👀 BelphĂ©gor et la revanche du sacrĂ©

La rĂ©cupĂ©ration et la mise en oeuvre du narratif par l’Union des droites rĂ©veille une dimension spectrale.

Le vol des bijoux de la Couronne au Louvre n’est pas seulement un fait divers : c’est une profanation du symbole, une mise Ă  nu du sacrĂ© rĂ©publicain.
Car toucher aux joyaux de l’histoire, c’est atteindre la mission rĂ©galienne de l’État — protĂ©ger.

Mais ce vol s’inscrit dans une mĂ©canique plus large, dĂ©sormais bien huilĂ©e :
⚡ la dĂ©linquance ordinaire sert Ă  illustrer l’impuissance policiĂšre ;
⚡la menace terroriste, l’impuissance militaire ;
⚡ la profanation de symboles religieux ou nationaux, l’impuissance spirituelle ;
⚡ enfin, le braquage patrimonial, l’impuissance rĂ©galienne.

À chaque Ă©tape, c’est le fondement de l’Etat — le monopole de la protection — qui est grignotĂ©, jusqu’à la dĂ©sacralisation du cƓur mĂȘme de la RĂ©publique.

Dans le contexte politique actuel, on assiste Ă  un transfert progressif de la charge accusatoire vers le domaine du symbole, aprĂšs que toutes les strates narratives de la prĂ©tendue faillite de l’État ont Ă©tĂ© successivement exploitĂ©es.

D’abord, la dĂ©linquance ordinaire et l’insĂ©curitĂ© quotidienne ont servi Ă  mettre en scĂšne l’impuissance policiĂšre : pompiers caillassĂ©s, commissariats attaquĂ©s, quartiers livrĂ©s Ă  eux-mĂȘmes.
Puis, la menace islamiste et la peur migratoire, nourries par le mythe du “grand remplacement” et du “choc des civilisations”, ont dĂ©placĂ© cette impuissance sur le terrain militaire et identitaire.


Enfin, le rĂ©cit s’est Ă©levĂ© jusqu’à la profanation symbolique : l’incendie de Notre-Dame, immĂ©diatement rĂ©cupĂ©rĂ© par l’extrĂȘme droite et réécrit sous la forme d’un complot, avec pour bruit de fond la litanie des chapelles rurales profanĂ©es, comme autant de stigmates d’un État dĂ©faillant dans sa mission de protection.

Cela peut-il ĂȘtre que le fruit du hasard et, sui generis, que l’enfantement du seul chaos auquel nul Ă©lĂ©ment Ă©tranger apporte sa contribution?

L’enfant que j’Ă©tais se cachait sous les draps au passage de BelphĂ©gor

Rappelons que ce n’est pas la premiùre fois que le sanctuaire vacille.
En 1911, le vol de la Joconde avait déjà fissuré la conscience nationale.
Et lorsque le tableau fut retrouvĂ©, un doute demeura : si mĂȘme le Louvre pouvait ĂȘtre violĂ©, qu’était-ce que la France protĂ©geait encore ?

Seize ans plus tard, Arthur BernÚde fit naßtre Belphégor, le fantÎme du Louvre.
Il n’était pas un dĂ©mon, mais un redresseur de torts, tapissĂ© d’ombres et de clercs-obscurs, au service de la lumiĂšre de la RĂ©publique.
Car BelphĂ©gor n’est pas le spectre qui attaque la RĂ©publique —
c’est la RĂ©publique qui, ayant laissĂ© s’obscurcir sa lumiĂšre, engendre son propre BelphĂ©gor.

Aujourd’hui encore, ce fantîme revient, non pour maudire, mais pour rappeler :
la République est sacrée, et ceux qui tentent de la corrompre réveillent inévitablement ses gardiens invisibles.

L’enfant que j’Ă©tais, impressionnĂ© par sa figure, dans le feuilleton tĂ©lĂ©visĂ© remontant au noir et blanc, se cachait sous les draps au passage de Belphegor.

L’imagination accomplit ces transmutations à vitesse lente.
Nous ne faisons que l’accĂ©lĂ©rer.

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