Contrairement à ce qu’insinue ce compte X, s’affichant comme « de réinformation »:
, si des tracteurs — outils de production — sont détournés en instruments de blocage massif et de paralysie territoriale, ce à quoi s’emploient les coordination rurale et confédération paysanne qui ont subverti l’entier du syndicalisme agricole, alors il est – juridiquement, symboliquement et surtout, opérationnellement – cohérent qu’ils rencontrent, sur leur route, des VBRG – Véhicules Blindés à Roues de la Gendarmerie.
Ce qui est en jeu ici n’est pas la paysannerie, mais son instrumentalisation.
Exploiter sa figure pour affaiblir l’État, démobiliser ses forces de l’ordre et produire un renversement cognitif des légitimités relève d’une stratégie connue.
L’injection, dans l’espace public, d’un narratif qui renverse le sens des lieux, des rôles et des missions — au nom d’une prétendue “réinformation” — constitue une signature symbolique claire.
Ce travail de l’ombre ne vise pas à défendre le vivant, mais à troubler l’intégrité de l’État dans l’exercice de ses fonctions régaliennes.
Lorsqu’un tigre est accusé d’être violent parce qu’il garde la frontière de la jungle, ce n’est pas le tigre qui est en cause, mais le récit que l’on fabrique autour de lui.
Le compte @reseau_internat s’inscrit dans un écosystème informationnel identifié, caractérisé par:
- une hostilité systémique à l’Union européenne,
- une délégitimation constante de l’État français,
- une valorisation implicite ou explicite des puissances autoritaires dites “souverainistes”, au premier rang desquelles la Russie.
Les publications analysées présentent des invariants rhétoriques:
- recours à des sources non vérifiables ou circulaires,
- usage intensif de témoignages anonymes ou émotionnels (« les policiers sont dégoûtés »),
- cadrage des forces de l’ordre comme instrumentalisées contre le peuple,
- inversion systématique des responsabilités (l’État comme cause exclusive du désordre).
Le post analysé (tracteurs face aux VBRG) — qui émane d’un compte qui n’est qu’un des innombrables tentacules de l’hydre à laquelle la France et l’UE ont affaire — ne vise pas à informer sur un événement, mais à produire trois effets cognitifs simultanés:
a) Séparer les forces de l’ordre de la République
En prétendant parler au nom des policiers et gendarmes [dire tout haut ce qu’ils pensent tout bas], le compte tente de:
- les extraire de leur mission régalienne,
- les présenter comme moralement en rupture avec l’État.
C’est un classique des stratégies de subversion informationnelle.
b) Légitimer l’escalade par victimisation
La mise en scène d’un État « aux abois », « en fin de règne », ne vise pas à analyser, mais à:
- normaliser l’idée d’un effondrement proche,
- rendre acceptable une radicalisation ultérieure.
c) Renverser le symbolique
Le face-à-face tracteurs/VBRG est cadré pour:
- essentialiser la paysannerie comme figure du peuple pur,
- assimiler l’État à une force d’occupation.
Ce procédé est strictement homologue aux narratifs utilisés dans les théâtres ukrainien, balte ou moldave avant des phases de tension accrue.
En retournant un panneau indicateur en Français, ce qui se lit, c’est Moscou en cyrillique

Le compte @reseau_internat s’inscrit parfaitement dans un contexte plus large de renversement symbolique, illustré par le phénomène qui s’est étendue comme une trainée de poudre dans la ruralité et qui a consisté à renverser les panneaux indicateurs à l’entrée et au sortir des localités:
- le retournement durable des panneaux d’entrée de communes,
- l’acceptation, voire la valorisation, de ce geste par des élus locaux.
Ce phénomène:
- n’exprime plus une revendication,
- installe une inversion de l’ordre de signification du territoire.
Il constitue un terrain cognitif favorable aux stratégies de désorientation et de délégitimation de l’État.
Sans préjuger d’un pilotage direct, les contenus et méthodes observés sont compatibles point par point avec:
- la doctrine russe de guerre informationnelle (Gerasimov),
- l’usage de vecteurs locaux, idéologiquement marqués,
- la stratégie de fragmentation des sociétés européennes de l’intérieur,
- l’exploitation des fractures rurales, sociales et identitaires.
Il s’agit moins de convaincre que de désorganiser, moins de proposer que de faire douter.
Le compte @reseau_internat ne doit pas être compris comme un acteur central, mais comme:
- une tentacule d’un dispositif d’Intelligence étrangère plus large,
- un amplificateur local d’un narratif hostile à la République,
- un agent de pollution cognitive durable.
La menace qu’il représente n’est pas militaire, elle est épistémologique, même si elle sait déployer quelques drones pour fixer notre vigilance sur le conventionnel et nous tromper sur le fait qu’elle attaque la capacité collective à distinguer critique légitime et délégitimation systémique.
Les médias, fascinés par l’expression des colères paysannes, sont à ce système frauduleux, médiatiquement et informationnellement, et parfaitement typique de la guerre cognitive, ce que les façades commerciales sont au blanchiment d’argent.
Une démocratie peut absorber la contestation.
Elle ne survit pas longtemps à la désorientation organisée.
Ce qui se joue réellement: une inversion de la hiérarchie des compétences
Dans une République moderne, le principe n’est pas que tout le monde sait tout,
mais que:
- chacun parle depuis son champ de compétence,
- les savoirs sont articulés, discutés, contredits,
- la décision politique arbitre, elle ne remplace pas le savoir.
Or ce que qui se montre sous les traits de la colère, à laquelle il n’est pas anormal d’être empathique — et que nous observons — est autre chose:
la colère vécue comme titre de compétence supérieur.
Le paysan n’est plus:
- un acteur économique,
- un citoyen porteur d’intérêts légitimes,
- un expert de son métier,
mais il est érigé en rival épistémique:
- du vétérinaire,
- de l’épidémiologiste,
- de l’économiste,
- du législateur.
Non pas contre eux, mais à leur place.
C’est exactement la matrice du Soviet suprême. Historiquement, le Soviet suprême ne reposait pas sur la compétence, mais sur:
- la représentation immédiate,
- la légitimité morale du “producteur”,
- la suspicion envers les savoirs spécialisés (jugés bourgeois, technocratiques, dévoyés).
Le schéma était le suivant:
Celui qui produit (acier, blé, charbon) est réputé comprendre le monde mieux que celui qui l’étudie.
C’est ce que Lénine puis Staline ont institutionnalisé :
- l’ouvrier contre l’ingénieur,
- le paysan contre l’agronome,
- le comité contre l’expertise.
Le résultat fut connu:
- terreur idéologique contre les savants.
- désastre agronomique (Lyssenko),
- famines,
- effondrement de la rationalité économique,
Ce qui ressurgit aujourd’hui n’est pas le communisme, mais sa pathologie cognitive exploitée avec une rare efficacité par Poutine:
Si je souffre, alors j’ai raison.
Si je suis en colère, alors la science ment.
Si je produis, alors je décide du vrai.
C’est exactement :
- la délégitimation de la médiation,
- la haine du tiers (expert, institution, règle),
- le court-circuit du temps long par l’émotion.
Quand la colère devient une compétence; quand la production devient un droit au vrai; et quand l’expertise est disqualifiée comme ennemie du peuple; ce n’est pas la République qui s’approfondit —
c’est l’ombre du Soviet suprême qui réapparaît.
Et la créature antéhistorique qu’est Soviet suprême est l’antithèse de l’Etre Suprême que la République Française, elle, a érigé en son centre symbolique — non comme régime politique, mais comme structure mentale.
Retrouvons-le d’urgence et chassons l’alien!
PS: Cette analyse, très opérationnelle, touche au nœud central de la Théorie Etendue de l’Information, développée par ailleurs: le moment où l’information cesse d’être structurée par des champs et devient un rapport de force brut entre affects.

