Entre révisionnisme et destin: relire le récit chinois de la Seconde Guerre mondiale

L’histoire peut servir de pont plutôt que d’arme. L’appel de la Chine aux documents de la Seconde Guerre mondiale n’est pas seulement une querelle sur le passé : il traduit une tentative de tisser la continuité, de transformer la séparation en unité, et de présenter la paix comme un destin. De ces pages contestées jusqu’à l’Initiative pour la gouvernance mondiale, la Chine se trouve face à une épreuve décisive : transformer les leçons de l’Histoire en fondement de son rôle au XXIᵉ siècle.

L’accusation portée contre Pékin est grave, et sa résonance s’explique aisément à la lumière de ce que la Russie de Vladimir Poutine a entrepris ces dernières années. Moscou s’est engagé dans un révisionnisme historique assumé : effacer, falsifier, remodeler la mémoire de la Seconde Guerre mondiale afin de nier la souveraineté de l’Ukraine et de justifier une agression territoriale. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que le gouvernement taïwanais, les États-Unis et une partie de l’Occident accusent la Chine de pratiquer la même distorsion lorsqu’elle invoque des documents de l’époque pour justifier sa position sur le statut de Taïwan.

Pourtant, la nature de l’opération chinoise est d’un tout autre ordre. Il ne s’agit pas d’une négation de l’histoire, mais d’une tentative de l’unifier — de traduire la tragédie de la division en un récit de continuité : une terre, un peuple, une histoire. Là où la Russie manipule le passé pour effacer l’indépendance des autres, la Chine cherche à tisser un pont par-delà la séparation, présentant le destin historique comme fondement d’une normalisation1. Confondre ces deux démarches, c’est manquer ce qui est véritablement en jeu.

À première vue, l’appel de Pékin aux documents de la Seconde Guerre mondiale apparaît comme du simple révisionnisme, une lecture sélective de l’histoire au service d’objectifs immédiats. Mais on peut aussi l’interpréter autrement. S’il existe, au bout du compte, une seule terre et un seul peuple, il ne peut y avoir qu’une seule histoire — un pont entre deux rives séparées. En ce sens, ces documents deviennent moins un instrument de distorsion qu’une traduction de cette idée : l’histoire comme continuum, qui unit plutôt qu’elle ne divise.

À ce niveau de lecture, l’Initiative pour la gouvernance mondiale (GGI) prend une signification bien plus grande. Si la Chine parvient à inscrire ses actions non seulement dans une logique de puissance mais aussi comme gage que les leçons de l’histoire ont été comprises, alors elle montre une véritable disponibilité à entrer dans le XXIᵉ siècle. L’épreuve réelle réside dans sa capacité à transformer un passé contesté en socle de gouvernance partagée, démontrant que le destin n’a pas à se réduire à la coercition mais peut être porté par le poids de la responsabilité historique.

Ce processus mérite assentiment. Le mien est déjà donné. Le premier enjeu est là ; la résolution des autres en découlera.

La paix repose sur rien de moins que cette subtile alchimie.

Publié sur X le 16/09/2025 à 7:40. – 12 vues – 0 likes.
@EmmanuelMacron
@SpoxCHN_MaoNin
@PresidentXiCHN
@POTUS
@UN
@antonioguterres

  1. Comme l’écrivait Malraux dans La Condition humaine (prix Goncourt 1933), on pouvait voir à Shanghai « le bourreau passer, son sabre courbe sur l’épaule, suivi de son escorte de mauséristes sur l’avenue des Deux-Républiques ». Aujourd’hui, il n’en reste plus qu’un fantôme évanescent, mais une rhétorique ardente. La réconciliation, si les auspices sont favorables, est vouée à le remplacer. ↩︎

Laisser un commentaire