Si le président se trouve, au cours des jours prochains, dans l’obligation de recourir à l’article 16 de la Constitution, personne – je dis bien personne – ne sera en droit de faire semblant de ne pas comprendre pourquoi.
A quelques heures du discours que le chef du gouvernement tiendra aujourd’hui à 15 h devant l’Assemblée Nationale, on peut d’ores et déjà, indépendamment des réactions qu’il provoquera, affirmer que si le gouvernement Lecornu II venait à retomber, le Président de la République n’aurait probablement d’autre choix, du seul point de vue de la souveraineté de la France dont il est le garant, que d’envisager l’exercice des pleins pouvoirs.
Les deux motions de censure, déposées par le Rassemblement national et par La France insoumise, seront examinées jeudi 16 octobre, dans un climat d’extrême tension où la mécanique institutionnelle semble devenue autonome, indifférente à l’intérêt général.
Indifférente à la souveraineté de la France.
La situation politique actuelle — résultante d’un patient dérèglement démocratique et médiatique — ouvre, pas à pas, mais avec une accélération stupéfiante, un chemin à Vladimir Poutine jusqu’au PC Jupiter. Il n’y a pas d’autre explication plausible au bal des tartuffes auquel les Français, atterrés, assistent.
Ce scénario s’inscrirait dans le cadre prévu par la Constitution de la Ve République, dont l’article 16 confère au Président de la République la faculté d’exercer les pleins pouvoirs lorsque les institutions, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire ou l’exécution des engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate.
Avant de prendre cette décision, il consulte le Premier ministre, les présidents des deux assemblées et le Conseil constitutionnel, mais leur avis ne le lie pas : la décision lui appartient en propre. Ainsi, le sort de la Nation est — et revient, lorsque les circonstances, heureusement exceptionnelles, l’y obligent — entre ses mains.
Contrairement à l’état d’urgence ou à l’état de siège, limités à douze jours sans prorogation parlementaire, l’article 16 ne comporte pas de limite de durée initiale. Il n’a été utilisé qu’une seule fois, en avril 1961, par le général de Gaulle lors du putsch des généraux d’Alger.
Cet article, véritable clause de survie de la République, concentre temporairement tous les pouvoirs exécutif et législatif entre les mains du chef de l’État, qui devient, le temps de la crise, l’ultime garant de la continuité nationale.
L’article 16, véritable
clause de survie de la République
En 1961, c’est à la menace d’un putsch militaire, au cœur de la guerre d’Algérie, que la République dut faire face : un soulèvement d’officiers contestant la légitimité du pouvoir civil, au nom d’une certaine idée de la France. En 2025, la menace est d’une autre nature, mais d’une intensité comparable : c’est une opération cognitive spéciale, méthodique, diffuse, qui use de la confusion, de l’indignation et du mensonge pour désarmer la raison publique. Là où jadis les chars et les parachutistes tentaient d’imposer la force, ce sont aujourd’hui les flux informationnels, les relais médiatiques et les fractures sociales qui cherchent à dissoudre la souveraineté dans le chaos émotionnel.
Le putsch des généraux visait à soustraire l’État à la République ; le putsch de l’irresponsabilité nationale, porté au comble de son cynisme, vise à soustraire la République à elle-même — à vider la démocratie de sa substance, en la laissant s’effondrer sous le poids de ses contradictions et de sa propre crédulité. L’un voulait prendre le pouvoir, l’autre veut faire tomber le principe même du pouvoir légitime. Et dans les deux cas, c’est le Président de la République qui se trouve placé devant la même exigence : préserver la continuité de la Nation face à une menace qui ne dit pas son nom.
La normalité du président de la République c’est de répondre à l’étendue de son devoir. Par concentration, si les circonstances se trouvent devoir l’exiger.
