Face à la Russie, l’Ukraine en voie de céder sa place en première ligne à l’UE

L’Ukraine ne peut rester indéfiniment le seul théâtre sacrificiel et les Européens ont leur mot à dire. A Kyiv, si un compromis doit émerger, deux lignes doivent rester intransigeantes: aucune reconnaissance internationale des annexions russes, et une garantie américaine sérieuse couvrant l’ensemble du spectre des agressions — militaires, cyber et cognitives. Ce cadre, s’il se met en place, ne rapproche pas la paix: il fait entrer l’Union européenne sur la première ligne stratégique, exposée directement à la phase suivante du conflit.


Les pourparlers qui se tiennent actuellement à Kyiv entre les émissaires américains et les équipes du président Zelensky — discussions où Washington chercherait à faire accepter un cadre de cessez-le-feu avec la Russie — marquent un tournant potentiel du conflit. Ils laissent entrevoir une architecture de compromis encore très imparfaite, mais deux points doivent, à mes yeux, demeurer absolument non négociables:

  1. L’absence d’acte international reconnaissant les annexions territoriales russes,
  2. Une garantie américaine couvrant l’ensemble des formes d’agression — militaires, cyber, informationnelles et cognitives permettant de sanctuariser la souveraineté de l’Etat Ukrainien.

Ces deux points permettent, s’ils sont tenus, d’économiser des vies humaines et d’éviter un passage de seuil qui se jouerait au prix du sang ukrainien.
Mais il serait illusoire d’y voir une paix: le conflit change d’échelle et, pour une durée que nous ne maîtrisons pas assez pour ne pas en tirer les conséquences immédiates, de forme. C’est ce qu’il faut comprendre. Nous devons l’accepter.

C’est notre intérêt. C’est notre intérêt, même si nous savons que la Russie ne renoncera pas à son plan. Elle déplacera simplement son effort: moins d’offensive frontale en Ukraine, davantage de pression diffuse sur les démocraties européennes — fragmentation politique, ingérences, manipulations, opérations d’influence, mise à l’épreuve de l’OTAN et des institutions européennes.

Et c’est précisément là que surgit une évidence que nous avons tardé à reconnaître: les désordres apparus dans nos sociétés depuis près d’une décennie — très nettement depuis le Brexit — ne sont pas des crises internes isolées.
Ils constituent les indices avancés d’une fragmentation déjà en cours, amplifiée par des stratégies extérieures.

Du Brexit et de la paralysie politique britannique, aux crises de gouvernance en Europe centrale, jusqu’aux tensions aiguës au Parlement français où Gouvernement et Assemblée peinent à résister à la pression combinée des sondages, des extrêmes, et des opérations d’influence: tout cela révèle un terrain vulnérable, travaillé en profondeur.

Le cessez-le-feu discuté à Kyiv, et qui, en 28 points négociés en catimini satisfait, a-priori, beaucoup des exigences de Moscou, n’est donc pas seulement la suspension d’une ligne de front territoriale: il met à nu l’autre front, celui qui traverse nos sociétés et nos institutions.
C’est l’Europe elle-même qui devient l’espace principal de la confrontation. Elle est visée.

Face à cela, les Européens doivent cesser d’être spectateurs de leur déclin moral et de leurs tergiversations politiques. Ils ne doivent plus se laisser attendrir par les berceuses émanant du Kremlin. L’Europe doit se mettre en ordre de bataille — non pour entrer en guerre, mais pour résister à celle qui lui est déjà faite, silencieuse, diffuse, méthodique.

C’est cela, se mettre en ordre de bataille.
Et c’est de l’ordre de bataille que surgit le génie de la bataille pas de sa désertion.

Si nous retrouvons notre intégrité politique, notre unité stratégique, notre vitalité économique et culturelle, alors le temps que Moscou pense avoir gagné, si l’accord de cessez-le-feu, est obtenu, peut devenir, paradoxalement, du temps décisif pour l’Europe. Sur ce terrain, si elle domine les sujets qui l’égarent, probablement parce que ‘ils sont posés pour provoquer ce résultat, elle est supérieure à la Russie, qui ne peut se prévaloir que de fausse foi pour masquer une nature qui la porte à la destruction.

Cette seconde phase, dans laquelle nous entrons aujourd’hui, marquée, simultanément, par le discours en France du Chef d’Etat Major, le général Maldon, et le communication gouvernementale sur le « kit de survie », oblige l’Europe à se reconnaître elle-même comme l’espace visé par la phase suivante du conflit.

Nous ne sommes plus des spectateurs ni des soutiens lointains: nous sommes déjà intégrés dans le périmètre stratégique de l’agression russe, que celle-ci le reconnaisse ou non.

C’est précisément pour cela que cette « cote », qui peut sembler mal taillée ou frustrante du point de vue ukrainien, ouvre une séquence de responsabilité pour les Européens, à laquelle ils ne doivent pas manquer.
Elle leur impose d’en tirer les conséquences d’intelligence:

  • se préparer à contenir la menace non plus seulement sur une ligne de front extérieure, mais au cœur de nos sociétés,
  • sécuriser nos institutions contre les infiltrations, la corruption, l’ingérence,
  • moderniser nos économies, nos industries de défense et nos infrastructures critiques,
  • et surtout, projeter une vitalité politique et civilisationnelle capable de résister à l’épreuve et contrer l’agresseur qui vient presque en pays conquis par les divisions qu’il y a cultivé, voire semé.

Nous entrons dans une phase où la question n’est plus seulement militaire: le vrai enjeu est de savoir si l’Europe se hissera au niveau de cette recomposition stratégique, pour transformer ce temps suspendu en moment de refondation, permettant d’aller vers la victoire, ou si elle laissera ce seuil se refermer sur elle.
À l’inverse, si nous restons immobiles, si nous refusons de voir la nature profonde de la menace et l’ensemble des ressorts sur lesquels s’appuyer, militairement et sur le plan civilisationnel, alors la défaite viendra à nous — et refermera de manière tragique la séquence ouverte par un siècle de guerres nées sur le sol européen.

La question de fond, ici, est celle de la souveraineté, mais pas celle des étendards fades. Celle des drapeaux vivants, comme « La Marseillaise » – notre hymne national – a su si bien en faire vibrer la fibre.
La souveraineté russe nie celle de l’Ukraine — puisqu’elle affirme que ce pays n’existe pas, ce qui est constitutif d’une volonté génocidaire — et elle cherche le meilleur modus operandi pour faire du statu quo militaire une victoire politique en maquillant ce moment d’une cosmétique de paix.

Les Ukrainiens ont défendu leur souveraineté avec une ardeur devant laquelle nous devons nous incliner. Mais la Russie ne s’arrête pas là : elle s’emploie, par mille moyens, à saborder la souveraineté des Européens, la souveraineté des Africains, et même la souveraineté américaine. Elle s’emploie à englober son espace politique, culturel et symbolique.

Car la souveraineté, la vraie, ne consiste pas d’abord en une frontière ou en un drapeau: elle consiste à décider, dans un monde qui change à chaque instant, ce par quoi et comment nous acceptons d’être transformés. C’est ce en quoi ce qu’elle a engagé est un combat existentiel pour chacun de nous et pour le devenir du monde, celui de la postérité.

La souveraineté de l’agresseur — celui qui rompt l’équilibre — se heurte nécessairement à la souveraineté de l’agressé: il cherche à l’écraser, à l’éteindre, à la convertir.
Et lorsque l’agresseur, pour masquer son geste, se proclame lui-même « agressé », comme le fait la Russie de Poutine, il tente simplement de rendre indistinct le point central: le droit de décider du type de transformation que l’on accepte ou refuse.

À ce titre, la guerre en Ukraine est déjà une guerre mondiale, non par l’extension géographique des combats, mais par la nature du choc des souverainetés qu’elle cristallise.
Dans un monde de post-vérité et de relativisme construit, la question devient: accepterons-nous d’être transformés par l’agresseur, ou par nous-mêmes répondant au défi que nous pose l’agresseur par ses ruses et infiltrations?

Si nous nous inclinons devant la brutalité et la perfidie de ce régime, alors, deux guerres mondiales monstrueuses, qui ont eues pour siège le sol européen, ne nous auront rien appris.

🥇 De Pékin 2022 à Milan–Cortina 2026 : l’agenda olympique et le retour du sens stratégique

Le dimanche 9 novembre 2025, alors que Canton (Guangzhou) s’illuminait de lumières, d’acclamations et d’histoire pour l’ouverture des 15ᵉ Jeux nationaux de Chine — organisés pour la première fois conjointement par le Guangdong, Hong Kong et Macao — le président Xi Jinping a rencontré Kirsty Coventry, présidente du CIO, et Thomas Bach, président honoraire à vie.

La rencontre, mise en avant par @XisMoments, n’était pas seulement un geste de continuité olympique, mais aussi un symbole d’unité culturelle et d’harmonie intérieure que la Chine souhaite relier à l’esprit universel des Jeux.

Les Jeux olympiques d’hiver de Pékin 2022 se sont clos le 20 février 2022 ; deux jours plus tard, la Russie envahissait l’Ukraine.
Ce qui devait être un triomphe d’harmonie devint une blessure silencieuse pour le prestige moral de la Chine.
Xi Jinping n’a pas gâché la cérémonie de clôture — il a attendu.
Mais « l’amitié sans limites » proclamée avec Moscou venait déjà d’être rompue, non par la diplomatie, mais par un missile au-dessus de Kyiv.

Alors que le monde se tourne vers Milan–Cortina 2026 et se prépare à Los Angeles 2028, la séquence olympique retrouve son rôle : celui du calendrier des civilisations, la mesure de la conscience mondiale.
La flamme passe désormais à l’Ouest, où Los Angeles 2028 pourrait, peut-être, devenir les Jeux du Rééquilibre : le retour du récit sur le chaos, du sens sur la domination.

En parallèle, Donald Trump agit sur un autre front — mais dans la même logique de transition.
Sa décision de suspendre la livraison des Tomahawk à l’Ukraine, loin d’une hésitation, vise à reconfigurer la logique des sanctions et à reprendre la maîtrise stratégique du récit.

De même, sa volonté déclarée de reprendre le conflit israélo-palestinien à travers les Accords d’Abraham signale un glissement : de la confrontation militaire vers la résolution narrative, du pilotage de la guerre à la maîtrise de la paix.

Ces deux gestes — celui de Xi à Canton, celui de Trump à Washington — se rejoignent sur le pont symbolique qui relie, d’une part, Pékin 2022 à Milan–Cortina 2026, et, d’autre part, Paris 2024 à Los Angeles 2028.

Le sport change la donne.

Il rend au monde la mesure de sa civilisation, rappelant que la force ne sert plus à détruire, mais à garantir la paix et à restaurer le sens.

> j’ai dit cela. Chaque être choisit, par sa propre voix liée à son libre-arbitre, la réalité à laquelle il souhaite donner corps. Ainsi, les monstres s’effacent.

#XiJinping #15thNationalGames #Trump #Olympics #SoftPower #Paris2024 #MilanCortina2026 #LosAngeles2028 #CredimusInOptimumHumanis

🕊️ From Beijing 2022 to Milan–Cortina 2026: The Olympic Agenda and the Return of Strategic Meaning

On Sunday, November 9, 2025, as lights, cheers and history illuminated Guangzhou for the opening of China’s 15th National Games — the first ever to be jointly hosted across Guangdong, Hong Kong and Macao — President Xi Jinping met with IOC President Kirsty Coventry and Honorary President for Life Thomas Bach.

The meeting, highlighted by @XisMoments, was not only a gesture of Olympic continuity but also a symbol of China’s expanding cultural unity and its aspiration to connect domestic harmony with the universal spirit of the Games.

The Beijing 2022 Winter Games had closed on February 20, 2022; two days later, Russia invaded Ukraine.
What should have been a triumph of harmony became a silent wound to Beijing’s moral prestige.
Xi Jinping did not spoil the closing ceremony — he waited.
But the “friendship without limits” declared with Moscow had already been shattered, not by diplomacy, but by a missile over Kyiv.

As the world prepares for Milan–Cortina 2026 and looks toward Los Angeles 2028, the Olympic sequence resumes its role as the calendar of civilization — a chronometer of global conscience.
The torch now passes westward, where Los Angeles 2028 may become the Games of Rebalancing: a return to narrative over chaos, meaning over domination.

In parallel, Donald Trump acts on a different front — but within the same logic of transition.
His decision to pause the delivery of Tomahawks to Ukraine, far from hesitation, aims to reshape the logic of sanctions and reclaim strategic authorship.

Likewise, his declared intent to re-engage the Israeli-Palestinian conflict through the Abraham Accords signals a shift from military confrontation to narrative resolution — from managing war to mastering peace.

The two gestures — Xi’s at Guangzhou, Trump’s in Washington — converge across the symbolic bridge between, in one part, Beijing 2022 and Milan–Cortina 2026, and, in another, Paris 2024 and Los Angeles 2028.

Sport is a game changer.

It restores the measure of civilization, reminding us that force no longer destroys — it safeguards peace, and restores meaning.

>This is what I have said, from now on:
Every single person, through his own voice, chooses the reality they wish to bring into being.
Thus, monsters disappear.

#XiJinping #15thNationalGames #Trump #Olympics #SoftPower #Paris2024 #MilanCortina2026  #LosAngeles2028 #CredimusInOptimumHumanis

🕯️Comment Huntington a filmé sur fond vert le XXIᵉ siècle avant qu’il ne commence (V)

L’idée d’un “choc des civilisations”, formulée par Samuel P. Huntington au tournant des années 1990-2000, n’a pas seulement proposé une lecture : elle a dressé le décor mental d’un monde en guerre cognitive. Au moment où la laïcité semblait pouvoir servir de fil d’Ariane pour les démocraties occidentales, Huntington a tracé une architecture cognitive selon laquelle l’identitaire, le religieux et le culturel remplaceraient l’idéologique et l’économique comme moteurs des conflits.
Même s’il se défendait d’incarner ou de promouvoir ce “clash”, il a offert, à partir de 1993, aux adversaires de l’ordre mondial – qu’ils soient idéologues, terroristes ou stratèges – le fond vert idéal pour insérer leurs agissements dans un décor idéal pour eux.
Ce chapitre s’ouvre donc sur un constat simple : nous avons tourné un quart de notre siècle sur ce drap vert idéologique, et désormais la scène s’éclaire — mais faut-il encore savoir ce que nous voyons. Et reprendre la copie.

Prologue – Le flash du siècle

Le 11 septembre 2001 fut plus qu’un attentat : ce fut un flash planétaire, un instant d’illumination violente où la prophétie de Huntington se projeta, d’un seul coup, dans toutes les consciences.
En quelques minutes, l’image de deux avions frappant les tours jumelles grava dans la rétine collective le scénario du “choc des civilisations”.

L’événement pulvérisa les distances : il abolit la médiation, fit exploser la temporalité politique et transforma la peur en expérience simultanée de l’humanité tout entière.
Ce jour-là, la planète découvrit qu’elle pouvait être unie… dans la sidération. La mondialisation de la confiance, avec ses organes de régulation basés sur le droit, cédait à la mondialisation de la peur.

Le “fond vert” imaginé par Huntington devint l’écran mental sur lequel chacun — gouvernant, idéologue, croyant ou simple spectateur — projetait son récit du monde.
La prophétie trouva son projecteur : la télévision.
Et son amplificateur : Internet.

En une journée, le langage de la fracture remplaça celui du dialogue.
Les nuances se dissocièrent, les appartenances se raidissent, les croyances se politisèrent.
Ce flash inouï fertilisa un terreau propice à la violence verbale, à l’anathème, à la radicalisation et au terrorisme.
Il inocula dans les sociétés modernes une peur transmissible : celle de l’autre.

Depuis ce jour, chaque crise majeure — terroriste, migratoire, identitaire — réactive, sous d’autres formes, ce choc initial.
Le XXIᵉ siècle tout entier se déroule dans la lumière brûlée du 11 septembre,
comme si le monde n’avait jamais quitté ce plan unique de feu et de poussière.

Where fear votes, the ideologue writes, and terrorism strikes.

I. Le fond vert du monde

Il est des idées qui ne décrivent pas le monde : elles le fabriquent. En 1996, Samuel Huntington, professeur à Harvard, spécialiste des relations internationales et du développement politique, publie The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order.
Ce texte, souvent cité mais rarement relu, est devenu l’un des plus puissants générateurs de mythes politiques du monde contemporain.

Car, même s’il s’est toujours défendu d’être le prophète d’un affrontement global, il en a dressé le décor — comme un réalisateur tendant un drap vert derrière des acteurs encore hésitants, sur lequel viendraient s’incruster, plus tard, les images de toutes les haines du XXIᵉ siècle.

Sur ce fond abstrait, chacun projeta son propre film :

  • Alexander Dugin, théoricien d’un eurasianisme mystique, y inscrivit la guerre sacrée contre l’Occident matérialiste.
  • Oussama Ben Laden y lut la validation d’un combat eschatologique entre islam pur et monde corrompu.
  • Et l’Occident lui-même, croyant répondre à la menace, y trouva la justification d’une militarisation de la pensée et d’une économie de la peur.

Huntington, en voulant prévenir le choc, a fourni la matrice cognitive où il allait se produire.
Il a offert au monde post-soviétique un langage totalisant — celui de la fracture civilisatrice — et donné à la guerre sans nom des années 2000 un cadre conceptuel où s’enraciner.

Ce n’était pas un manifeste : c’était un fond vert.
Et sur ce fond, les puissances du ressentiment ont tourné leur film.

Puis, le 11 septembre 2001, le scénario prit vie.
Alors que la fumée montait de Manhattan, un acteur monta sur scène : Benjamin Netanyahou, déclarant :

“Now we know what is attacking us. You understand us now. We can bring you our experience and expertise.”

En une phrase, il fit ce que Huntington n’avait pas osé faire : désigner l’ennemi et assigner un camp.
L’Occident sidéré s’aligna sur la grille du choc ; le paradigme civilisationnel devenait opératoire.
Dès lors, chaque attentat, chaque crise, chaque guerre ne ferait que rejouer la même scène, sur le même décor.
La guerre hybride, avec sa perverse composante que représente, la guerre cognitive, pouvait, dès lors, commencer. A ce jeu, certains se sont révélés plus habile à maîtriser les dimensions tactiques et stratégiques de ce haut et insidieux de gré de conflictualisation.

II. Le piège de la prophétie : penser le monde avec les catégories de ses ennemis

Une prophétie ne devient dangereuse que lorsqu’elle s’accomplit dans l’esprit de ceux qui la redoutaient.
Le Choc des civilisations fut de cette nature : une métaphore devenue carte du monde.

L’Occident, en cherchant à nommer ce qui le menaçait, a fini par penser avec les catégories de la menace.
Il s’est enfermé dans la logique du “eux” et du “nous”, du “monde libre” contre “l’axe du mal”, du “raisonnable” contre le “fanatique”.
Ces mots, jadis outils d’analyse, sont devenus frontières mentales.

Le piège se referma comme une cage logique : le réel ne pouvait plus être vu que dans le langage du choc.
Et, à mesure que les bombes tombaient et que la peur se banalisait, la pensée occidentale s’est appauvrie, totalitarisée par son propre lexique.

Ainsi, ceux qui prétendaient combattre le fanatisme lui ont emprunté sa structure :
ils ont transformé le monde en un théâtre binaire,
où la nuance équivalait à la trahison et la complexité à la faiblesse.

Le 11 septembre ne fut pas seulement un attentat : ce fut la consécration d’une prophétie auto-réalisatrice.
En cherchant à conjurer la guerre des civilisations, l’Occident l’a pensée, dite, puis mise en scène.
Et tandis qu’il se croyait lucide, il devint figurant de sa propre tragédie et, saturé de foulards islamiques, d’Allah Akbar, de têtes de cochons devant les mosquées, de tags antisémites, de croix gammées sur les synagogues, d’église qui brûlent, et de profanations en série, de sa propre perte de souveraineté dans l’écriture de son propre récit, dans la maîtrise de l’essence qui fait son être.

III. La mondialisation du choc : comment l’Apocalypse est devenue un marché

Le Choc des civilisations a cessé d’être une théorie pour devenir un produit dérivé.
Une marque mondiale.
Une trame narrative universelle sur laquelle les pouvoirs, les médias et les entreprises ont appris à capitaliser.

La guerre du sens, d’abord idéologique, s’est industrialisée.
Elle alimente aujourd’hui un écosystème où la peur est cotée, la colère monétisée, et l’indignation convertie en parts d’audience.
Chaque crise, chaque attentat, chaque polémique devient matière première pour l’économie de l’attention.

L’Apocalypse est devenue un format.
Et plus l’humanité se fracture, plus le système prospère.
La haine, la désinformation, la suspicion ne sont plus des pathologies : elles sont des valeurs d’échange.

Là où l’on croyait voir le conflit des civilisations, on découvre désormais le commerce des narrations.
Le monde ne se divise plus entre Est et Ouest, ni entre foi et raison, mais entre ceux qui manipulent les récits et ceux qui les subissent.

IV. Le retour du sens : restaurer la souveraineté cognitive de l’Europe

Nous vivons aujourd’hui la phase terminale d’une métastase mentale.
Ses symptômes ne sont plus invisibles : ils se manifestent chaque jour dans la difficulté, même pour ceux dont c’est le rôle — journalistes, diplomates, chercheurs, gouvernants —, de penser le mal qui submerge tout sans se laisser happer par la logique qu’il impose.
Car le mal, désormais, ne se contente plus d’agir : il prescrit sa propre grille d’analyse,
et rares sont ceux qui échappent à son magnétisme tant il invite tous les protagonistes à le rejoindre, à l’alimenter, à un titre ou à un autre.

Du Soudan aux attentats sur le sol européen, du Crocus City Hall à Moscou à la crise migratoire que nul État ne parvient à maîtriser, le gagnant politique est presque toujours celui qui exploite le mieux la dialectique du choc : celui qui sait transformer la peur en légitimité, la souffrance en récit, et le chaos en outil de pouvoir.

Ce monde est devenu un livre qui s’écrit tout seul.  Ses nouvelles pages s’ouvrent les unes après les autres sitôt qu’un sujet est consommé dans les précédentes.
Dans ce flot, les dissonances sont rares : la plupart des voix, qu’elles croient s’opposer ou s’affronter, finissent par se répondre à l’intérieur du même système narratif, celui du choc et de la peur, ce qui produit une auto-combustion inextinguible.

Ce sont précisément ces dissonances, ces éclats de pensée non synchronisés, qu’il faut désormais rechercher car elles permettent de tisser le réseau matriciel et ce sont elles, les dissonances, qui trahissent la nature des opérations qui téléguident la pensée publique dans ce corridor de la mort.

Sortir du piège, ce n’est donc pas nier le conflit, mais restaurer la hiérarchie du sens.
L’Europe, héritière des Lumières, ne vaincra pas par la force, mais par la lucidité.
Elle doit cesser d’être la caisse de résonance du chaos pour redevenir l’atelier du discernement.

Il faut apprendre à voir le fond vert, à reconnaître le décor truqué, à réapprendre la mise au point.
Car la liberté ne se mesure plus à la taille du territoire, mais à la clarté de l’esprit collectif.

Restaurer la souveraineté cognitive, c’est rendre au réel sa profondeur,
et au peuple sa conscience.

La souveraineté du XXIᵉ siècle ne se fera pas à partir des puissances exclusivement militaire ni monétaire : elle est et sera cognitive. Elle dépendra de la capacité des peuples à discerner ce qu’ils pensent de ce qu’on leur fait penser, ce qui constitue une hygiène élémentaire pour ne pas être que le punching-ball de poings tapant sur la matière grise.
Le champ de bataille est là. La dimension autoritaire de la Chine se développe, pour grande partie, dans ce contrôle plus légitime que jamais.

Les démocraties ont à établir le leur pour manifester que leur sort n’est pas scellé et encore moins désespéré. Qu’elles savent avancer dans le brouillard cognitif qui leur est imposé de l’extérieur pour n’illuminer que la voie ouverte à l’extrême-droite qui veut démanteler la puissance collective européenne, et enrayer sa dynamique.

Le moment que cela forme dans l’histoire rejoint ce qu’avait tenté de formuler André Malraux – propos apocryphe cependant conforme à toute sa pensée et à toute son œuvre – selon lequel « Le XXIe siècle serait spirituel ou ne serait pas ».
C’était une manière de dire que ce siècle, aux potentiels si contradictoires, sortirait vainqueur par la puissance et l’acuité de l’Esprit.
C’est le combat de ce siècle. Le combat de ce siècle ce n’est pas la liberté d’expression.
Le libre-arbitre en est la clé.
Ce combat décisif qui déterminera – pour longtemps – le monde dans lequel grandira notre postérité, se mène et, surtout, se gagne – ou se perd – aujourd’hui ou dans les semaines qui viennent.

Je suis obligé de rendre hommage à André Malraux. Il fait partie des gens à avoir décelé – dans l’air du temps et ce qu’il recèle de mutations invisibles aux intelligences sensibles – ce qui nous est arrivé avant que le nuage sur forme et se transforme en ouragan dévastateur dans la psyché humaine. Il ne lui a suffit peut-être que la sensation de quelques ailes de papillons invisibles, un demi-siècle avant sa survenue – pour comprendre ce changement de climat et comment, dans un formule extraordinairement pénétrante et péremptoire, en conjurer les effets.

Je ne peux pas conclure ce chapitre V sans citer, aussi, Paul Valery. Il avait formé une partie du prologue à ma propre réflexion stratégique, que j’avais engagée en 2016 sous le titre « Vulnérabilité des Démocraties à l’âge de la Mondialisation ». Je l’avais rédigée, sans être allé au bout de la réflexion, qui est encore alimentée ici même, en réaction aux attentats du 13-Novembre-2015, dont nous allons bientôt commémorer les 10e anniversaire.

En 1936, quelques années avant le déclenchement de ce qui allait devenir la seconde guerre mondiale, dans son essai « Regards sur le monde actuel », le philosophe et poète sétois avait parfaitement situé le changement de matrice auquel il assistait.

« Mais sans doute des moyens un peu plus puissants, un peu plus subtils, permettront quelque jour d’agir à distance non plus seulement sur les sens des vivants, mais encore sur les éléments plus cachés de la personne psychique. Un inconnu, un opérateur éloigné, excitant les sources mêmes et les systèmes de vie mentale et affective, imposera aux esprits des illusions, des impulsions, des désirs, des égarements artificiels. »

Paul Valéry

Ces mots, écrits il y a près d’un siècle, sonnent aujourd’hui comme une prophétie accomplie.
L’homme moderne, connecté, surexposé, démultiplié, est devenu le médium de sa propre manipulation.
Les “égarements artificiels” dont parlait Valéry ne sont plus des fictions : ils sont devenus notre écosystème mental.

V. La bombe humaine : la guerre invisible de Vladimir Poutine

Vladimir Poutine exhibe son arsenal comme un prestidigitateur montre ses illusions : torpilles à tsunamis radioactifs levant des vagues de deux cents mètres, missiles à propulsion nucléaire capables de sillonner le ciel sur vingt mille kilomètres avant d’atteindre leur cible, promesses de supériorité hypersonique.
Il en est là : dans l’ostentation du spectaculaire.
Mais derrière ce théâtre de métal et de feu, il dissimule la véritable panoplie d’armes de destruction massive : les armes cognitives.

Ces armes ne détruisent pas les infrastructures ; elles fissurent les consciences.
Elles ne visent pas les villes ; elles infectent les représentations.
Elles ne pulvérisent pas la matière ; elles dévissent le réel.

Chacun, dans ce champ de bataille global, devient une grenade à fragmentation mentale, projetant autour de lui des éclats d’opinion, de peur, de certitude ou de haine.
Les frontières n’y existent plus : ni géographiques, ni politiques, ni morales.
La guerre n’est plus ce qui se livre “là-bas” ; elle s’invite dans la langue, dans les images, dans la mémoire, dans le rêve.

Pour en dire l’intuition poétique la plus juste, il faut revenir à Téléphone — ce groupe qui, au début des années 1980, pressentit la mutation à venir.
Dans La bombe humaine, Jean-Louis Aubert chantait :

Je veux vous parler de l’arme de demain,
Enfantée du monde, elle en sera la fin.
Je veux vous parler de moi, de vous.
Je vois à l’intérieur des images, des couleurs,
Qui ne sont pas à moi, qui parfois me font peur,
Sensations qui peuvent me rendre fou.
Nos sens sont nos fils, nous pauvres marionnettes,
Nos sens sont le chemin qui mène droit à nos têtes.

Ce texte, quarante ans avant l’avènement de l’intelligence artificielle et des réseaux sociaux, annonçait la bombe H de l’esprit — non pas “hydrogène”, mais humaine.
Une arme dont l’effet ne se mesure pas en mégatonnes, mais en degrés d’aliénation.

Pour la première fois dans l’histoire, l’homme a conçu des armes dont la cible principale n’est pas la matière vivante, mais la conscience vivante ;
des armes dont la puissance se constate non dans les ruines, mais dans le consentement de ceux qui croient encore penser librement.

Et, comme la bombe H, les armes cognitives ont cette particularité terrible qu’elles laissent debout les infrastructures, intactes les villes, apparemment paisibles les sociétés —
mais elles annihilent ce qui fait d’elles des civilisations.

VI. Le dernier refuge de l’esprit : comment résister sans devenir ce que l’on combat

Les civilisations ne meurent pas toutes de la même manière.
Certaines s’effondrent sous le poids des invasions ou des famines.
La nôtre, si elle devait s’éteindre, le ferait dans la lumière aveuglante de sa propre information.

Les armes cognitives ne détruisent pas les corps, elles dissolvent le sens.
Elles ne font pas couler le sang, mais le discernement.
Elles ne s’attaquent pas à la raison pour la nier, mais pour la saturer.
Le génie du chaos contemporain est d’avoir compris que la destruction n’a plus besoin de violence physique —
il suffit de remplir l’esprit jusqu’à ce qu’il se taise.

L’homme du XXIᵉ siècle ne craint plus la censure : il craint le vide laissé par l’abondance.
Il ne se révolte plus contre le mensonge : il s’y réfugie, pour ne plus penser seul.
Il ne combat plus l’ennemi : il cherche dans son propre camp un miroir rassurant de sa peur.
Ainsi se forment les masses liquides du monde postmoderne : mobiles, nerveuses, sans mémoire, prêtes à s’enflammer au contact du moindre signal.

Résister à cela ne consiste plus à dénoncer — le bruit du monde s’en charge déjà.
Résister, désormais, c’est rétablir la ligne claire :
celle qui distingue la pensée du réflexe, la foi du fanatisme, l’attention de la pulsion.
C’est redonner à la parole sa lenteur, à la raison sa gravité, à la vérité son coût.

Le dernier refuge de l’esprit, c’est la conscience.
Pas celle qui juge, mais celle qui veille.
Elle seule peut se soustraire à l’hypnose collective, refuser la contagion,
et faire de la lucidité une forme active de courage.

Les mots de Malraux résonnent alors comme un viatique pour ce siècle :

« Le XXIᵉ siècle sera spirituel ou ne sera pas. »
Il ne parlait pas de religion, mais de la reconquête de l’humain sur la technique, de la réappropriation du sens dans un monde saturé de signes.

C’est à cela que nous sommes rendus.
À l’heure où les bombes humaines se multiplient, où les intelligences artificielles prédisent nos désirs avant que nous les éprouvions, où la parole publique devient un champ de mines émotionnelles, il faut retrouver ce point fixe que ni la peur ni la propagande ne peuvent atteindre :
la présence lucide à soi-même.

Le dernier front de la guerre cognitive n’est pas militaire.
Il est intérieur.
Et c’est là que se jouera, silencieusement, le destin du monde.

L’Algérie comme ennemi choisi, la Russie comme ennemi occulté

La résolution historique adoptée ce 29 octobre 2025 par le Rassemblement National et l’Assemblée nationale, visant à dénoncer l’Accord franco‑algérien de 1968, constitue un moment charnière — et lourd de conséquences — pour la relation entre la France et l’Algérie.

Cet accord, signé six ans après la fin de la guerre d’Algérie, fixait un régime préférentiel concernant les droits de séjour et de circulation des ressortissants algériens en France.

Cette séquence politique témoigne, devant l’histoire plus que ce qu’en retient l’actualité, d’un glissement plus profond : la construction d’un ennemi existentiel.

En essentialisant l’Algérie comme menace permanente, le discours porté par le RN et la droite et tous les députés qui s’y sont laissés entraîner, transforme un différend bilatéral en fracture identitaire. Cette mécanique produit un effet de diversion : elle déplace la focale stratégique vers un affrontement symbolique, laissant en arrière-plan la menace concrète de la Russie.

L’obsession du conflit civilisationnel, performée dans l’espace public, affaiblit les leviers réels de la diplomatie française : elle dégrade la relation avec un acteur méditerranéen central, brouille la coopération énergétique et sécuritaire, et fragilise la stabilité régionale. Dans le même temps, elle sert objectivement les intérêts russes, en fracturant la cohésion européenne et en détournant l’attention des mécanismes d’ingérence et d’influence qui minent déjà l’espace informationnel français.

En somme, plus le clivage franco-algérien est dramatisé, plus la menace russe se banalise. Ce déséquilibre de perception constitue une erreur de hiérarchisation stratégique : l’Algérie n’est pas l’ennemi existentiel de la France ; c’est la Russie, par son action systémique et hybride, qui œuvre à la déstabilisation de notre environnement politique et de notre sécurité collective.

Ce moment présenté largement comme positivement historique méprise, au-delà des tensions conjoncturelles qu’il ne s’agit pas de nier ici, la raison d’Etat.

Or, à cet instant même où Giorgia Meloni tisse, il y a quelques semaines, avec Alger des liens diplomatiques et stratégiques renforcés — en particulier dans les domaines de l’énergie, de l’infrastructure et de la coopération méditerranéenne —  la France semble choisir une posture inverse.

En agissant ainsi, la majorité parlementaire française — et plus largement la droite qui s’agrège au RN — participe à la construction d’un « ennemi existentiel » : l’Algérie devient une cible symbolique, un point de crispation identitaire, plutôt qu’un partenaire stratégique dans un monde globalisé.

Ce glissement — volontariste ou inconscient — est problématique à plusieurs titres :

  • Il fragilise une relation franco-algérienne déjà marquée par des tensions (questions migratoires, mémoire, légitimité diplomatique) et pourrait accélérer un recul de l’influence française en Méditerranée.
  • Il favorise indirectement l’émergence d’alliances de substitution : l’Italie, par exemple, renforce sa position d’interface avec l’Algérie dans un « plan Mattei » méditerranéen qui pourrait laisser la France à l’écart.
  • Il fait courir le risque d’un alignement stratégique français hors du grand jeu géopolitique. Pendant que le front algérien s’agite, la véritable menace — celle d’un retour agressif de la Russie ou d’une redéfinition brutale des équilibres euro-méditerranéens — passe au second plan.

En conclusion : ce vote n’est pas seulement un geste symbolique interne à la politique migratoire ou identitaire. Il est un marqueur de la volonté d’orienter la diplomatie française, avec ses effets politiques visibles, mais aussi ses conséquences invisibles sur l’influence, la stabilité et la sécurité collective.

⚔️ Taking the War Out of the Cognitive Field

⚔️ Beyond Clausewitz: Rethinking Security in a Post-Conventional Era — the deeper challenge underlying tomorrow’s Peace Talks in Budapest.

If the war launched by Vladimir Putin’s Russia against Ukraine were purely territorial, it could be settled through conventional means — an exchange of land, a ceasefire, or a neutral status guaranteed by treaties.

But this conflict has carried us a thousand light-years away from Clausewitz.
The Prussian strategist described war as “the continuation of politics by other means.”
Yet Russia has transformed it into something else entirely: the continuation of politics through the confusion of means.

The battlefield is no longer the Donbas — it is the human mind itself.
This war has migrated into the cognitive field: into narratives, perceptions, emotional manipulation, and the corrosion of collective discernment.

It now unfolds across the entire planet — through social networks, media ecosystems, political discourse, economic leverage, and even cultural production.
It seeks not conquest, but disorientation; not victory, but the erosion of trust and coherence within democracies.

Hence, traditional security guarantees are no longer sufficient.
They must evolve beyond the military domain to encompass:

  • Cognitive protection of societies;
  • Information-space integrity, against manipulative and hybrid operations;
  • Psychological resilience within democracies;
  • Institutional trust as a strategic asset.

Conventional war destroys bridges.
Cognitive war destroys the bridges between minds.

Taking the war out of the cognitive field means restoring the primacy of truth, reason, and politics over narrative manipulation.
It also means redefining security itself as a global public good
for peace today is no longer merely the absence of war,
but the restoration of confidence in reality.

If the Budapest summit simply negotiates a territorial truce or freezes lines, we risk returning to a pre-Clausewitzian mindset. But if it boldly embraces this post-conventional dimension—saying: “We will rebuild the bridges between minds, not just the lines on maps”—it can mark a turning point in how the free world conceptualises war, peace and security.

President Vladimir Putin has already made clear — publicly and repeatedly — that Russia regards information operations as a legitimate and enduring instrument of statecraft. He used his address at the RT 20th-anniversary gala at the Bolshoi Theatre to praise RT’s role in challenging “monopolies” of narrative and to defend the idea of a louder Russian voice in the information space. Special Kremlin
That posture was reinforced in his Valdai Forum remarks, where he framed Western media and political moves as part of a wider confrontation and signalled Moscow’s intent to respond forcefully across political and informational domains. The Guardian

This is not a tactical quibble: it is existential. If the Budapest talks do not treat information warfare as a primary security dimension — and if they fail to secure concrete guarantees that the information domain will be demilitarised and neutralised — the conference will at best freeze a map and at worst leave the most dangerous front unconstrained. Therefore, it is vital, in terms of collective and even universal security, to crush this dimension in the egg: to make any peace settlement contingent on verifiable, enforceable mechanisms that eliminate state-led informational aggression and restore shared factual ground as the precondition for lasting peace.

The Low-Noise Strategic Signal: China, Russia, and the Mechanics of Doubt

At first glance, it seemed like an ordinary coincidence — Russian strikes occurring as several Chinese satellites crossed the Ukrainian sky.
But beneath the surface, the episode reveals a deeper play: a low-frequency signal in the cognitive spectrum, capable of undermining China’s credibility, fraying the Global Governance Initiative, and closing Europe’s Silk Road curtain — all without a single shot fired.

1. Genesis of the Signal

On October 5, 2025, Ukrainian intelligence sources reported that Russian missile strikes coincided with the passage of Chinese reconnaissance satellites (Yaogan series) over western Ukraine.
Moscow denies any coordination; Beijing denies any involvement.
Yet the simultaneity of those denials — one negative (“we need no help”), the other polite (“we are not involved”) — creates a vacuum where suspicion breathes.
What may be orbital coincidence is read as deliberate synchrony.

2. The Strategy of the Whisper

This operation’s power lies not in public virality but in targeted diffusion — across intelligence briefs, strategic think tanks, and defense analysis circles.
It spreads quietly, yet precisely, like a fine mist of plausibility.

It doesn’t need to convince the masses; it only needs to introduce uncertainty among decision-makers.
The moment the question — “What if China is not as neutral as it claims?” — enters the analytical calculus, the signal has succeeded.
Doubt becomes doctrine.

3. China’s Posture: Letting the Weaver Weave

China does not allow the possibility of collusion; it explicitly denies it.
Yet it lets the weaver weave — refusing to contest the narrative that others are spinning.
This abstention is a form of mastery: letting the rumor exhaust itself, allowing the dust to settle on others’ clothes.

Where the Kremlin’s verbosity amplifies the noise, Beijing’s silence projects composure.
One blurs; the other absorbs. Together, they sustain an ambiguous duality that keeps everyone guessing.

4. Europe’s Curtain: The Silk Road in the Shadows

While this cognitive theater unfolds, another curtain descends: the European protectionist reaction to the flood of Chinese goods — Temu, Shein, and other ultra-competitive platforms.
Under the banner of “economic sovereignty,” European policymakers are raising barriers, effectively dimming the lights on the Silk Road’s Western stage.

By letting suspicion grow, Moscow cuts China’s trade routes not through sanctions but through European mistrust.
In a paradoxical twist, Russia’s manipulation of ambiguity hurts Beijing’s long-term leverage — turning its partner into collateral damage in the information war.

5. The Blow to the GGI

The Global Governance Initiative (GGI), Beijing’s vision of a balanced multipolar order, stands weakened.
Its moral architecture — founded on predictability, neutrality, and trust — erodes under the perception of duplicity.
China’s “positive denial” and Russia’s narrative opportunism dissolve the distinction between prudence and complicity.
The GGI, once a promise, now mirrors the instability it sought to transcend.

6. Conclusion

•A spatial coincidence.
•A strategic whisper.
•An economic curtain.

Three threads — enough to weave a web of doubt.
In today’s cognitive warfare, truth is not denied; it is diluted.
And China, whether willing or not, now stands behind the curtain others have drawn across its Silk Road.

Tchernobyl (1986) – Zaporijjia (2025) : deux révélateurs systémiques

Deux contextes différents, mais une même faillite. L’une a menée l’URSS à sa perte. L’autre pourrait entraîner la chute définitivevdu régime de Poutine.

Le 26 avril 1986, l’explosion du réacteur de Tchernobyl a révélé au monde l’ampleur du déni soviétique : les autorités ont d’abord tenté de cacher l’accident, avant que la détection des radiations en Scandinavie ne force la vérité. Ce moment a marqué la faillite d’un système reposant sur le secret.

En 2025, la centrale nucléaire de Zaporijjia est confrontée à un risque inédit : coupée du réseau depuis plusieurs jours, alimentée seulement par des générateurs fragiles, dont l’un est déjà tombé en panne. Zelensky insiste sur le caractère « extraordinaire » de cette situation. La Russie apparaît comme une puissance qui instrumentalise le nucléaire civil à des fins militaires, franchissant une ligne rouge implicite.

1. Le révélateur politique

Tchernobyl a été l’un des déclencheurs de la glasnost. Gorbatchev lui-même admettra plus tard que l’accident a forcé le régime à une certaine transparence, ouvrant une brèche irréversible dans l’édifice soviétique.

Aujourd’hui, Zaporijjia joue un rôle analogue mais inversé : loin d’inciter Moscou à la transparence, la crise met à nu sa stratégie de dissimulation et de terreur. En revanche, elle pousse Kiev à dramatiser le récit afin de mobiliser ses alliés et placer la communauté internationale devant ses responsabilités.

2. Le coût économique et stratégique

La catastrophe de Tchernobyl a englouti des milliards de roubles dans la décontamination, les soins et la construction du sarcophage. Cet effort s’est ajouté à l’effondrement des prix du pétrole et à la course aux armements, aggravant la crise économique soviétique.

À Zaporijjia, l’arrêt prolongé, les réparations impossibles et la dépendance aux générateurs fragilisent l’Ukraine, mais aussi la Russie : un accident nucléaire majeur frapperait indistinctement les populations d’Europe, y compris russes, et aurait des conséquences économiques mondiales. C’est une arme qui se retourne potentiellement contre celui qui croit la manier.

3. Le discrédit international

Tchernobyl a entamé le prestige scientifique et technologique de l’URSS, alimentant l’image d’un empire déclinant. Aux yeux de l’opinion mondiale, l’Union soviétique n’était plus invulnérable, mais vulnérable et irresponsable.

Avec Zaporijjia, la Russie s’expose au même discrédit, mais dans un contexte plus dangereux encore : elle ne subit pas un accident, elle joue avec le risque. Cela l’assimile à un État terroriste prêt à provoquer une catastrophe planétaire. Même ses partenaires prudents, comme la Chine ou l’Inde, ne peuvent ignorer cette dérive.

⚖️ Conclusion

Tchernobyl a contribué à précipiter la chute de l’URSS en révélant sa fragilité systémique.
Zaporijjia, en 2025, pourrait jouer un rôle comparable : celui d’un révélateur, qui met au jour non seulement la vulnérabilité de l’Ukraine, mais aussi la dérive stratégique de la Russie et son isolement croissant.

L’histoire pourrait retenir que, de Tchernobyl à Zaporijjia, la menace nucléaire civile a été l’un des miroirs les plus impitoyables de la fragilité des empires.

Suicides assistés: la méthode du Deep State russe

Le Deep State russe n’est plus une hypothèse car il se protège lui-même, neutralise ce qui pourrait ressurgir de l’État légitime et maquille ses éliminations en “suicides”. En parler comme d’une simple “mainmise oligarchique” est pervers: cela occulte le phénomène réel, un appareil politico-sécuritaire qui consomme peu à peu la substance du pouvoir légal.

Au cours des dernières années, les observateurs ont relevé plusieurs dizaines de décès ‘suspects’ affectant des responsables politiques, des cadres publics, des entrepreneurs et des officiers liés aux rouages du pouvoir. Ces décès sont souvent rapidement classés comme ‘suicides’ ou morts subites, sans enquête publique transparente. Parmi eux figurent des élus locaux et régionaux, ce qui montre que la vitrine parlementaire n’est pas préservée.

1. Le rôle opérationnel du Совет безопасности (Совбез)

La mise en scène répétée du Совбез — son iconographie, son rôle central dans les décisions stratégiques, et la proximité visible entre ses cadres et les structures militaires — suggère que cet organe exerce, au-delà de sa définition constitutionnelle consultative, une prérogative de police politique.
Dans ce cadre, un service de ‘nettoyeurs’ apparaît comme un instrument pratique: il élimine physiquement ou neutralise ceux qui dévient de la ligne ou deviennent gênants pour la reproduction du pouvoir réel, tout en produisant un effet dissuasif sur l’ensemble des élites.

2. Effets politiques et institutionnels

Suspension de la représentation: la peur et la logique de chape de plomb empêchent l’expression autonome des élus et des élites quelles qu’elles soient.

Affaiblissement du contrat fédéral: les sujets fédérés voient leur loyauté captée par une instance extra-constitutionnelle, ce qui vide de sens l’adhésion au texte constitutionnel.

Dévitalisation de l’État légitime: l’action des ‘nettoyeurs’ et la centralisation occultent les mécanismes démocratiques et juridiques, transformant l’État en une façade juridique vidée de sa substance.

Anesthésie sociale: la répétition de ces épisodes produit un effet narcotique — la société et les institutions normales se replient, réduisant la capacité de réaction citoyenne et institutionnelle.

3. Conséquences symboliques et pratiques

La souveraineté populaire est réduite à une fiction procédurale; la légitimité réelle émane désormais d’une combinaison de coercition et de gestion discrète des élites.

Toute contestation raisonnable court le risque d’être neutralisée non par le débat public, mais par l’élimination physique ou la mise au ban institutionnelle.

Le mécanisme est doublement efficace: il supprime les voix discordantes et il sert d’avertissement à ceux qui pourraient douter.

4. Conclusion — mise en évidence

Ce qu’il faut mettre en évidence, sans ambiguïté, c’est le lien de causalité entre:

1. la centralité croissante du Sozbez (Совбез) dans l’exercice effectif du pouvoir;

2. l’apparition d’un mécanisme de neutralisation clandestine (‘nettoyeurs’);

3. la dégradation de l’État légitime et de la souveraineté populaire.

Autrement dit: le ‘Deep State’ n’est plus une hypothèse — il a une matérialité opérationnelle qui se traduit par la destruction progressive des tissus institutionnels. Ce constat n’est pas une provocation gratuite: c’est une lecture des faits telle qu’ils se présentent et telle qu’ils pèsent sur le destin collectif de la nation.

Le corps qui siège à l’ONU est un alien parmi les nations.

Poutine à Sarkozy:  »Je ferai de toi un roi »

Au moment où l’ancien chef de l’Etat se voit condamné à cinq ans de prison ferme pour « Association de malfaiteur », il est des phrases, même supposées, qui condensent une vérité. En juin 2007, au sommet du G8 de Heiligendamm, Nicolas Sarkozy, fraîchement élu, ressort essoufflé et hagard d’un tête-à-tête avec Vladimir Poutine. La rumeur a retenu ces mots attribués au maître du Kremlin:
 »Je peux faire de toi le roi d’Europe… ou je t’écrase. »
Anecdote invérifiable? Peut-être. Mais les faits qui suivront accréditent l’esprit de cette promesse paradoxale : flatter l’ambition, pousser à agir, laisser s’embourber.


Le prestige ambigu de la Géorgie

Entre ces deux séquences, il y a l’été 2008. La Russie de Poutine lance sa guerre éclair contre la Géorgie pour reprendre l’ascendant sur l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie. Sarkozy, alors président en exercice de l’Union européenne, se précipite à Moscou et à Tbilissi. Il arrache un cessez-le-feu qui lui vaut un prestige international immédiat: celui de l’homme qui a « arrêté la guerre ».
Mais ce prestige est sujet à cautions:

  • l’accord entérine, de facto, les gains russes,
  • la médiation est perçue comme une temporisation plutôt qu’un règlement,
  • et elle illustre le déséquilibre d’un président français obligé de composer avec un rapport de forces qui le dépasse.

Depuis 2014, il est notable que Nicolas Sarkozy a adopté une ligne constante vis-à-vis de la Russie : tout en condamnant formellement l’annexion de la Crimée puis l’invasion de l’Ukraine, il a appelé à  »comprendre » Moscou, arguant du lien historique de la Crimée avec la Russie et plaidant pour  »ne pas humilier » le Kremlin. Sa médiation en Géorgie en 2008, qui avait déjà entériné de facto les gains russes, trouve ainsi un prolongement : en 2014, il déclare que  »la Crimée a choisi la Russie » et, en 2023, propose des référendums internationaux dans les territoires contestés — une voie qui reviendrait à légitimer les faits accomplis par la force. Cette posture, se voulant réaliste et pacificatrice, a été perçue comme une indulgence, voire une caution, vis-à-vis de la stratégie expansionniste de Vladimir Poutine.

Le faux couronnement libyen

Il faut se rappeler aussi que Nicolas Sarkozy a d’abord déroulé le tapis rouge à Mouammar Kadhafi en décembre 2007, érigeant une tente bédouine dans les jardins de l’Élysée. Quatre ans plus tard, il se fait le champion de l’intervention militaire contre le Guide libyen. Ce qui devait être une démonstration de leadership européen s’achève en faillite géopolitique :

  • un État libyen pulvérisé, livré aux milices,
  • l’Europe exposée à une crise migratoire d’ampleur historique,
  • l’UE fracturée par ses désaccords internes,
  • et, en miroir, une Russie qui, s’étant abstenue au Conseil de sécurité, capitalise sur le chaos en se réinstallant en Méditerranée.

S’il a cru régner un instant, l’ancien chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy n’a fait qu’ouvrir une zone de désordre que Moscou exploite encore aujourd’hui.


Le boomerang judiciaire et moral

Comme dans les tragédies antiques, l’homme a-t-il été puni  »par là où il a péché »? Les soupçons de financement occulte de sa campagne de 2007 par le régime de Kadhafi — accusations relayées par l’intermédiaire Ziad Takieddine — ont poursuivi Sarkozy plus longtemps que son quinquennat. À l’ombre de la chute du dictateur libyen, l’ex-président français a connu sa propre érosion: mises en examen, procès, condamnations. Et, ultime ironie, la mort récente de Takieddine au Liban survient deux jours avant un verdict central, comme pour sceller cette boucle tragique.


Le quantum européen

Ce n’est pas seulement une affaire d’homme. La séquence libyenne a produit un quantum — un ensemble d’effets en cascade, profitable au renforcement du Kremlin:

  • afflux migratoires incontrôlés,
  • montée des populismes,
  • fissures au sein de l’Union européenne,
  • et une dépendance accrue aux récits russes dénonçant l’ingérence occidentale.

L’illusion d’un couronnement individuel a tourné à la dépossession collective: l’Europe a perdu de la cohérence, tandis que Moscou en a gagné.


L’analogie iranienne

Aujourd’hui, l’ombre du scénario libyen plane sur l’Iran.

  • Israël agit dans une urgence existentielle, frappant les réseaux iraniens en Syrie et dénonçant la menace nucléaire.
  • Moscou, pragmatique, observe : il peut laisser Tel-Aviv développer l’argutie juridique et opérationnelle, manœuvrer dans l’ombre et faire porter au couple Israël-USA le poids des coups, puis se présenter en arbitre incontournable.
  • Téhéran a aussi, pour sa part, capacité à lire la leçon libyenne sous ce projecteur.

L’axe Tel-Aviv → Moscou esquisse ainsi une convergence paradoxale: l’un agit par nécessité messianique, l’autre capitalise par patience impériale. À une échelle bien plus vaste que la Libye, c’est encore le même mécanisme: faire faire le « sale boulot » par autrui; créer un chaos; engranger ensuite le dividende stratégique.


En guise de conclusion

La phrase attribuée à Poutine n’était peut-être qu’un off. Mais elle décrit une mécanique constante: la promesse de royauté est toujours un piège. Sarkozy en a payé le prix personnel et politique ; l’Europe en porte encore les cicatrices. Et l’Iran, aujourd’hui, se trouve au cœur d’une dynamique similaire — où l’illusion d’un coup décisif pourrait, demain, produire un chaos aux conséquences incalculables dont le Kremlin récolterait, comme à son habitude, avec Netanyahou à qui sont promis le miel et les fruits, les puissants et probablement inattaquables bénéfices stratégiques.

Poutine n’est ni faiseur de roi ni faiseur de reine. En France, c’est le Peuple français qui, seul, souverain, possède cette prérogative. L’indépendance de la justice, administrée au nom du Peuple français, en assure la condition.