Le fantôme de Ben Laden réapparaît-il aujourd’hui pour convaincre Washington de laisser les mains libres à Israël dans l’éradication de Gaza et l’enterrement en première classe du rêve palestinien d’un État, aspiration légitime s’il en est? À l’heure où la solution à deux États revient dans le débat international, les États-Unis – comme tout un chacun – devraient commencer à se poser des questions très sérieuses.
1. Le 7-Octobre comme “coup d’effacement”
L’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 devait sceller, dans la lecture israélienne, la mort définitive de l’idée d’un État palestinien :
La Palestine assimilée au terrorisme.
L’argument “pas de partenaire crédible”.
L’effacement de la formule “deux États” des agendas internationaux.
2. Le retour paradoxal de la question palestinienne
Or, plus la guerre se prolonge et plus le coût humain est visible, plus la solution à deux États revient au centre du discours international (ONU, UE, même Washington).
La reconnaissance de la Palestine comme État, jadis marginale, regagne du terrain politique et symbolique.
C’est une pression stratégique sur Israël, qui se retrouve contraint de répondre à une question qu’il croyait close.
3. Les dissonances instrumentées
C’est dans ce contexte que, à une semaine d’intervalle, deux événements viennent accrocher l’attention et regonfler l’argumentaire sécuritaire qui alimente la stratégie de Benjamin Netanyahou, masquant, de moins en moins, celle du Grand voire très grand (si on comprend le plateau du Golan) Israël.
- Dissonance 1 : ADM / Iran
→ replace la menace existentielle dans le champ sécuritaire global. https://enattendantlarenaissance.fr/2025/08/14/note-sequence-divergences-et-revelateur/ - Dissonance 2 : AQPA / Ben Laden
→ replace Gaza dans le spectre du terrorisme absolu aux yeux des Américains. https://x.com/SimNasr/status/1957862052204011732?t=aaCvCzlH-KSA0YUGfllK_A&s=19
Ces deux narratifs – à une semaine d’intervale – ne sont pas cohérents entre eux (chiite vs sunnite), mais ils entrent en résonance en produisant le même effet :
Il s’agit de présenter toute reconnaissance de la Palestine, tout retour au schéma des deux États, comme une mise en danger existentielle, presque suicidaire, pour Israël.

4. Comment cela emporte les derniers scrupules
👉Pour les décideurs occidentaux :
La compassion pour Gaza se heurte au réflexe sécuritaire.
“Reconnaître la Palestine maintenant, n’est-ce pas donner la main aux nostalgiques d’Oussama Ben Laden ou aux ayatollahs ?”
👉Pour Israël, il y un bénéfice net objectif :
Ces récits permettent de neutraliser les pressions diplomatiques.
Ils justifient le prolongement d’une politique d’anéantissement de facto.
En somme : les dissonances, si elles étaient intentionnellement fabriquées, ce qui poserait inévitablement la question des filières, deviennent des résonances utiles : elles transforment une pression en menace, et transforment la reconnaissance d’un État palestinien en un risque de survie pour Israël et ses alliés occidentaux, entrainés dans une configuration de plus en plus troublante dont ils ne maîtrisent, privés des tenants, que l’aboutissant.
En effet, si on considère que l’agenda international, l’agenda iranien, l’agenda palestinien, même l’agenda du Hamas acceptant un cessez-le-feu et la libération des otages, place l’agenda d’Israël sous une pression inattendue, les coïncidences sont frapantes.
On peut se demander, légitimement, si la première ne vise pas à doubler l’Iran sur ses intentions en termes d’ADM – sujet sensible s’il n’en est comme l’Irak l’a expérimenté cruellement (pour provoquer une cassure dans l’attermoiement international).
Et si la seconde, remettant en selle le fantôme (ou le sosie du fantôme) d’Oussama Ben Laden ne vient pas pour, peut-être un peu grossiètement, s’attacher la solidarité aveugle des Américains, qui ne sont pas censés comprendre quoi que ce puisse être à l’Orient Compliqué?
>Il a peut-être bon dos, l’Orient Compliqué.
PS: un troisième dissonance apparaît, ce 21vaoût, avec le licenciement du porte-parole ad-hoc du Département d’Etat Américain, Shahed Ghoreishi, sujet de ma note du jour: Marc Rubio: du flou au gris.
