Chronique prudente à l’ère des récits viraux

La vitesse, cette fois indépassable, car accordée à celle de la vérité — est bien celle de la lumière. Du viol des femmes  (Dr Denis Mukwege) comme acte de guerre au viol de l’idée des femmes dans l’inconscient collectif, symptômes du retour de l’archaïsme. On ne joue pas avec la nature humaine. Je vous le dis: elle finit par se rebeller.

À la Fête de la Musique qui a eu lieu le 21 juin 2025, 145 femmes disent avoir été piquées. L’an dernier, c’était pareil. L’année d’avant aussi. Ce phénomène, serpent de mer médiatique et policier, se rappelle à nous comme les punaises de lit : on le redoute, on en parle, mais on ne l’attrape jamais. Il démange plus qu’il ne se démontre.

Cela active un réflexe collectif : œstrogènes, testostérone, pulsions et paranoïa mêlées — toujours autour de « nos » femmes. Le « nos » est, ici, à comprendre au sens strictement politique, tribal même. On ne protège pas des femmes : on protège nos femmes. Une Ferrari nerveuse de peurs masculines, d’honneurs symboliques et de souveraineté intime. L’eau de Cologne des récits nationaux.

Un Ferrari rouge vif de nationalisme se cabre dans l’inconscient collectif.

Une affaire à retentissement mondial,
Cologne 2016, multipliée à l’échelle médiatique…
et judiciairement ? Que reste-t-il ?
Une montagne idéologique et une souris procédurale.

Au Royaume-Uni, l’histoire semble inversée. Ce ne fut pas le surgissement du scandale, mais, doublement efficace puisque jetant le soupçon de la corruption et de la pusillanimité des moeurs judiciaires, et donc du pouvoir jusqu’à son sommet, son potentiel étouffement qui alimente les flammes du ressentiment.

Il s’agit ici de mettre en application, de manière subreptice, un ressort particulier. Il s’agit d’accuser non plus l’événement en soi, mais la peur de nommer les choses par leur nom de peur de l’onde de choc que recèle la vérité. Entendu que c’est cette peur, et non le scrupule et tout ce qui s’y rattache de positif, qui paralyserait les institutions légales et constitutionnelles. La lâcheté du gouvernement, donc.

Ce registre est accusatoire. Il a cette puissance. Il incrimine le sacrifice scient, par l’Etat, au nom d’une forme de « Pas de vagues » – petite musique récurrente en France s’agissant des rapports entre l’islam et l’école publique, soit dit en passant, révélatrice de l’emprise de ce phénomène cognifitif à l’oeuvre.

Mais, si, pour revenir aux gangs pakistanais et aux jeunes adolescentes anglaises, tel devait être le cas, c’est-à-dire si cette « vérité », sous-entendue pour être implacable et qui fait peur à ce titre (au point qu’un gouvernement de sa gracieuse majesté le place au dessus de l’intérêt de ces filles à lui pour préserver, sauver même, la paix communautaire) doit être levée, alors il faut mettre cette vérité entièrement nue sur la place publique, sans lui faire dire d’avance ce qu’elle a à dire. La regarder – sous tous les angles! – et entendre tout ce qu’elle a à dire elle-même, plus que ce que ceux qui exploitent sa prétendue veine lui font dire.

S’agissant du RU, je voudrais conclure par quelque chose de très décevant, infiniment décevant: on ne peut que se garder de jugements hâtifs en dépit et même en raison de la pression médiatique qui s’exerce, et attendre que la Justice dont il est bon et sage d’attendre qu’elle se hâte lentement parce qu’il est infiniment rassurant de ne pas la voir obéir ni à l’écume ni aux rugissement des Ferraris du nationalisme aveugle, qui a déjà conduit le Royaume-Uni à brexiter.

Ce qui compte, donc, lorsque tous les repères sont brouillés (à dessein, cela ne fait aucun doute), c’est conserver aux événements une saine distance critique et épistémologique, comme on dit.


Le processus judiciaire dira. Il doit dire.
Mais souvenons-nous de l’Allemagne :
Une affaire à retentissement mondial, Cologne 2016, multipliée à l’échelle médiatique… et judiciairement ? Que reste-t-il ? Une montagne idéologique et une souris sur le plan judiciaire.
C’est toujours la même histoire.

Dans l’un cas comme dans l’autre : la même trame. La même tentation de conclure avant de juger.

Les « agressions de Cologne » surgirent à travers plusieurs villes, et jusque Göteborg, dans une étrange simultanéité, précisément au sommet de la politique d’accueil des réfugiés par Merkel ?
Trop net, trop bien cadré pour n’être que spontané.

Tout indique une opération psychologique : un signal, un trauma, offert aux caméras. Un point de rupture de plus pour ouvrir une ligne de fracture immense dans le récit humaniste européen et sa géographie mentale.

L’AfD n’avait plus qu’à dire : « Le gouvernement ne protège plus vos filles ». L’AfD, bien sûr, l’a fait.
Et laisser faire son travail profond, avec sa puissance archaïque, à l’instinct patriarcal et à celui de conservation.

Si par impossible, il s’était trouvé
que des centaines de jeunes filles
aient été sacrifiées,
pour provoquer une répression calculée
au plan stratégique,
contre la République d’Iran,
cela entâcherait ses auteurs

Toute règle possède son exception. L’exception qui soulève le même levier mais non plus à partir de nos femmes, mais des leurs, c’est le soulèvement des filles iraniennes. Sauf que, trop de choses m’amènent à le craindre, j’ai bien peur que les scènes de jeunes filles défiant, cheveux au vent, la Révolution Islamique d’Iran, utilise le même ressort.

Les récentes position politiques, cette fois, prises au nom du mouvement Woman Life Freedom, ou à tout le moins en lien avec sa cause, interroge sérieusement l’idée qu’il ait lui-même pu être instrumentalisé, pour cristalliser un ressentiment de la même nature à l’encontre de le République Islamique d’Iran.

Je le dis tout de go, sans la moindre complaisance: je forme le voeu de ne pas avoir à constater qu’il a été artificialisé à rebours. Ce serait appelerait une condamnation sans appel de l’opinion publique.

Si jamais, si par impossible, si en effet, il s’était trouvé que des centaines de jeunes filles aient été envoyées, sacrifiées, utilisées à dessein pour provoquer une répression calculée, cela afin de gonfler une réprobation médiatique utile, cela en retournant l’effet de ressort narratif (cette fois les filles qu’un autre tue, regardez comme il est vil), alors ce serait un crime à double visage, qui entâcherait de manière impardonnable ses auteurs, comme ses relais opératoires, pas ceux – dont je suis – dont l’innocence est flouée, utilisée sans vergogne.

Il s’agirait, stratégiquement, à partir du même potentiel, mais retourné pour afficher la cruauté de celui qui, lui, a une nature si éloignée de la nôtre, que c’est nous qui éprouvons l’empathie.

Car il n’y a pas d’honneur à cela, pas plus chez les bourreaux que chez ceux qui brandiraient ces supplices comme stratégie.

À jouer avec les ombres, on oublie parfois qu’elles vont plus vite que la lumière.
Du moins, selon les travaux réputés de Pierre Dac et Francis Blanche.

Ne jamais perdre de vue, non plus, les échelles.

Une éclipse solaire n’est qu’un petit caillou noir qui passe devant une étoile mille fois plus vaste. Et pourtant, il fait nuit.
Le petit satellite de la terre paraît aussi grand que le soleil alors qu’il n’en est rien.
Tout le monde le sait. Même Jean de la Fontaine.
Sauf les platistes.

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