What may seem a marginal issue in Israeli politics — the exemption from military service for ultra-Orthodox Jews — is in fact the nerve of Israel’s “existential” war. It doubles the legitimate right of self-defense with an unresolved internal conflict, buried in silence — that of a nation divided between duty and devotion, between the State and faith. For a nation cannot remain free if some claim purity while others sacrifice and stain their hands.
The Founding Compromise
At the creation of the State, David Ben-Gurion granted the Haredim (ultra-Orthodox) an exemption from military service, seeking a fragile balance between faith and politics. They were then only a few hundred yeshiva students; preserving prayer seemed compatible with building the nation.
But what began as a foundational exception has become a systemic privilege. Today, tens of thousands of men of service age evade the national obligation while receiving public subsidies and wielding major political influence. They refuse civic struggle yet dictate morality, preach purity while living off the defense ensured by others.
This asymmetry is no longer merely social — it is metaphysical. It has turned Israeli democracy into a crevasse in the sky — where the horizon of civic virtue and intention escapes justice, and where faith becomes a refuge from duty.
The Shock of October 7, 2023
October 7 was a moral earthquake — a holocaust in the original sense of the word. At the Nova Festival, pacifists and artists had gathered to celebrate life, not war; unarmed, trusting in peace, they were delivered to fire and slaughter. Their destruction was not only a crime but a burnt offering, a generation immolated on the altar of others’ illusions. Soldiers too, caught unprepared, shared that fate — victims of a faith that had replaced responsibility, and of leaders who had mistaken belief for foresight.
That day consumed not only bodies. It burned the very idea of Israel as a refuge of conscience. In the desert, beneath smoke and music turned to screams, the faith of a nation met the judgment of its own negligence.
As long as this anomaly persists, Hamas’s rhetoric will remain structurally legitimized.
It is against this drift that Yair Lapid stands, confronting — in the name of the Permanent Forum — the gaping ambiguities of the system on which Benjamin Netanyahu relies, and within which the IDF and the entire security apparatus embody an ambivalence so unbearable that it has produced a deep moral trauma among soldiers and within the command itself.
This institutional irregularity is no less inadequate to Israel than Hamas is to the definition of Palestinian sovereignty. Though opposed, both stem from the same corruption of responsibility: one distorts it, the other destroys it. They must be dismantled — the first — and abolished — the second — in a single movement back toward justice.
As long as this anomaly persists, as long as Israel tolerates within itself a caste exempt from civic duty in the name of divine privilege, Hamas’s rhetoric will remain structurally legitimized. It feeds on that very contradiction: a mirror enemy, born of the same refusal to assume shared responsibility.
The Meaning of the Struggle
Yair Lapid’s struggle is not religious; it is civic. He seeks to restore equality in sacrifice and shared responsibility. He rejects the notion that a sanctified minority can rise above common law and turn war into a metaphysical affair.
To bring Israel back from Gideon to David, from sacred vengeance to human justice — that is the very condition of democratic renewal. October 7 revealed where religious messianism without responsibility leads. Yair Lapid offers the opposite path: responsibility as the arbiter of legitimate faith within the City.
Ce qui pourrait sembler une question marginale dans la politique israélienne — l’exemption du service militaire pour les juifs ultraorthodoxes — est en réalité le nerf de la guerre « existentielle » d’Israël. Elle double le droit légitime à se défendre d’un conflit interne irrésolu, car appartenant au non-dit, celui d’une nation divisée entre le devoir et la dévotion, entre l’État et la foi.
Car une nation ne peut demeurer libre si certains revendiquent la pureté pendant que d’autres se sacrifient et se souillent les mains.
📜 Le compromis fondateur
À la création de l’État, David Ben-Gourion accorda aux haredim (ultraorthodoxes) l’exemption du service militaire, cherchant un équilibre fragile entre la foi et la politique. Ils n’étaient alors que quelques centaines d’étudiants en yeshiva ; préserver la prière semblait compatible avec la construction de l’État.
Mais ce qui fut une exception fondatrice est devenu un privilège systémique. Aujourd’hui, des dizaines de milliers d’hommes en âge de servir échappent à l’obligation nationale tout en bénéficiant de subventions publiques et d’une influence politique majeure. Ils refusent le combat civique mais dictent la morale, prêchent la pureté tout en vivant de la défense assurée par les autres.
Cette asymétrie n’est plus seulement sociale — elle est métaphysique. Elle a transformé la démocratie israélienne en une crevasse du ciel — un lieu où la sainteté échappe à la justice, et où la foi devient refuge contre le devoir.
⚔️ Le choc du 7 octobre 2023
Le 7 octobre fut un séisme moral — un holocauste, au sens premier du mot. Au festival Nova, des pacifistes et des artistes s’étaient rassemblés pour célébrer la vie, non la guerre ; désarmés, confiants dans la paix, ils furent livrés au feu et au massacre. Leur destruction ne fut pas seulement un crime, mais une offrande brûlée, une génération immolée sur l’autel des illusions d’autrui. Des soldats eux aussi, pris au dépourvu, partagèrent ce destin — victimes d’une foi qui avait remplacé la responsabilité, et de dirigeants qui avaient confondu croyance et clairvoyance.
Ce jour-là ne consuma pas seulement des corps. Il brûla l’idée même d’Israël comme refuge de la conscience. Dans le désert, sous la fumée et la musique changée en cris, la foi d’une nation rencontra le jugement de sa propre négligence.
⚖️ La position de Lapid
C’est contre cette dérive que se dresse Yair Lapid, confrontant — au nom du Forum permanent — les ambiguïtés béantes du système sur lequel s’appuie Benjamin Netanyahou, et dont Tsahal et l’ensemble de l’appareil sécuritaire concentrent l’ambivalence, devenue si invivable qu’elle provoque un lourd traumatisme moral parmi les soldats et au sein même des états-majors. Cette irrégularité institutionnelle n’est pas moins inadéquate à Israël que le Hamas ne l’est à la définition de la souveraineté palestinienne. Toutes deux, bien que contraires, procèdent d’une même corruption de la responsabilité : l’une la déforme, l’autre la détruit. Elles doivent être démantelées — pour l’une — et abolies — pour l’autre — dans un même mouvement de retour à la justice.
Tant que cette anomalie persistera, tant qu’Israël tolérera en son sein une caste soustraite au devoir civique au nom d’un privilège divin, le discours du Hamas demeurera structurellement légitimé. Il se nourrit de cette contradiction : un ennemi miroir né du même refus d’assumer la responsabilité commune.
🕯️ Le sens du combat
Le combat de Yair Lapid n’est pas religieux, il est civique. Il cherche à rétablir l’égalité dans le sacrifice et dans la responsabilité partagée. Il rejette l’idée qu’une minorité sanctifiée puisse s’élever au-dessus du droit commun et transformer la guerre en affaire métaphysique.
Ramener Israël de Gédéon à David, de la vengeance sacrée à la justice humaine, voilà la condition même du renouveau démocratique. Le 7 octobre a montré où mène le messianisme religieux sans responsabilité. Yair Lapid propose le chemin inverse : la responsabilité comme arbitre de la foi légitime dans la Cité.
Les récentes déclarations de Donald Trump sur le Nigeria sont sans ambiguïté : “If the Nigerian government continues to allow the killing of Christians, the U.S.A. will immediately stop all aid and assistance to Nigeria, and may very well go into that now-disgraced country, ‘guns-a-blazing’. (AP News, novembre 2025). Une force politique tente de cadrer le potentiel sans limites de ressentiment interconfessionnel, disponible en Afrique et au Moyen-Orient, dans la confrontation religieuse et la dialectique du clash des civilisations. Ce contexte invite Donald Trump sur la cause des Chrétiens au Nigéria ou pris dans l’engrenage de chaos soudanais. Au milieu de cet enfer, l’élection – le 4 Novembre dernier – de Zohran Mandani comme maire de New-York, est attaquée au vitriol, à l’échelle globale. Elle dresse une figure paratonnerre.
Sous couvert de défense des chrétiens, l’ancien président américain adresse un ultimatum diplomatique et moral à un État souverain. Porté par son électorat évangélique et par l’imaginaire messianique de son propre parcours, il se présente en protecteur de la foi et en justicier des âmes. Mais derrière cette posture que le sort des chrétiens, qui forment une population parmi toutes les autres à être sacrifiées, c’est un piège tendu : une injonction politique qui attise la confrontation religieuse mondiale et réactive la logique du clash des civilisations. Dans ce piège se croisent aujourd’hui plusieurs forces: la droite chrétienne américaine, la connexion judéo-chrétienne téléguidée par Netanyahu, l’appareil narratif russe primaire, et la fragilité cognitive d’un monde désemparé par la prolifération des signes et injonctions.
1. La réactivation du récit civilisationnel
Sur X, la phrase du cardinal Robert Sarah — « Les barbares sont déjà dans la ville » — a ressurgi, relayée par @75secondes, @Wolf, etc, au moment même où Trump annonçait vouloir “sauver les chrétiens du monde”. En surface : deux appels à la vigilance spirituelle. En profondeur : une même trame cognitive — celle d’un Occident assiégé, d’un christianisme encerclé par la barbarie.
Les violences africaines (Nigeria, Soudan, Sahel) deviennent les scènes symboliques d’une guerre sainte mondialisée ; la complexité politique, ethnique et économique s’efface derrière le vocabulaire de la croisade. La foi n’explique plus : elle désigne.
Un million de vues pour cette seule publication.
Elle vient d’un entretien de 2019 accordé à La Nef / The Catholic Herald, où le cardinal Robert Sarah disait : « As a bishop, it is my duty to warn the West! The barbarians are already inside the city. ». CERC+1
Dans ce texte, il précise ce qu’il appelle les barbares : « tous ceux qui haïssent la nature humaine, qui piétinent le sens du sacré, ne respectent pas la vie, se rebellent contre Dieu… » – en visant l’avortement, l’euthanasie, la pornographie, l’idéologie de genre, etc.
Plus loin dans le même entretien, il parle aussi de l’islamisme comme d’une menace, mais dans un passage distinct, et en l’articulant à la crise spirituelle de l’Occident.
Ce qui circule aujourd’hui, c’est donc une citation sortie de son contexte et recyclée :
On retrouve exactement la même formule sur Facebook, Instagram, Threads, X, souvent sur fond de photo ou de mème, sans le paragraphe explicatif qui élargit sa définition des “barbares”. Instagram+3Facebook+3Instagram+3
@75secondes ne fait qu’amplifier une phrase devenue slogan dans certains milieux conservateurs catholiques / identitaires, en la reliant au cardinal et à la question de l’immigration de masse. Instagram+1
Sur le sous-entendu “on entendait l’islam…”
Dans le texte original, Sarah ne dit pas“les musulmans sont les barbares”. Il parle d’une barbarie morale occidentale et de l’islamisme comme menace politico-religieuse ; mais ce sont surtout les relais militants qui condensent tout ça en une punchline utilisable contre “l’islam” en bloc.
2. La résonance russe : miroir du messianisme évangélique
Depuis 2014, le Kremlin, appuyé par le patriarche Kirill, promeut la Russkiy Mir — le “monde russe” — présenté comme dernier bastion du christianisme face à la décadence occidentale et à la menace islamiste. La rhétorique de Trump s’y superpose comme un calque.
Thème
Rhétorique russe
Rhétorique trumpiste
Mission
Moscou protectrice de la foi orthodoxe
Washington sauveur des chrétiens persécutés
Ennemi symbolique
Occident libéral et “dénaturé”
Islam radical et “barbarie” du Sud
Registre
Métaphysique du salut
Théologie de la puissance
Finalité
Légitimer la verticalité russe
Re-sacraliser la suprématie américaine
Ces deux narrations s’auto-alimentent : l’une cherche à fracturer l’Occident, l’autre à le rallier sous l’étendard du sacré. L’effet est identique : un monde polarisé autour des fractures, rendues abyssales et irrémédiables, du religieux décliné sous la forme de mouvements de fractales dans un monde où les chimères sont faites pour régner en maîtres
3. L’ingénierie cognitive de la croisade
Ce champ narratif repose sur une architecture précise :
Amplifier sélectivement les massacres chrétiens en Afrique ;
Détourner la compassion en colère ;
Recycler les mots prophétiques (“barbares”, “mal”, “sacré”) ;
Fusionner les discours politiques, spirituels et militaires.
C’est une véritable machinerie cognitive, qui transforme la douleur en énergie politique. Trump y trouve un levier électoral, Mel Gibson y ajoute une aura mythique (“Defend what’s sacred”), et Moscou y glisse sa grammaire civilisationnelle : la guerre du bien contre le chaos.
En mêlant mystique et brutalité, Mel Gibson construit un imaginaire où le salut passe par la violence — un miroir parfait du temps présent, où l’on confond de plus en plus la sainteté avec la revanche.
4.L’effet Mamdani : le paratonnerre du récit
Au cœur de cette tempête, l’élection à New York de Zohran Mamdani, premier maire musulman d’origine ougandaise, agit comme un paratonnerre cognitif. Plus qu’une dissonance, c’est une zone d’absorption du choc symbolique. Son élection résonne avec la promesse d’un pluralisme pacifié — mais, dans les flux polarisés, elle devient la cible parfaite :
pour certains, preuve que l’Occident et dispose des outils cognitifs pour résister à l’onde de haine qui déferle partout et, ainsi, reste ouvert, aspace d’équilibre et de résolution au service de la Paix ;
pour d’autres, c’est le signe que “l’ennemi est déjà dans la place”.
Comme Benjamin Franklin saisissant la foudre, Zohran Mamdani dresse le paratonnerre sur la plus orageuse des ères. Les haines se concentrent sur sa personne symbolique.
La dissonance que Zohran Mamdani incarne révèle l’intensité du champ magnétique : plus la société réelle s’apaise, plus la sphère numérique s’enflamme et déverse anathèmes préfabriqués et excommunications politiques. @ZohranMamdani devient malgré lui le test de résistance du vivre-ensemble face à la montée des récits guerriers. Il s’est installé, à partir de Ground Zero, sur le seuil d’un monde attiré irrésistiblement vers les profondeurs insondables de son propre enfer, et ouvre un autre chemin vers le possible retour à soi.
5. Le piège du sacré politique
Sous des apparences de ferveur, c’est une architecture de domination symbolique qui se met en place. Le sacré devient vecteur d’influence, la foi devient vecteur d’ordre, et la liberté spirituelle devient l’appât d’une guerre cognitive mondiale. Le piège de Trump n’est donc pas seulement diplomatique : il est psychologique. Il invite l’humanité à choisir un camp dans un conflit que la raison n’a pas décidé.
Et dans cette bataille des signes, ce ne sont plus les croyants qui prient — ce sont les algorithmes qui recrutent.