Ce n’est pas une guerre civile. C’est une mise à mort. Le Soudan, jadis pilier du continent africain, est aujourd’hui méthodiquement broyé — non pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il peut servir. Le 13 août 2025, le ministère soudanais des Affaires étrangères publie un communiqué d’une rare fermeté : « Le Soudan rejette catégoriquement les allégations selon lesquelles il aurait accepté d’accueillir des Palestiniens déplacés.«
Cette déclaration répond au plan formulé par Israël Katz, ministre israélien de la Défense, qui prévoit de “relocaliser” les Gazaouis dans des zones d’Afrique de l’Est, en particulier au Soudan et au Soudan du Sud. Derrière le vernis humanitaire, il s’agit d’un plan de déportation — un projet politique d’expulsion de masse. Khartoum, pourtant ravagé par la guerre, trouve encore la force de dire non : non à l’humiliation, non à l’instrumentalisation, non à la transformation de l’Afrique en exutoire du problème palestinien. Ce qui se passe aujourd’hui à El-Fasher, capitale d’un Etat souverain gangréné par des forces obscures, témoigne que l’Israël de Netanyahou ne souscrit au plan de Paix de Donald Trump qu’en façade, mais conspire toujours à créer les conditions favorables à la réalisation de son propre plan.
Deux mois plus tard, El Fasher tombe.
La ville s’effondre sous les obus et la poussière. Les hôpitaux brûlent, les civils fuient, le ciel s’emplit de drones. Le Rapid Support Forces — ces Janjawid recyclés — achève la conquête d’El Fasher avec l’aide logistique et technique du réseau Wagner, désormais rebaptisé Africa Corps, bras armé du Kremlin sur le continent. Leurs armes, leurs drones, leurs instructeurs viennent de la Russie, qui se repaît de la décomposition des États africains comme d’un levier de négociation global. Et qui paie ? L’or, toujours. L’or du Darfour, arraché des mines sous la garde de milices, exporté vers Dubaï, fondu dans les circuits de blanchiment du Golfe. Les Émirats arabes unis, par leur complaisance économique et leur silence politique, financent la dévastation qu’ils prétendent apaiser. Et, comble du cynisme, c’est ce même axe — Moscou, Abu Dhabi, Tel-Aviv — qui se tient derrière la façade de “stabilisation”.
Ce n’est plus une coïncidence : c’est une convergence monstrueuse. Une hybridation hideuse où chacun trouve son compte :
La Russie, qui étend ses tentacules sur l’Afrique en habillant son pillage de discours anti-occidental;
Les Émirats, qui transforment le chaos en flux financiers et s’alignent, sans le dire, sur la doxa de Netanyahou : rejeter le Palestinien, délégitimer sa cause, dissoudre sa souffrance dans la rhétorique sécuritaire;
Israël, enfin, qui poursuit par d’autres moyens le rêve morbide d’un Grand Israël débarrassé de Gaza, en cherchant dans les ruines du Soudan l’espace où déporter ceux qu’il ne veut plus voir.
Cette chaîne de réalité n’a rien de théorique : elle s’écrit sous nos yeux. Le 13 août 2025, un État souverain s’insurge contre l’idée d’accueillir des réfugiés que d’autres veulent expulser. Le 26 octobre 2025, ce même État voit sa dernière capitale provinciale tomber sous les balles et les drones d’une milice entretenue par les réseaux russes et financée par l’or transitant par le Golfe. Entre ces deux dates, le lien se ferme : la déportation de populations et la désintégration d’un État participent d’un même continuum de domination.
Le Soudan n’est plus seulement un champ de ruines : il devient le miroir de Gaza. Un miroir où se reflètent les méthodes d’un monde qui ne sait plus faire la paix qu’en détruisant la carte. Et il faut que cela cesse. Il faut que les responsables — Moscou, Abu Dhabi, Tel-Aviv — soient nommés, exposés, sanctionnés. Il faut rompre la chaîne, avant que d’autres États africains ne soient eux aussi transformés en dépotoirs stratégiques pour les ambitions dévoyées de puissances qui vivent du chaos qu’elles provoquent.
Le Soudan brûle, et avec lui brûle notre dernière illusion : celle que la désintégration est un accident. C’est un système. Et il est temps que ceux qui l’ont bâti paient.
Première matrice d’un désordre globalisé, le Soudan incarne un modèle stratégique où la dislocation des États devient une rente géopolitique. Mais cette terre, trop souvent reléguée hors du champ des regards, n’est pas moins sainte que d’autres : elle mérite d’être sauvée, nommée, relevée.
Je ne peux entamer cette réflexion sans faire référence à un souvenir très personnel, datant du début des années 90. Celui du retour d’un officier du 3e RPIMa, régiment basé à Carcassonne, dans l’Aude, de retour d’une mission au Soudan, voire au Darfour. Je ne me souviens pas de ses mots exacts, mais il était catastrophé par ce dont il avait été le témoin et, déjà, de l’indifférence que cela inspirait. Il ne parlait pas d’un combat. Il parlait d’un lieu d’effondrement, d’un territoire où les lois ne tenaient plus, d’un peuple broyé sans que personne n’intervienne vraiment. Il parlait déjà, sans le dire, mais à travers un pressentiment que les militaires entrevoient peut-être parfois mieux que quiconque, du Darfour comme laboratoire d’un nouveau type de conflit, sans drapeau, sans ligne rouge, sans fin.
C’est ce que confirme Anne Applebaum – Une guerre sans honneur, et sans réaction, dans l’article que publie The Atlantic, sous le titre The Most Nihilistic Conflict on Earth et qui m’a inspiré cette « suite » logique.
Elle y décrit :
Une guerre où les armées détruisent leurs propres villes,
Des milices (les RSF) issues du dispositif Janjawid, financées par l’or pillé, instrumentalisées par des puissances extérieures,
14 millions de déplacés,
Un pays qui sombre dans une logique d’anéantissement, et le monde qui regarde ailleurs.
Elle dépeint surtout le vide : le vide du droit, le vide des réactions, le vide des institutions internationales réduites à l’impuissance
Le Soudan, et en particulier le Darfour, constitue le ventre sourd à partir duquel a été secrètement filée la soie d’une immense toile d’araignée stratégique. Tissé lentement mais méthodiquement depuis les années 1990, ce réseau d’intérêts apparemment isolés a fini par capturer dans ses fils l’ensemble des protagonistes régionaux et internationaux.
La Russie, présente discrètement dès les années 1990, intensifie puis revendique à travers le groupe Wagner cette stratégie d’ensauvagement contrôlé, récupérant aujourd’hui cyniquement les mises d’un jeu qu’elle avait elle-même amorcé. Israël, longtemps spectateur silencieux et opportuniste, a oscillé entre indifférence et instrumentalisation de la crise, tandis que d’autres acteurs, tels que les Émirats arabes unis, ont transformé le chaos en marché lucratif. L’Europe et les États-Unis, paralysés ou distraits, subissent les conséquences d’une volonté noire incarnée notamment par la Russie et amplifiée par des acteurs idéologiques comme l’Iran.
La question est désormais de savoir si la communauté internationale trouvera la volonté et la lucidité nécessaires pour démanteler cette toile avant qu’elle ne devienne irrémédiable.
Le Soudan n’est pas un échec. C’est une démonstration. C’est le modèle du multiralisme tel qu’il veut se légitimer, à mille lieux du monde uni sous un même régime de droit que l’ONU devrait lever.
Sortir de la matrice idéologique Il est devenu impératif de sortir d’un schéma mental vicié, où l’antiaméricanisme pavlovien et l’atlantisme réflexe sont érigés en systèmes d’explication mutuellement exclusifs. Tous deux, devenus des grilles d’interprétation aussi faussées que stériles, empêchent de voir la réalité brute : une entreprise mondiale de déstabilisation est à l’œuvre, qui ne répond à aucun idéal, mais bien à une stratégie cynique de désagrégation de l’ordre international. Il faut réapprendre à nommer ce qui est, à juger un crime pour ce qu’il est, peu importe l’endroit où il est commis ou le drapeau qu’il sert. Il faut rétablir un critère de légitimité clair, car il n’y a pas d’égalité morale entre ceux qui défendent un ordre — fût-il perfectible — ouvert au dialogue et à la régulation, et ceux qui s’emploient à dissoudre les fondations mêmes de toute architecture collective.
C’est précisément ici qu’un rappel historique s’impose. L’OTAN fut fondée en 1949, dans un monde marqué par les cendres de la guerre et la peur du totalitarisme. Elle naît d’un besoin de protection, sur la base du libre consentement des États. Le Pacte de Varsovie, lui, ne viendra qu’en 1955, pour institutionnaliser l’emprise soviétique sur l’Europe de l’Est. Il est né en réaction, non pour garantir un équilibre, mais pour affermir une domination.
Confondre les deux logiques — défensive et oppressive — sous prétexte d’équivalence idéologique, c’est fausser la lecture du monde. Il est temps de sortir de cette équivalence trompeuse pour revenir à une lecture fondée sur les faits, la légitimité des intentions, et la responsabilité des actes. Ce critère d’appréciation est fondamental. Il ne doit pas être quitté des yeux, car c’est du point aveugle qu’il a ouvert que sont sortis les monstres logiques que nous devons aujourd’hui vaincre — et que le sort du Soudan, abandonné de tous, comme une terre “maudite” privée de l’aura médiatique qu’Israël projette sur la sienne, illustre à lui seul. Il faut désenchanter la grille idéologique pour faire apparaître l’exacte configuration du chaos : une stratégie fondée sur la confusion, la déresponsabilisation, et l’immunité morale de ceux qui orchestrent l’effondrement.
Israel Katz, architecte d’une géopolitique du déplacement
Dans cette dynamique, le rôle d’Israel Katz mérite une attention particulière. Tour à tour ministre des Affaires étrangères, puis ministre de la Défense, Katz a incarné la continuité idéologique et bureaucratique d’une politique visant à externaliser le “problème palestinien”. Déjà sous son mandat aux Affaires étrangères, il militait pour des solutions d’“émigration volontaire”, appelant les Gazaouis à quitter leur terre — parfois même en ciblant des destinations précises comme le Canada.
Le démenti du ministre des Affaires Etrangères à l’allégation d’Israël selon laquelle le Soudan pourrait accueillir des Gazaouïs dans son propre enfer.
À présent à la Défense, il supervise un projet de “ville humanitaire” à Rafah, conçu pour héberger entre 600 000 et plus d’un million de Gazaouis dans une zone de confinement sous contrôle militaire. Ce projet, en apparence humanitaire, fonctionne en réalité comme une zone tampon de déplacement forcé, administrée selon une logique de tri et de filtration. Le Conseil de sécurité israélien a d’ailleurs validé la création d’un service administratif spécial au sein du ministère de la Défense, piloté par Katz, chargé de faciliter les relocalisations.
Il s’agit moins d’une gestion humanitaire que d’une stratégie de transfert, dans laquelle le Soudan du Sud — instable, marginalisé, vulnérable — devient une destination acceptable pour déplacer un peuple encombrant. Ainsi, derrière la rhétorique sécuritaire et les discours de guerre, c’est bien une géopolitique du déplacement qui se déploie, orchestrée au cœur même des institutions israéliennes.
Signification stratégique par rapport à la désintégration du Soudan
Cette manœuvre symbolique ou idéologique — évoquée le 12 août comme acceptée par le Soudan et démentie formellement par le MAE soudanais ce 13 août — s’inscrit dans une tendance plus profonde : le Soudan est de plus en plus perçu comme une région instrumentalisable, prête à absorber les résidus des désordres régionaux. Une mondialisation du chaos qui repousse le problème hors des zones centrales de conflit. La pièce de l’évacuation de réfugiés gazaouis vers le Soudan du Sud approfondit cette strate symbolique : Israël légitime ainsi le déplacement des enjeux sur un terreau à sa mesure, contrôlable et moins exposé.
Le Soudan n’est pas un échec. C’est donc une démonstration. C’est le modèle du « multilatéralisme » tel qu’il veut se légitimer, à mille lieux d’un monde uni sous un même régime de droit, c’est-à-dire, si on dépasse la partition interprétative que l’antiaméricanisme primaire et l’atlantisme sont à même d’inspirer, où un crime porte le même nom quelque soit l’endroit où il est commis parce que c’est un crime.
Il faut travailler et combattre cette vision d’un multilatéralisme dont le Darfour, et le Soudan, écartelés vivants, nous montrent comment il déchiquète le corps international et impose sa vision d’un ordre mondial fondé sur les rapports de force, la puissance, et surtout, ouvert à la domination d’un acteur invisible capable d’orchestrer le chaos qui lui profite — convertissant, les plus à même d’y succomber, aux séductions que ce monde fait d’enfers plus ou moins proches ou lointains, acceptables à condition que…, semble offrir.
La Russie est maître d’œuvre du dérèglement. Elle agit sans masque, selon une stratégie désormais claire : délégitimer les États démocratiques, saper les institutions multilatérales, et installer des zones d’instabilité où elle devient incontournable. Une volonté noire est à l’œuvre. Elle paralyse la volonté internationale en tenant chacun devant son intérêt particulier ou devant la peur de voir les effets d’une déstabilisation plus grande le submerger.
C’est ainsi que la Russie procède : elle joue aux échecs sur le plan conceptuel — en anticipant les coups, en sacrifiant des pièces, en étouffant l’adversaire par les marges — mais elle joue aux dominos sur le plan opérationnel. Chaque effondrement local entraîne un autre. Chaque chaos est à la fois cause et effet. Elle avance par dislocation successive, laissant à d’autres le soin de réparer ce qu’elle a précipité.
Et pendant ce temps, un pacifisme béat et une lecture édulcorée des conflits ont conduit les démocraties à désarmer, sur le plan moral comme opérationnel, les coalitions qui tentaient de contenir l’expansion de ce chaos. C’est ainsi que fut sapée, au nom du droit humanitaire mal interprété, l’action de la coalition conduite par l’Arabie Saoudite, l’Égypte, et plusieurs nations occidentales — dont la France — face à l’avancée tentaculaire de milices qui ne combattent pas au nom d’une idéologie religieuse, mais sous la bannière fonctionnelle du chaos.
The nature of the game a été mal comprise. L’Occident n’a pas vu que l’adversaire n’avait pas besoin de gagner : il lui suffisait d’empêcher les autres de reconstruire. Là est le cœur du jeu — et l’erreur stratégique majeure qui se répète.
Analogie élargie : Soudan, Somalie, Yémen, Afrique centrale
Le Soudan partage avec la Somalie, le Yémen et désormais l’Afrique centrale une structure de chaos exploité : des États effondrés ou désintégrés, des populations captives, des théâtres de guerre fractionnée où les puissances extérieures se projettent sans jamais reconstruire.
En Somalie, l’État s’effondre en 1991, laissant place aux seigneurs de guerre, à al-Shabaab, et à une fragmentation géopolitique durable.
En Yémen, depuis 2014, l’affrontement entre Houthis, pouvoir central, milices tribales et puissances étrangères (Arabie Saoudite, Émirats, Iran) transforme le pays en champ de bataille transnational.
En Afrique centrale (Sahel, République centrafricaine, nord du Mozambique), des groupes dits « islamistes » sont instrumentalisés, activés, ou simplement laissés prospérer pour anéantir les États de droit, terroriser les populations, et instaurer des zones d’ombre, propices à l’exploitation illégale des ressources.
Dans tous ces contextes, le chaos devient un régime d’action, un mode d’organisation profitable aux milices, aux trafiquants, et aux puissances extérieures. Et dans tous ces cas, la Russie joue une partition indirecte mais identifiable, tandis que les puissances occidentales gèrent les conséquences plutôt que les causes.
Bilan humain et exodes : une comptabilité de l’inhumanité
Soudan/Darfour : Plus de 400 000 morts (estimations cumulées depuis 2003) et plus de 8 millions de déplacés internes et réfugiés.
Somalie : Près de 500 000 morts (famine incluse) et un exode de plus de 2 millions de réfugiés et déplacés.
Yémen : Plus de 375 000 morts directs et indirects selon l’ONU, avec 4,5 millions de déplacés et une famine chronique affectant des millions d’enfants.
RCA, Sahel, Mozambique : Des centaines de milliers de morts cumulés, plus de 10 millions de déplacés dans l’ensemble de la bande sahélienne, avec des États vidés de leur substance institutionnelle.
Quelque chose avance son emprise. Un modèle s’installe et se propage. Un cancer stratégique généralise ses métastases sur les territoires les plus vulnérables, laissant chaque acteur piégé dans l’illusion de son intérêt propre, pendant que l’architecture même du droit international se fissure en silence.
Le chaos comme mythe utile : archétype et manipulation des représentations
Le chaos soudanais, et plus largement sahélien, ne fonctionne pas seulement comme une réalité géopolitique, mais comme une représentation archétypale. Il mobilise des images ancestrales — cavaliers janjawids, désert en feu, violences tribales — qui activent les imaginaires collectifs occidentaux. Il devient le décor d’un « islam apocalyptique », présenté comme incurable et menaçant. Dans cette construction, Israël, État fort, technologiquement avancé, devient par contraste la figure de l’ordre. Ce récit sert son positionnement stratégique, en se posant comme rempart contre le chaos diffusé à sa périphérie. Le Soudan, dans cette logique, devient un théâtre symbolique : il ne mobilise pas que des armes, mais des affects, des récits, des peurs. Et ceux-ci, habilement entretenus, servent des puissances qui veulent non pas sauver l’ordre international, mais s’y ériger en seules alternatives crédibles.
Frise chronologique simplifiée : Le rôle de la Russie et de Wagner au Soudan
Années 1990 : La Russie post-soviétique livre des armes au régime d’el-Béchir et pose les bases d’une influence silencieuse.
2000–2010 : Soutien diplomatique actif au Soudan à l’ONU, opposition à la CPI, défense du principe de souveraineté « dure ».
2017 : Arrivée de Wagner via M-Invest et Meroe Gold ; infiltration dans les mines d’or et déploiement de formateurs.
2019 : Chute d’el-Béchir ; Wagner reste, se repositionne aux côtés des RSF (Rapid Support Forces émanation des Janjawids, ces milices montées, souvent à cheval ou à dos de chameau, qui ont semé la terreur au Darfour à partir de 2003. Le terme « Janjawid » signifie généralement « homme armé à cheval » en dialecte arabe local (et est parfois traduit comme « diables à cheval » par les victimes).) de Hemedti.
2020–2022 : Intensification de la coopération économique et militaire ; soutien logistique indirect aux RSF.
Avril 2023 : Guerre ouverte entre SAF et RSF ; Wagner soutient discrètement les RSF, monnayant chaos contre or.
Perspective stratégique : Le Soudan est devenu un modèle de rentabilisation du chaos. La Russie y a d’abord investi en diplomatie, en armes, en influence. Wagner est l’instrument récent, mais pas le créateur du désastre : il en est l’exploitant. Il structure, revendique et encaisse ce que la stratégie russe avait préparé. Dans ce contexte, toute résolution exige de sortir du déni, de nommer les acteurs, et de mobiliser une volonté internationale restauratrice. La Chine, au sein des BRICs, par sa posture de stabilité et de coopération non violente, pourrait être – devrait être? – un pivot essentiel d’un équilibre juste à reconstruire, dans une grand perspective de paix et de stabilité.
Face à cette mécanique d’écartèlement systématique de l’ordre international, seule la Chine, avec l’Inde, apparaît comme une puissance capable de ramener un horizon stratégique cohérent et vraiment équilibré. La question est désormais de savoir si la communauté internationale trouvera la volonté et la lucidité nécessaires pour démanteler cette toile avant qu’elle ne devienne irrémédiable. Les BRICs, plus généralement, ont été les instruments, à travers le paradigme des « désalignés », de la division du monde. Ils doivent se réaligner avec un principe fort, puissance, pour redevenir, contre la Russie, qui a su lever et instrumentaliser les ferments utiles à son « soft » power si paradoxal, le moteur d’un retour à l’unité de monde.
C’est ce à quoi, à mes yeux, Narendra Modi s’emploie discrètement.
En nommant les phénomènes, trop maladroitement sans doute, qui sont à l’oeuvre, mon intitiative ici n’a d’autre but que de parvenir à déjouer l’entreprise en cours et de contribuer à placer, surtout, bien au-delà de son intérêt particulier dont il n’est pas illégitime que chacun aspire à sa sauvegarde, devant sa responsabilité devant cette inextricable architecture de chaos qui n’est jamais qu’un chateau de carte et la projection d’une immense désordre mental.Qu’il faut ruiner pour que le chateau de cartes s’écroule et que renaisse une Paix fructueuse digne de ce nom.