En donnant l’impression, ce matin, de donner des gages à une modification de l’algorithme qui influence le réseau à favoriser le biais négatif, @ElonMusk agit en stratège.
Ce semblant de revirement représente une manœuvre pour déplacer le centre d’attention, tromper la vigilance et faire retomber le seuil d’alerte qu’il a déclenché lui-même au cours des dernières semaines par des ingérences répétées.
Il ne faut pas en être dupe.
Par contre, il est temps de se poser la question cruciale qu’une démocratie réelle, protégée par un système d’information digne de ce nom, c’est-à-dire édificateur, ne devrait amener personne à se poser:
– Est-ce que ce que « je » pense est ce que « je » pense?
Ce qui sous-tend l’autre question:
–Est-ce que quelqu’un ne manipule pas, en amplifiant ce que « je » crois être « ma » sensibilité aux questions que lui-même « m’impose » à l’insu de mon plein gré, ma conviction.
En d’autres termes, cette phénoménologie du système d’information n’a-t-elle pas pris, structurellement, le pouvoir sur toute autre considération, jusqu’à imposer sa dialectique (le protocole, le biais, la lexicologie, le ressenti, l’invasion mentale, l’alternance stress social/offre de catharsis, le conditionnement à des stimuli de terreur, de séduction, etc).
Si nous prenons en compte la nature de ce que propage X, le réseau d’Elon Musk, et l’envahissement qu’il exerce, la question de savoir si son offre dans le système relève de la liberté d’expression et constitue, encore, une question privée ne peut déboucher que sur une seule réponse?
Non.
Et s’il ne s’agit pas d’une question privée, alors, par voie de conséquence, il s’agit d’une question de sécurité nationale, qui intéresse et regarde chaque nation, chaque espace politique de souveraineté, chaque élément constitutif de cette souveraineté collective : donc, chaque individu et chaque citoyen, l’un et l’autre.
C’est la première fois que la question de sécurité, à l’échelle planétaire, se pose dans de tels termes.
Un être de raison est lucide sur la nature de ce qui commande sa pensée et son action. A tout le moins, il en conserve l’instinct, le pressentiment.
Il identifie, plus ou moins distinctement, l’intérêt ou les intérêts qui le gouvernent.
La souveraineté collective vaut par la somme des souverainetés individuelles et donc, au coeur de la l’enjeu, la maîtrise de son propre libre-arbitre dans la cohérence et la cohésion d’un groupe.
Jusqu’à présent, cette question pouvait être pondérée par la culture, le groupe, l’appartenance à la nation, la fluctuation des passions, des modes, des interactions, mais le noyau insécable restait sous un entier contrôle, hors de portée des « sectes » puisque la nature de la secte – à l’inverse de la religion et des œuvres de l’esprit – est de reformater ce noyau, cela par des addictions, des mirages, des indignations, des subversions.
Ce qui fait la différence entre l’être social et l’aliéné, d’une certaine manière et, aussi, entre l’individu libre et le « possédé ».
Je crois devoir dire que, dans un premier temps, l’idéologie, au XXe siècle, a commencé à altérer le rapport que chacun a et entretient, s’il y est appelé et à hauteur de ce à quoi son vœu l’y porte, à son propre libre-arbitre.
Chacun le chérissait, sans avoir à s’en rendre compte, finalement, avant qu’on apprenne à accepter de le sacrifier. C’est le don, si paradoxal, de la partie de modernité qui nous dévore actuellement.
Le marxisme, de ce point de vue, constitue un moment historique. Plus précisément, si on considère cette dimension, même s’il avance au nom de cette utopie, il n’est pas une doctrine de la libération. C’est une doctrine de soumission du libre-arbitre à une idée. A cette racine, se sont greffés d’autres révolutions…
Elles s’inscrivent dans l’accomplissement de la même convergence auquel X, décomplexant finalement les réseaux sociaux à leur vocation, se veut être à la fois le réceptacle et le modeleur.
Ce qui se passe aujourd’hui, à travers la toute-puissance d’@ElonMusk, nous oblige à nous interroger, tant qu’il est encore temps, s’il est encore temps, tant que la possibilité de cette question dans le champ de conscience subsiste et trouve le moindre écho.
–Qu’est-ce qu’un être libre ?
La République française, émancipatrice dans son essence, porte ce souci et ce scrupule en elle.
Normalement, ce qui la retient, la fait avancer. Gardons-nous, de lui conserver cette originalité, de la littérature au champagne.
La politique doit veiller sur le libre-arbitre du peuple car c’est uniquement par le libre-arbitre du peuple que le peuple existe et vérifie sa nature.
Sinon, il n’est que foule et je le vois se réduire, inexorablement, à la foule aveugle et consommatrice, ivre de droit, jusqu’à se soumettre, pour le supporter ou le combattre, c’est-à-dire occuper l’enclos de débat qu’@elonmusk, son algorithme ou dieu sait quoi a défini et dans lequel, lui et ses innombrables et fascinants « monstres », nous emprisonnent.
Au-delà de son identité, ce que représente Elon Musk est la créature « opportuniste » créée par le pouvoir ouvert par les technologies dites de l’Information. Ces routes, ces « réseaux » se sont immiscés partout et irriguent une représentation du monde, à partir de quoi chacun, de par sa sensibilité cognitive, détermine le sens de son existence et sa place dans le monde.
Chacun agit et est conduit à agir, de fait, conformément à l’intérêt de ce système d’Information.
Cet internet du #FreeSpeech dont @elonmusk proclame l’avènement et la toute-puissance tente de faire de chacun de nous, en l’enchaînant au règne de ce qu’il croît être « son » « opinion », l’esclave d’un maître invisible dont la puissance ne cesse de s’étendre.
X est ainsi la machine qui donne à chacun l’illusion qu’il a le droit de dire ce qu’il veut, y compris n’importe quoi, alors qu’il consacre avant tout le droit de dire ce qu’Elon Musk veut que l’on dise dans la forme, en relation avec sa soif de pouvoir, qu’il a lui-même définie. C’est la définition du web2.
L’internet de 3e génération, celui de la responsabilité, est susceptible d’apporter la seule réponse possible, celui qui fixe le devoir d’être qui on est, est l’arme pour restaurer l’intégrité du système et reforger la clé de cognition susceptible d’ouvrir la porte dont nous avons besoin pour avancer dans l’histoire humaine.
Les circonstances présentes nous y obligent.
