Dans un tweet publié ce jour 2 juillet sur X, Pierre de Gaulle forme, à titre personnel, le voeu que « la France participe aux futurs traités de Paix, en Ukraine ainsi qu’en Orient « .
C’est ainsi, qu’à ses yeux, elle doit retrouver « sa place souveraine sur la scène internationale ».
Plus explicite, il met en exergue l’intérêt de la France à rejoindre « la grande famille du monde multipolaire » qui, plaide-t-il, « ne cesse de croître ».
Pour sûr, la parole de Pierre de Gaulle n’est pas une parole gaullienne. Elle est une parole post-gaullienne. Une parole récupérée. Une prise de guerre.
A l’évidence, ici et hélas, l’héritage d’un patronyme ne vaut pas certificat d’authenticité capable d’absoudre un contre-sens historique.
Il ne suffit pas du prestige d’un nom pour masquer le fait que « la grande famille du monde multipolaire », qu’il s’applique à faire miroiter, est accouchée du monstre russe et de ce qu’il a réussi, par des mensonges, depuis trop longtemps, à nous faire avaler.
Il serait trop long de les énumérer ici, mais l’Armée Française, faite fleuron par son grand-père, a égrené dans un rapport intitulé « Trois ans d’offensive informationnelle russe : anatomie d’un front invisible » les insidieuses formes de cette tentative de pénétration destinées, toutes sans exception, à altérer le discernement des Français et, par conséquent, d’égarer celui de la France.
En un mot: A corrompre l’âme de la France.

S’agissant d’Elle, si chère à Charles de Gaulle, la Russie a cultivé une plaie ouverte. Elle sait très bien le faire et elle se délecte d’y remuer, comme elle affectionne de le faire de toute chose obscure, le couteau de l’anti-colonialisme. Tel est est le bon plaisir qu’elle a cultivé dans les vestiges des palais de la Grande Catherine, empoisonner notre rapport à l’Afrique pour y substituer sa tromperie.
Le vocable FrançAfrique, enveloppé de ce qu’il convient de candeur lascive, a fini de mettre, la France en dehors de sa grandeur, dans la plus soumise des résignations.
La banalisation du jargon journalistique dans la stratégie qui, elle, appartient à la pensée politique a expulsé la grandeur de la France. La France reconstruira vite sa grandeur. Elle y est portée. Elle le fait déjà.
La Russie a-t-elle miné le terrain sémantique au préalable, en agissant sur des intellectuels, des journalistes? Je serai bien hardi de l’affirmer.
Les concepts meurtriers s’habillent d’idées simples qui déshabillent ceux qui les revêtent en pensant s’habiller.
Il est aisé, pour une main experte, de faire croire à quelqu’un que l’idée vient de lui pour qu’il l’endosse.
Le péril de l’intellectualisme et de son entregent est là. Mieux vaut penser et regarder seul, par son seul moyen.
Ce qui, en revanche, est sûr, c’est que la Russie tire – a tiré – systématiquement les dividendes qu’il se pouvait y être tiré, ce qui ne peut que poser la question de la causalité, ce dans le champ profane, celui de la nation.
Car, en détruisant, à petit feu, le pacte consacré à Reims, par Charles de Gaulle et Conrad Adenauer, elle s’est attaquée au sacré. Le sacré, c’est le voeu des nations.
Là aussi, c’est à partir du travail polyphonique, distillé du concept de « Gaullisme social », qu’elle a développé le glissement sémantique qui, de souveraineté a basculé au souverainisme. (1) Cela n’est pas qu’un effet d’aubaine conceptuel pour tous ses promoteurs.
La politique, c’est, avant tout, l’empire des mots. La terre du verbe. La terre du ciel.
Un concept, bien encapsulé, permet d’exister, mais il ne saurait venir à bout de cette terre du ciel, cette terre du verbe, de notre terre des hommes. De la terre de l’homme. De celle de l’Homme et du Citoyen, pas davantage qu’il ne peut attenter à notre si précieuse laïcité, qui en est l’expression macérée par l’histoire.
Quand les mots sont purs, c’est-à-dire qu’ils ne sont qu’eux-mêmes, les idées sont claires et la souveraineté se conserve et exerce sa plénitude à cette hauteur.
Lorsque ce n’est pas le cas, qu’ils sont altérés, du fait de la décadence naturelle ou sous l’effet d’une habileté extérieure, la souveraineté finit par obéir à un tropisme invisible et destructeur de cohésion.
La souveraineté s’exalte, alors, sous la forme d’un souverainisme decomplexé, le peuple en populisme et la patrie se défigure en nationalisme.
Le 8 juillet 1962, ne nous trompons pas! Deux géants, contre la rancoeur, ont consacré une idée de l’Europe dont personne ne peut dire, bien sûr, si le général de Gaulle, père de la Constitution nationale, aurait approuvé ou renié la forme qu’elle a pris dans l’Union Européenne.
Une chose est cependant sûre, c’est que voir un drapeau bleu, foisonnant d’étoiles constellées dans l’Hymne à la Joie, drapeau flottant, par-dessus tout, sur la paix promise tenue – LA PAIX PROMISE TENUE – aurait comblé le soldat, le politique et l’homme.
Pierre de Gaulle, en fidèle petit-fils, pourrait-il soutenir le contraire et continuer à prétendre que le drapeau européen, tel qu’il est: cet l’élan que la Russie insulte à tout bout de champ et veut briser, est une hérésie?
Un homme qui s’impose à l’Histoire de France comme l’a fait l’homme du 18-Juin comme celui de l’industrie florissante qui a vu naître le Concorde, n’a pas dû nourrir d’autre désir que celui d’assouvir pas une faim de paix et de rayonnement.
Sinon, la force du geste d’amitié, initié au sein de la cathédrale de Reims, n’aurait pas de sens. Charles de Gaulle et Conrad Adenauer n’ont rien fait d’autre que de poser, au pied de l’autel, solennellement, la première pierre de Paix européenne.
C’est elle qui importe. Charles de Gaulle n’est le dernier à avoir remarqué qu’on ne défend pas la paix par le pacifisme.
Au moment, où cette pierre, ajouté à d’autres par leurs héritiers, doit se dresser tel un mur face à l’agression si manifeste, désormais, de la Russie, les loups, tous les loups, sortent de leur tanière à l’appel du chef de meute. Le chef de meute, c’est Poutine.
La grande famille d’un multipolaire n’est que l’autre nom d’un monde de démission
Cela ne survient pas par hasard ni à contre-temps. La Russie, dont l’âme est moribonde, voit son économie à genoux. Elle est exténué, elle gonfle la poitrine pour impressionner et recherche le souffle d’un nouvel oxygène à son plein avantage.
Ne le lui accordons pas. Cet oxygène nous manquera.
Dans ce contexte, Pierre de Gaulle, qui paraissait avoir un patronyme à protéger, a choisi d’être de ces loups, pour infuser le message fallacieux du prescripteur d’opinion tapi au Kremlin.
Alors, oui, il s’est senti ombragé par l’absence de la ministre de la Culture, Mme Rachida DATI, héritière, elle, d’André Malraux, lors de la donation par la famille de Gaulle, du témoignage inestimable que représente l’original de l’Appel du 18-Juin.
Il faut se rappeler qu’André MALRAUX est l’homme qui émut jusqu’à la pierre du Panthéon lorsque Jean Moulin y fit son entrée.
L’appel personnel de Pierre de Gaulle à la raison n’est pas de la même trempe que celui que lança l’Homme du 18-Juin.
C’est un monde de démission.
Cela n’est et n’a jamais été le monde de celui qui fit d’une simple étincelle une résistance d’abord, puis une libération.
(1)Depuis les années 1990, le gaullisme social est régulièrement invoqué comme antidote aux dérives néolibérales ou identitaires. Il est réactivé par des figures comme Nicolas Dupont-Aignan, Arnaud Montebourg, ou encore Henri Guaino.
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La photo de deux hommes qui font l’histoire: Charles de Gaulle et Konrad Adenauer à Reims. Elle incarne le point nodal de l’élargissement européen, car il est déjà là rayonnant par la patience de son seul voeu. Cette simple pierre savait, mieux que n’importe quel objet, qu’elle ne ferait pas que survivre au rideau de fer.bElle devrait avoir raison de lui.
Cette pierre symbolique savait qu’elle allait avoir à franchir, servie par l’optimisme résolu, à ce moment-là, de ses peuples et les acquis considérables de l’expérience qu’elle avait su leur offrir, le mur de Berlin.
Cette pierre recelait, dans un cadre millimétré, qui est celui porté par le principe de convergence, l’attraction de la liberté par le consentement à l’élargissement. C’était sa règle d’or. Quelque chose l’a transformée en règle de plomb.
Il faut se souvenir de deux choses, apparemment sans corélation entre elles. D’abord parce qu’elles sont distantes, ensuite parce qu’elles ne sont pas de même nature. Elles sont même de nature étrangère. On se rend compte, à quel point, la transformation de la règle d’or en règle de plomb est l’oeuvre d’une alchimiste de la manipulation.
Car, avant d’avoir vu se briser l’unité constitutionnelle qui aurait dû sceller l’édifice européen dans le marbre, que s’est-il passé? Il y a eu, en 2001, ce moment de cristal, où se croyant au seuil de l’entrée de cette même union européenne, à la suite du rapprochement auquel le 11-Septembre et la lutte mondiale contre le terrorisme, front auquel immédiatement Poutine se rallie avec l’expertise propre issue de sa manière virile de traiter les « terroristes » – il a été tout simplement éconduit.
Poutine n’a pas pu réprimer sa déception, naturelle. Mais, surtout, en ce 25 septembre 2001, devant la Bundestag, le maître du Kremlin souffle le tiède et le glacial.
📌 Il affirme :
« Personne ne doute aujourd’hui du fait que la guerre froide est terminée. Mais nous ne devons pas rater l’opportunité qui se présente de construire une sécurité égale pour tous.«
Mais aussi et surtout, cette menace à peine voilée:
« Personne n’en tirera profit si nous manquons à nouveau une occasion de jeter un pont entre la Russie et l’Europe.«
L’Union Européenne a commencée à dérailler à partir de cet instant, avec l’irruption de plusieurs rhétoriques, dont particulièrement celle du « Non à la Turquie », projet qui jusque là ne posait pas de difficulté d’approche majeure.
C’est un retournement brutal de l’opinion, qui coïncide si le périmètre de l’observation, est conservé au niveau hexagonal au seul tremplin électoral emprunté par le FN. mais qui a cristallisé, au demeurant, le discours du Front National).
Le discours modéré sur l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, fondé sur la promesse d’un islam démocratique et réformiste, n’a pas résisté à l’irruption d’une dyslogie symbolique : une onde de rejet, de suspicion, d’images brutes qui ont submergé le récit nuancé. Cette défaite de la parole raisonnable n’est cependant pas un phénomène isolé ou spontané. Elle trouve son contrechamp univoque dans un autre reniement : celui de l’Occident à l’égard de Vladimir Poutine, éconduit en 2001 lorsqu’il croyait, ou feignait de croire, pouvoir entrer dans l’Europe comme partenaire. Si l’on admet que la dyslogie — ce brouillage cognitif des récits — n’est pas une fatalité humaine, mais bien une construction politique, alors le refus occidental d’ouvrir cette double porte, à la Turquie comme à la Russie, constitue un acte fondateur inversé : celui par lequel deux récits compatibles avec l’Europe ont été simultanément disqualifiés, et par là même — retournés contre elle.
L’adoption du traité constitutionnel, signé en 2024 et soumis au vote en 2025, aurait donné à l’Union cette substance organique qui fait défaut aux seules lois mécaniques ; elle aurait rendu la construction européenne vivante, donc résistante aux pressions extérieures.
Cet échec n’a pas été surmonté — il a été accommodé. Ce rattrapage, présenté comme un compromis, n’a rien sauvé : il a dissous. Dissous l’élan, dissous la clarté du projet, dissous le lien symbolique entre les peuples et la construction européenne.
De surcroît, en essayant, conformément à sa responsabilité, de sauver l’Europe du propre carambolage de son peuple, la gouvernance européenne a, alors, offert sur un plateau d’argent, l’occasion de putréfier plus encore le procès fait à l’Union Européenne, en viralisant à outrance le trompe-l’oeil de son caractère anti-démocratique.
Le vice devient vertu. La vertu vice.
Et c’est cela, le crime invisible. Un crime maquillé de tous les atours de la démocratie d’opinion, orchestré par ceux-là mêmes qui, aujourd’hui, veulent voir cette même démocratie s’éventrer — non plus sur le sexe des anges, ni sur celui de la Constitution, mais sur celui du climatiseur.
Encore une fois, la Russie a besoin de temps pour ses basses oeuvres.
Du point de vue strictement stratégique de la Russie poutinienne — celle que l’OTAN contient aujourd’hui en augmentant drastiquement ses moyens —, le fait que l’œuvre européenne ait pu être torpillée par un simple plombier polonais, pleinement genré et médiatiquement instrumentalisé, relève presque de l’ironie historique : une forme inversée d’homme providentiel.
Le moment de Reims reste pourtant l’acte fondateur. Là, dans cette pierre posée par de Gaulle et Adenauer, l’idée européenne s’est ouverte comme une fleur et exhale l’irrésistible parfum de liberté.
C’est cela, l’élargissement : l’épanouissement de la liberté des hommes, des Européens tels qu’ils se reconnaissent au naturel.
Les souverainistes l’ont travesti – cet élargissement -, en une figure grotesque, pour imposer l’ »approfondissement« , comme dédale des volontés et machine à renvoyer aux calendes grecques., ceci afin de faire perdrer du temps au peuple européen pour en faire gagner à Poutine.
Il en avait besoin. Il en a profité. Pour ajuster son agenda qui consiste, à rien d’autre, qu’à asservir le continent européen, par la brutalité physique et territoriale, par la compromission politique, par le chantage énergétique, par la dissolution des volontés.
Non, l’élargissement n’est pas une lubie technocratique. C’est la raison pour laquelle, depuis le 24-Février-2022, l’UE a pris conscience de la nécessité, vitale, d’accélérer son propre agenda. Elle a transcendé, pour la première fois, le mur de Berlin-fantôme qui a été érigé à son insu.
Elle a trouvé les formules nécessaires pour transgresser la peur que le souverainisme lève auprès des populations et des corporations, pour voir, enfin, au delà des levées de bouclier protestataires, le’hirizin de convergences des peuples.
n’est apparue que pour nous en détourner — pour que nous apprenions à en nourrir l’allergie jusque dans son principe.
Mais ce principe, il suffit d’en dessiner le contour pour qu’apparaisse le visage nu de la Liberté.
Et la Liberté des hommes n’est pas tolérée par son antinomie.
Un régime qui repose sur le gardiennage, sur la surveillance, sur la prédation assassine, ne peut coexister à l’approche de la liberté des hommes.
Ce plan aurait pu réussir, n’était la figure de Volodymyr Zelensky, surgissant comme un éveil de la flamme de la résistance.
Aujourd’hui, Poutine défait l’histoire.
Il implore Emmanuel Macron — qui n’en est vraisemblablement pas dupe — de le laisser poursuivre son dessein, sous couvert de négociation.
Un dessein fondé sur un respect de la lettre des nations qu’il prétend, avec un aplomb insupportable, être le plus légitime au monde.
