L’Arabie Saoudite est-elle vraiment maudite?

Beaucoup de monde se donne beaucoup de peine pour mettre à mal l’image et la stabilité de l’Arabie Saoudite, une des clefs de voûte, pourtant, de la stabilité de l’économie mondiale, de son équilibre géopolitique et de l’intérêt occidental.
Le royaume, adossé aux revenus confortables de la rente pétrolière, aurait pu se satisfaire des avantages que lui conférait cette manne et s’endormir sur son confortable matelas.

Ce n’est pas tout à fait ce qu’il a fait. Les exemples sont nombreux pour attester qu’au plus fort des crises pétrolières, l’Arabie Saoudite a usé de son influence au sein de l’OPEP et surtout de sa capacité à abonder le marché aux moments clefs, pour détendre les cours. Il suffit de s’en remettre aux experts du marché des énergies pour s’en assurer.

Pour les Saoudiens,
l’Iran est derrière
l’hydre du terrorisme islamique

Loin de se contenter de sa rente pétrolière, le royaume a investi massivement, au-delà de ses frontières, et s’est transformé, cherchant, à l’unisson des autres monarchies du Golfe, à maintenir un équilibre des plus complexes entre tradition et modernité.
Les récentes diatribes politico-médiatiques lancées contre le royaume ou les autres Etats du golfe Persique, qu’il s’agisse d’investissements dans les économies occidentales ou encore de concours technologiques à leur propre métamorphose, témoignent de la haine que suscitent celles que l’on désigne avec condescendance et mépris de « pétro-monarchies », amalgamées, au mépris de toute objectivité, au terrorisme islamique dont elles sont – et particulièrement celle qui règne sur le sol qui abrite deux des Lieux saints de l’Islam – les premières cibles.

Le 11 septembre 2001 a sonné le glas de la tranquillité de cet allié opulent. En quelques secondes, le complot d’Al-Qaida, dirigé par la Saoudien Ben-Laden, aggravé par le fait que les auteurs de l’attentat aient été en majorité des Saoudiens, a précipité le royaume dans des rouages qui le dépassaient et qui pouvaient le briser. Tout désignait l’Arabie Saoudite, suspecté, comme il l’est encore, d’alimenter le terrorisme d’un main tandis qu’il prétendrait le combattre, et donc en être la cible, de l’autre.

Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage.
Les Saoudiens sont-ils enragés? Beaucoup est fait pour nous amener à le croire et eux-mêmes, sans doute, sont-ils tentés de se comporter comme s’ils soutenaient le siège. Pour preuve, la censure qui s’est abattu sur le numéro du National Geographic qui consacrait la dimension géo-politique du pape François, en raison de la thèse qu’y soutenait le Souverain Pontifical, à savoir « que toutes les institutions religieuses, y compris le wahhabisme, doivent s’adapter au monde moderne en mouvement ».
Je crois, pourtant, que les Saoudiens ont identifié la menace qui pèse sur eux et ont réussi, malgré l’hostilité des opinions publiques, à détourner le courroux américain qui aurait pu s’abattre sur eux. Pour les Saoudiens, au motif que les faits parlent d’eux-mêmes, l’Iran est derrière l’hydre islamique qu’il manipule.

Plus encore, leurs alliés, malgré des opinions publiques toujours très photo-sensibles, se sont dégagé de ce piège dans lequel on a voulu les précipiter, celui consistant à lâcher purement et simplement le régime Saoudien, indigne, pour beaucoup, de survivre au XXIe siècle.

En quelques jours, l’Arabie Saoudite est à nouveau dans le collimateur et de nombreuses voix, d’experts en tous genres jusqu’à des prétendants possibles à la présidence de la République, donnent cours à leur condamnation du régime saoudien, allant jusqu’à exhorter la France de mettre fin à son alliance privilégiée, la même pourtant qui permet à nos industries de remporter des marchés qui permettent à notre économie de conserver son leadership dans certains domaines. La régime se défend, légitimement, face à l’agression sur le Yemen, où l’Iran, via les Outhis, a franchi la ligne rouge.

Il y a quelques semaines, le 11 septembre dernier, au début du Haj, le grand pélerinage à la Mecque, une grue s’est écroulée sur les pélerins faisant une centaine de morts. La grue a été frappée par la foudre. Les autorités saoudiennes ont cependant décidé l’ouverture d’une enquête, les prescriptions du constructeurs de la grue n’ayant pas été respectées, et ont retiré à l’entreprise de BTP Ben-Laden, fondée par le père d’Oussama Ben-Laden, et toute possibilité de nouveau contrat pour le groupe familial.

Il y a quelques jours, c’est le sort du jeune chiite Ali Al-Minr, présenté comme un étudiant soulevé par la ferveur pour le printemps arabe, qui jette le discrédit sur la monarchie, quelques jours à peine après que, comme cela est l’usage, l’Arabie Saoudite ait été nommée à la présidence de la commission des Droits de l’Homme à l’ONU. Le télescopage des deux informations fait un buzz considérable, avec deux effets: le discrédit sur les institutions, les Etats et les alliés de l’AS, et dans le même temps, une hostilité frénétique à l’égard d’un royaume, « barbare » et par conséquent indigne d’être soutenu.

L’iran met en cause
la sécurité du pélerinage

Quand on est porté à tant de détestation compulsive, comme beaucoup de nos compatriotes, il convient de s’en alerter afin de ne pas être le jouet de son propre aveuglement, mais ce ne sont pas des précautions auxquelles s’astreignent les opinions publiques.
Elles sont probablement une des armes les plus efficaces des guerres modernes, puisqu’elles aboutissent à disqualifier des régimes, à retourner des peuples, à chavirer des régions dans la haine. M. Poutine, qui a une presse propagandiste à sa botte et une expertise élevée sur la manipulation héritée du KGB, n’a pas grand chose à redouter sur ce flanc.

Aujourd’hui, enfin, 24 septembre, un nouveau drame atteint le pélerinage à La Mecque. 717 morts et 800 blessés (bilan à l’heure où j’écris ces lignes) au cours de la cérémonie de la lapidation du diable à Mina.
Cela fait beaucoup de coups sévères pour un seul Etat et cela l’atteint, qui plus est, dans sa vocation de protecteur des lieux saints et de la doctrine.

Alors, la question qui se pose, c’est de savoir si l’Arabie Saoudite est maudite? Ou si on veut amener à penser qu’elle pourrait l’être, à introduire ce germe dans la pensée, y compris et surtout chez les musulmans.
L’Iran, dont 43 ressortissants ont perdu la vie dans la bousculade, a mis en cause des erreurs de sécurité. «Pour des raisons qu’on ignore», un chemin a été fermé près de l’endroit où les pèlerins effectuent le rituel de la lapidation symbolique de Satan, a affirmé le chef de l’organisation iranienne du hajj. «C’est cela qui a causé ce tragique incident», a-t-il ajouté sur la télévision d’État iranienne.

Le CEMOTI (Cahier d’études sur la Méditerrenée Orientale et le monde Turco-Iranien) livre une analyse de la rivalité religieuse entre sunnite et chiites, à laquelle s’est ajouté une rivatité géopolitique qui oppose, comme en témoigne le destin écartelé de la Syrie, les grandes puissances mondiales à la Russie et à l’Iran.

Le hasard et les probabilités n’ont pas assez de talent par eux-mêmes pour produire un tel acharnement.
Peut-être le moment viendra, lentement mais surement, d’une explication de texte mieux définie et étayée.

Bien à vous.

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