faire la paix qu’en détruisant la carte.
Et il faut que cela cesse.
Il faut que les responsables — Moscou, Abu Dhabi, Tel-Aviv — soient nommés, exposés, sanctionnés.
Il faut rompre la chaîne, avant que d’autres États africains ne soient eux aussi transformés en dépotoirs stratégiques pour les ambitions dévoyées de puissances qui vivent du chaos qu’elles provoquent.

Le Soudan brûle, et avec lui brûle notre dernière illusion : celle que la désintégration est un accident.
C’est un système.
Et il est temps que ceux qui l’ont bâti paient.

Nuclear-Propelled Cruise Missiles and Collective Security: An Unacceptable Externalization of Radiological Risk

From the reckless occupation of the Zaporijjia nuclear power plant to the unveiling of a nuclear-propelled cruise missile Burevestnik, Russia is dragging the nuclear dialectic into erratic, ungoverned terrain. What was once a field bounded by doctrine, deterrence, and responsible stewardship is now being twisted into a theatre of coercion, environmental endangerment, and civilian risk. The shift is not strategic innovation — it is the degradation of nuclear responsibility itself. Very red line.

The public presentation on 26 October 2025 of a nuclear-propelled cruise missile by President Vladimir Putin (9M730 Burevestnik, NATO: SSC-X-9) raises a concern that transcends the traditional boundaries of arms control. It is not merely a question of payload, deterrence posture, or strategic signaling. It is a matter of radiological safety for civilian populations and the collective responsibility of states under international law.

1. Responsibility in Transit: A New Category of Risk

Unlike a conventional warhead—whose nuclear components remain inert until detonation—a nuclear propulsion unit constitutes an active radiological source during the entire flight. Heat production, neutron activation of materials, and potential by-products of fission create a qualitatively different hazard: a flying installation of nuclear risk over civilian infrastructure and ecological systems.

Responsibility no longer concerns only the intent of use, but the externalities of transit itself.

2. Interception Dilemmas and Civilian Exposure

Any state in legitimate self-defense may seek to intercept such a missile. Yet interception—by design—risks fragmenting a core of radioactive material in the atmosphere. In other words, a lawful defensive act can involuntarily contaminate third parties, including neutral airspace or downwind populations.

This represents a profound distortion of responsibility: the defending actor becomes the last causal link in a contamination chain they did not initiate.

3. The Payload Is Irrelevant to the Core Problem

Whether the missile carries a nuclear warhead, a conventional payload, or no destructive payload at all, the risk remains fully intact. A nuclear propulsion unit introduces:

  • long-lived radiotoxic materials (plutonium, enriched uranium, activation isotopes) into the battlespace;
  • fragmentation hazards under fire or during mechanical failure;
  • aerosolization risks capable of contaminating soils, water tables, and food chains for decades.

Thus, focusing on the warhead is a category error. The danger is the reactor itself.

4. Absence of Crew Means Absence of Control

Nuclear submarines and vessels are subject to:

  • human supervision,
  • emergency shutdown procedures,
  • layered containment,
  • and maintenance protocols.

A missile, by contrast, offers none of these protections. Its core vulnerability is structural:

  • no human oversight,
  • no real-time containment capacity,
  • no mitigation if struck or malfunctioning.

Responsibility cannot be delegated to guidance software.

5. Collective Responsibility Under International Law

International law already recognizes:

  • the no-harm principle (states must not cause transboundary environmental damage),
  • the duty of due diligence,
  • and the obligation to prevent foreseeable harm.

A nuclear-propelled cruise missile renders compliance structurally impossible. Its mere flight path—regardless of intent—constitutes a foreseeable risk of transboundary radiological contamination.

No state can guarantee:

  • permanent mechanical integrity,
  • total immunity against interception,
  • or fail-safe mission termination above uninhabited zones.

Responsibility therefore shifts from use to existence.

6. A Precedent We Cannot Normalize

Allowing one state to operationalize such systems creates:

  • pressure for reciprocity,
  • technological emulation,
  • and increased probability of accidental contamination.

Normalization would generate a radiological arms race in the atmosphere—without any workable liability mechanism.

7. Required Normative Response

The international community must:

1. Declare a moratorium on flight testing of nuclear-propelled unmanned systems.

2. Open a treaty process to ban airborne nuclear propulsion for weapons entirely.

3. Integrate radiological transit risk into arms-control verification regimes.

4. Empower CTBTO radionuclide networks to publish transparency data on anomalies.

These measures are not optional. They form the minimal architecture of collective safety.

8. Conclusion

Nuclear-propelled cruise missiles constitute an unacceptable externalization of risk:

  • They turn the global atmosphere into a vector of radiological uncertainty.
  • They shift liability from user to defender, and from combatants to civilians.
  • They undermine the premise that nuclear materials must remain confined, controlled, and accountable.

In this domain, silence equals consent.
The international community must assert that the atmosphere is not a battlefield and that the safety of millions cannot hinge on the mechanical integrity of a flying reactor.

🕊️ Le moteur de la prospérité mondiale, version 2035

Le 15ᵉ plénum du PCC a confirmé ce que Pékin préparait depuis plusieurs années : la Chine entre dans la phase décisive de sa modernisation socialiste à l’horizon 2035.
Ce n’est plus un objectif économique, mais une métamorphose systémique — une reconfiguration complète de la relation entre la production, la consommation et la gouvernance mondiale. Au cœur de cette mutation, le Global Governance Initiative (GGI), porté par Xi Jinping, représente l’ouverture conceptuelle et institutionnelle de cette nouvelle phase : une architecture visant à harmoniser les flux — économiques, technologiques, environnementaux et cognitifs — entre nations, plutôt que de les opposer.

La globalisation aurait dû être un mécanisme de convergence :
– baisse de l’inflation,
– montée des standards de vie,
– diffusion de la technologie,
– stabilisation géopolitique.

Ce moteur a fonctionné — tant que la Chine incarnait l’atelier du monde.
Des centaines de millions de consommateurs occidentaux n’ont pas vu leur pouvoir d’achat s’effondrer parce que Shenzhen, Shanghai et Chengdu fabriquaient à bas coût ce que leurs industries ne produisaient plus. Cela a dopé la consommation et permis l’accès à pléthore de biens de consommation.


🔧 Le moteur a été déréglé

Plutôt que d’investir ce dividende invisible dans :

  • robotisation,
  • éducation,
  • infrastructures,
  • souveraineté industrielle,
  • recherche fondamentale,

nous l’avons consommé.

Ajoutez à cela :

  • conflits commerciaux,
  • sanctions technologiques,
  • tensions informationnelles,
  • fragmentation des chaînes de valeur.

Et surtout, un acteur central — Moscou — travaillant délibérément à déstructurer la confiance :
la ressource la plus précieuse du système.

La paix se finance par la confiance.
La guerre se finance par la dissipation de la confiance.

Poutine le sait.


🔥 La mue chinoise : le compte à rebours de la convergence

Le 15ᵉ plan quinquennal envoie un signal clair :

D’ici 2035, la Chine achèvera sa modernisation.

Traduction géo-économique :

  • fin du low-cost structurel,
  • montée en gamme technologique,
  • normes chinoises exportées au Sud global,
  • robotisation industrielle massive,
  • transition énergétique accélérée.

Après 2035, la Chine ne subventionnera plus en creux le pouvoir d’achat occidental.

Cela crée une fenêtre de 10 ans.


⏳ Dix ans pour reconfigurer l’Occident

Ce laps de temps est notre seconde chance pour :

  • réindustrialiser intelligemment,
  • automatiser,
  • sécuriser les ressources critiques,
  • rénover le tissu productif,
  • refonder la fiscalité du capital,
  • réhabiliter la recherche,
  • investir dans l’IA souveraine.
  • Réinventer l’économie mondiale,

C’est maintenant que se décide la structure du monde en 2050. La cryptoactif peuvent en être le socle.


💡 L’intelligence qui manque

Pour remettre ce moteur en route, il faudra :

  • politiques courageux, capables d’expliquer un horizon,
  • chercheurs, pour modéliser la convergence soutenable,
  • théoriciens économiques, pour briser les dogmes post-1980,
  • prix Nobel, pour offrir le cadre intellectuel,
  • grandes écoles, pour former les ingénieurs des transitions.

Le vrai chantier n’est pas seulement matériel.

Il est cognitivement institutionnel.


🌐 Paix mondiale : moteur, pas conséquence

La Paix, dans cette logique, n’est pas un résultat moral.
C’est une condition thermodynamique :

  • la globalisation déteste le bruit,
  • les marchés détestent l’imprévisibilité,
  • les chaînes de valeur détestent la discontinuité.

La prospérité accélère sous la Paix.
Elle grippe sous la peur.


🔥 Machine à redémarrer

Ce que nous devons faire :

  1. décrisper la relation sino-occidentale,
  2. stabiliser l’énergie (nucléaire, renouvelables, stockage),
  3. défendre cognitivement les institutions démocratiques,
  4. réduire le parasitage informationnel hostile,
  5. convertir la dernière décennie de dividendes chinois en investissements.

C’est réalisable.

Mais pas sans intelligence nouvelle.


🚀 Accéder au “régime optimal”

Une économie mondiale harmonisée ressemble à un moteur à combustion contrôlée :

  • trop peu → stagnation et populisme,
  • trop tard → chaos stratégique,
  • trop vite → ruptures sociales.

Il faut trouver le bon régime, le bon couple, le bon refroidissement.

Et l’accélérer pendant que la fenêtre est ouverte.


🎯 Conclusion

✅ La Chine ferme progressivement la parenthèse low-cost.
✅ L’Occident a 10 ans pour convertir ce qui reste en mutation structurelle.
✅ La Paix est la condition d’accélération.
✅ L’intelligence collective — économique, académique, politique — est le facteur critique.

Si nous échouons, nous serons des visiteurs de notre propre histoire.
Si nous réussissons, nous inaugurons une nouvelle ère de convergence.

🇨🇳 La Chine doit réussir sa “Perestroïka” (改革重组)

La Chine peut-elle réussir ce que l’URSS a manqué ? C’est tout le mal à lui souhaiter au moment où une partie de l’Armée Populaire de Libération est tentée, dans une proportion inconnue, de se braquer.

Dans l’histoire moderne de la Chine, l’Armée populaire de libération n’a jamais renversé le Parti.
Mais elle a plusieurs fois exercé une tutelle silencieuse : en 1959 avec Peng Dehuai, en 1971 avec Lin Biao, en 1989 sur la place Tian’anmen.
À chaque fois, l’opacité du moment disait plus que les mots : la tension entre le fusil et le sceau du pouvoir.

En arrivant au pouvoir, Xi Jinping se méfie des réseaux militaires et lance une purge sans précédent.
Plus de cent généraux et officiers sont limogés pour corruption ou “manque de loyauté” (Guo Boxiong, Xu Caihou, etc.).
En 2016, il rappelle la doctrine fondatrice :

> “Le Parti commande le fusil, et le fusil ne doit jamais pointer vers le Parti.”

La réforme structurelle de la PLA vise à dépolitiser les factions internes, tout en repolitisant l’institution autour de sa vision pour l’avenir de la Chine au XXIᵉ siècle,
vision dont l’Initiative pour une Gouvernance Globale (GGI) constitue l’expression la plus aboutie.
Il ne s’agit pas d’un enjeu personnel, mais d’un projet d’ordre et de stabilité à l’échelle mondiale.

Pourtant, dans l’ombre, le véritable choix se joue ailleurs :
entre la fidélité à cette vision de long terme et l’attrait exercé par le modèle russe sur une partie du PCC et de l’APL.
Ce modèle, fondé sur la verticalité sans responsabilité, la force sans idéal et la ruse sans horizon, séduit ceux que la discipline du Parti fatigue.
Il offre l’illusion du pouvoir sans la contrainte de la morale.



Ce désalignement latent nourrit une crise de loyauté : l’armée obéit à une direction historique, mais certaines forces regardent vers d’autres repères.
Et l’histoire enseigne que ce type de fracture, lorsqu’elle devient visible, précède souvent les grandes bascules.

> Georges Clemenceau disait : “La guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires.”
Si le Tigre l’a dit, Xi Jinping peut le dire aussi.


Le silence du Plenum, aujourd’hui, n’est pas vide.
Il révèle l’hésitation d’un équilibre millénaire entre le sabre et l’État.
Et peut-être, à travers lui, le destin de la Chine – et du monde.


> La grande loyauté est la loyauté au destin de la nation.

Dragon impérial, insufleur de vie. (Source Wikipedia)