L’émotion suscitée par les dispositions du projet de loi de finances 2025-2026, notamment celles touchant à la fiscalité du patrimoine et à la transmission des biens, traduit un sentiment largement partagé de bizutage collectif : celui d’une société sommée de payer son passé avant même d’espérer son avenir.
Ces réactions, compréhensibles et parfois légitimes, témoignent d’une crainte de dépossession — crainte de voir s’éroder non seulement un patrimoine matériel, mais aussi un lien symbolique entre les générations.
Pourtant, au-delà des passions, le sujet appelle un approfondissement, à la lumière du contrat social que toute République digne de ce nom s’efforce de renouveler à chaque génération.
Le patrimoine ne saurait être réduit à la somme des biens possédés : il représente la trace vivante de l’effort collectif, la continuité entre ceux qui ont bâti, ceux qui entretiennent et ceux qui bâtiront encore.
Mais cette continuité n’a de sens que si la transmission s’accompagne d’un devoir de fécondité : hériter ne confère pas un privilège, il impose une responsabilité.
Dans la tradition du contrat social, la République repose sur la confiance : celle que chaque citoyen, loin de figer son héritage dans la rente, contribue à en faire le levain d’un bien commun.
À l’inverse, le pacte social — lorsqu’il se fige en statu quo défensif — enferme la société dans la peur de la réforme, au risque de transformer la paix civile en inertie institutionnelle.
Maxime républicaine
Renouveler le contrat social, c’est refuser cette inertie. C’est affirmer que la solidarité entre générations ne passe pas par la conservation immobile, mais par la vertu active de la transmission.
C’est reconnaître que la République ne se lègue pas, elle se reconstruit.
C’est là son véritable héritage : une œuvre toujours recommencée.
Chacun y est à la fois légataire et testateur universel, recevant et transmettant la part du bien commun qui lui revient.
La crispation n’est pas un état positif de la démocratie : elle en trahit la peur, non la force.
> La République ne confisque pas. Son actif est immatériel: c’est sa fécondité.
Le patrimoine ne s’hérite pas pour être gardé, mais pour être grandi.
Ce n’est pas la peur de perdre qui fonde la paix, mais la confiance de transmettre.
