Yair Lapid — The Civic Battle Against Gideon’s Chariots

What may seem a marginal issue in Israeli politics — the exemption from military service for ultra-Orthodox Jews — is in fact the nerve of Israel’s “existential” war.
It doubles the legitimate right of self-defense with an unresolved internal conflict, buried in silence — that of a nation divided between duty and devotion, between the State and faith.
For a nation cannot remain free if some claim purity while others sacrifice and stain their hands.

The Founding Compromise

At the creation of the State, David Ben-Gurion granted the Haredim (ultra-Orthodox) an exemption from military service, seeking a fragile balance between faith and politics.
They were then only a few hundred yeshiva students; preserving prayer seemed compatible with building the nation.

But what began as a foundational exception has become a systemic privilege.
Today, tens of thousands of men of service age evade the national obligation while receiving public subsidies and wielding major political influence.
They refuse civic struggle yet dictate morality, preach purity while living off the defense ensured by others.

This asymmetry is no longer merely social — it is metaphysical.
It has turned Israeli democracy into a crevasse in the sky — where the horizon of civic virtue and intention escapes justice, and where faith becomes a refuge from duty.

The Shock of October 7, 2023

October 7 was a moral earthquake — a holocaust in the original sense of the word.
At the Nova Festival, pacifists and artists had gathered to celebrate life, not war; unarmed, trusting in peace, they were delivered to fire and slaughter.
Their destruction was not only a crime but a burnt offering, a generation immolated on the altar of others’ illusions.
Soldiers too, caught unprepared, shared that fate — victims of a faith that had replaced responsibility, and of leaders who had mistaken belief for foresight.

That day consumed not only bodies.
It burned the very idea of Israel as a refuge of conscience.
In the desert, beneath smoke and music turned to screams,
the faith of a nation met the judgment of its own negligence.

As long as this anomaly persists,  Hamas’s rhetoric will remain structurally legitimized.

It is against this drift that Yair Lapid stands, confronting — in the name of the Permanent Forum — the gaping ambiguities of the system on which Benjamin Netanyahu relies, and within which the IDF and the entire security apparatus embody an ambivalence so unbearable that it has produced a deep moral trauma among soldiers and within the command itself.

This institutional irregularity is no less inadequate to Israel than Hamas is to the definition of Palestinian sovereignty.
Though opposed, both stem from the same corruption of responsibility:
one distorts it, the other destroys it.
They must be dismantled — the first — and abolished — the second — in a single movement back toward justice.

As long as this anomaly persists, as long as Israel tolerates within itself a caste exempt from civic duty in the name of divine privilege, Hamas’s rhetoric will remain structurally legitimized.
It feeds on that very contradiction:
a mirror enemy, born of the same refusal to assume shared responsibility.

The Meaning of the Struggle

Yair Lapid’s struggle is not religious; it is civic.
He seeks to restore equality in sacrifice and shared responsibility.
He rejects the notion that a sanctified minority can rise above common law
and turn war into a metaphysical affair.

To bring Israel back from Gideon to David, from sacred vengeance to human justice —
that is the very condition of democratic renewal.
October 7 revealed where religious messianism without responsibility leads.
Yair Lapid offers the opposite path:
responsibility as the arbiter of legitimate faith within the City.

Savonarola has no place in the City.

Yair Lapid — Le combat civique contre les chars de Gédéon

Ce qui pourrait sembler une question marginale dans la politique israélienne — l’exemption du service militaire pour les juifs ultraorthodoxes — est en réalité le nerf de la guerre « existentielle » d’Israël.
Elle double le droit légitime à se défendre d’un conflit interne irrésolu, car appartenant au non-dit, celui d’une nation divisée entre le devoir et la dévotion, entre l’État et la foi.

Car une nation ne peut demeurer libre si certains revendiquent la pureté pendant que d’autres se sacrifient et se souillent les mains.

📜 Le compromis fondateur

À la création de l’État, David Ben-Gourion accorda aux haredim (ultraorthodoxes) l’exemption du service militaire, cherchant un équilibre fragile entre la foi et la politique.
Ils n’étaient alors que quelques centaines d’étudiants en yeshiva ; préserver la prière semblait compatible avec la construction de l’État.

Mais ce qui fut une exception fondatrice est devenu un privilège systémique.
Aujourd’hui, des dizaines de milliers d’hommes en âge de servir échappent à l’obligation nationale tout en bénéficiant de subventions publiques et d’une influence politique majeure.
Ils refusent le combat civique mais dictent la morale, prêchent la pureté tout en vivant de la défense assurée par les autres.

Cette asymétrie n’est plus seulement sociale — elle est métaphysique.
Elle a transformé la démocratie israélienne en une crevasse du ciel — un lieu où la sainteté échappe à la justice, et où la foi devient refuge contre le devoir.

⚔️ Le choc du 7 octobre 2023

Le 7 octobre fut un séisme moral — un holocauste, au sens premier du mot.
Au festival Nova, des pacifistes et des artistes s’étaient rassemblés pour célébrer la vie, non la guerre ; désarmés, confiants dans la paix, ils furent livrés au feu et au massacre.
Leur destruction ne fut pas seulement un crime, mais une offrande brûlée, une génération immolée sur l’autel des illusions d’autrui.
Des soldats eux aussi, pris au dépourvu, partagèrent ce destin — victimes d’une foi qui avait remplacé la responsabilité, et de dirigeants qui avaient confondu croyance et clairvoyance.

Ce jour-là ne consuma pas seulement des corps.
Il brûla l’idée même d’Israël comme refuge de la conscience.
Dans le désert, sous la fumée et la musique changée en cris,
la foi d’une nation rencontra le jugement de sa propre négligence.

⚖️ La position de Lapid

C’est contre cette dérive que se dresse Yair Lapid, confrontant — au nom du Forum permanent — les ambiguïtés béantes du système sur lequel s’appuie Benjamin Netanyahou,
et dont Tsahal et l’ensemble de l’appareil sécuritaire concentrent l’ambivalence, devenue si invivable qu’elle provoque un lourd traumatisme moral parmi les soldats et au sein même des états-majors.
Cette irrégularité institutionnelle n’est pas moins inadéquate à Israël que le Hamas ne l’est à la définition de la souveraineté palestinienne.
Toutes deux, bien que contraires, procèdent d’une même corruption de la responsabilité :
l’une la déforme, l’autre la détruit.
Elles doivent être démantelées — pour l’une — et abolies — pour l’autre — dans un même mouvement de retour à la justice.

Tant que cette anomalie persistera, tant qu’Israël tolérera en son sein une caste soustraite au devoir civique au nom d’un privilège divin, le discours du Hamas demeurera structurellement légitimé.
Il se nourrit de cette contradiction :
un ennemi miroir né du même refus d’assumer la responsabilité commune.

🕯️ Le sens du combat

Le combat de Yair Lapid n’est pas religieux, il est civique.
Il cherche à rétablir l’égalité dans le sacrifice et dans la responsabilité partagée.
Il rejette l’idée qu’une minorité sanctifiée puisse s’élever au-dessus du droit commun et transformer la guerre en affaire métaphysique.

Ramener Israël de Gédéon à David, de la vengeance sacrée à la justice humaine,
voilà la condition même du renouveau démocratique.
Le 7 octobre a montré où mène le messianisme religieux sans responsabilité.
Yair Lapid propose le chemin inverse : la responsabilité comme arbitre de la foi légitime dans la Cité.

Savanarole n’a pas sa place dans la cité.

🥇 De Pékin 2022 à Milan–Cortina 2026 : l’agenda olympique et le retour du sens stratégique

Le dimanche 9 novembre 2025, alors que Canton (Guangzhou) s’illuminait de lumières, d’acclamations et d’histoire pour l’ouverture des 15ᵉ Jeux nationaux de Chine — organisés pour la première fois conjointement par le Guangdong, Hong Kong et Macao — le président Xi Jinping a rencontré Kirsty Coventry, présidente du CIO, et Thomas Bach, président honoraire à vie.

La rencontre, mise en avant par @XisMoments, n’était pas seulement un geste de continuité olympique, mais aussi un symbole d’unité culturelle et d’harmonie intérieure que la Chine souhaite relier à l’esprit universel des Jeux.

Les Jeux olympiques d’hiver de Pékin 2022 se sont clos le 20 février 2022 ; deux jours plus tard, la Russie envahissait l’Ukraine.
Ce qui devait être un triomphe d’harmonie devint une blessure silencieuse pour le prestige moral de la Chine.
Xi Jinping n’a pas gâché la cérémonie de clôture — il a attendu.
Mais « l’amitié sans limites » proclamée avec Moscou venait déjà d’être rompue, non par la diplomatie, mais par un missile au-dessus de Kyiv.

Alors que le monde se tourne vers Milan–Cortina 2026 et se prépare à Los Angeles 2028, la séquence olympique retrouve son rôle : celui du calendrier des civilisations, la mesure de la conscience mondiale.
La flamme passe désormais à l’Ouest, où Los Angeles 2028 pourrait, peut-être, devenir les Jeux du Rééquilibre : le retour du récit sur le chaos, du sens sur la domination.

En parallèle, Donald Trump agit sur un autre front — mais dans la même logique de transition.
Sa décision de suspendre la livraison des Tomahawk à l’Ukraine, loin d’une hésitation, vise à reconfigurer la logique des sanctions et à reprendre la maîtrise stratégique du récit.

De même, sa volonté déclarée de reprendre le conflit israélo-palestinien à travers les Accords d’Abraham signale un glissement : de la confrontation militaire vers la résolution narrative, du pilotage de la guerre à la maîtrise de la paix.

Ces deux gestes — celui de Xi à Canton, celui de Trump à Washington — se rejoignent sur le pont symbolique qui relie, d’une part, Pékin 2022 à Milan–Cortina 2026, et, d’autre part, Paris 2024 à Los Angeles 2028.

Le sport change la donne.

Il rend au monde la mesure de sa civilisation, rappelant que la force ne sert plus à détruire, mais à garantir la paix et à restaurer le sens.

> j’ai dit cela. Chaque être choisit, par sa propre voix liée à son libre-arbitre, la réalité à laquelle il souhaite donner corps. Ainsi, les monstres s’effacent.

#XiJinping #15thNationalGames #Trump #Olympics #SoftPower #Paris2024 #MilanCortina2026 #LosAngeles2028 #CredimusInOptimumHumanis

🕊️ From Beijing 2022 to Milan–Cortina 2026: The Olympic Agenda and the Return of Strategic Meaning

On Sunday, November 9, 2025, as lights, cheers and history illuminated Guangzhou for the opening of China’s 15th National Games — the first ever to be jointly hosted across Guangdong, Hong Kong and Macao — President Xi Jinping met with IOC President Kirsty Coventry and Honorary President for Life Thomas Bach.

The meeting, highlighted by @XisMoments, was not only a gesture of Olympic continuity but also a symbol of China’s expanding cultural unity and its aspiration to connect domestic harmony with the universal spirit of the Games.

The Beijing 2022 Winter Games had closed on February 20, 2022; two days later, Russia invaded Ukraine.
What should have been a triumph of harmony became a silent wound to Beijing’s moral prestige.
Xi Jinping did not spoil the closing ceremony — he waited.
But the “friendship without limits” declared with Moscow had already been shattered, not by diplomacy, but by a missile over Kyiv.

As the world prepares for Milan–Cortina 2026 and looks toward Los Angeles 2028, the Olympic sequence resumes its role as the calendar of civilization — a chronometer of global conscience.
The torch now passes westward, where Los Angeles 2028 may become the Games of Rebalancing: a return to narrative over chaos, meaning over domination.

In parallel, Donald Trump acts on a different front — but within the same logic of transition.
His decision to pause the delivery of Tomahawks to Ukraine, far from hesitation, aims to reshape the logic of sanctions and reclaim strategic authorship.

Likewise, his declared intent to re-engage the Israeli-Palestinian conflict through the Abraham Accords signals a shift from military confrontation to narrative resolution — from managing war to mastering peace.

The two gestures — Xi’s at Guangzhou, Trump’s in Washington — converge across the symbolic bridge between, in one part, Beijing 2022 and Milan–Cortina 2026, and, in another, Paris 2024 and Los Angeles 2028.

Sport is a game changer.

It restores the measure of civilization, reminding us that force no longer destroys — it safeguards peace, and restores meaning.

>This is what I have said, from now on:
Every single person, through his own voice, chooses the reality they wish to bring into being.
Thus, monsters disappear.

#XiJinping #15thNationalGames #Trump #Olympics #SoftPower #Paris2024 #MilanCortina2026  #LosAngeles2028 #CredimusInOptimumHumanis

Yair Lapid et la rupture avec l’État profond du sionisme

Alors que les médias concentrent leur pouvoir critique et polémique sur la tournée du chef de l’Orchestre national d’Israël, le retrait de Yair Lapid des institutions qui orchestrent le sionisme constitue l’événement majeur du référentiel démocratique israélien. Yair Lapid n’est plus seulement un rival politique de Benjamin Netanyahou : il est la figure d’avenir d’Israël.

En se retirant de l’accord de partage du pouvoir au sein des institutions sionistes mondiales — World Zionist Organization, Agence juive, Keren Hayesod, KKL — Yair Lapid accomplit un acte inédit dans l’histoire d’Israël.
Pour la première fois, un leader politique d’envergure nationale rompt avec le sionisme institutionnel profond, celui qui relie depuis 1948 l’État israélien à son réseau mondial d’influence et de financement.

Ce geste ne traduit pas une désertion, mais une désidentification volontaire du politique à l’appareil métapolitique.
Il retire à la droite messianique la couverture morale d’une co-gestion et la laisse seule face à la machine idéologique qu’elle a capturée.

Comme je l’avais analysé dans L’Agence juive, organe profond de l’État israélien, ces institutions forment le système nerveux du sionisme mondial, opérant souvent en deçà du contrôle démocratique.
Lapid, en s’en retirant, révèle cette tension : la démocratie israélienne se heurte à ce que j’avais nommé l’État profond du sionisme.

C’est un acte fondateur.
Israël politique vient de se séparer, pour la première fois, du sionisme administratif et patrimonial.
Un fil se rompt — mais c’est peut-être la condition même d’une refondation accompagné, dans le contexte du plan de Paix et des Accords d’Abraham, des obstacles à une salutaire résolution du conflit respectueuse du droit mutuel des Palestine et des Israéliens.

Réseau puis Boulevard, l’ombre de Voltaire

Voltaire et Rousseau s’affrontent encore, au-delà des siècles. L’un a survécu sous forme d’ombre, l’autre sous forme d’idéal blessé. De l’esprit critique, on a fait une arme ; du contrat social, un champ de bataille. Et ceux qui continuent d’y croire passent pour des naïfs — ou pour des Bisounours. 🐺 Atenti al lupo

Curieux destin que celui du nom de Voltaire, devenu au tournant du siècle le sceau commun de deux entreprises en apparence éloignées :
le Réseau Voltaire, fondé par Thierry Meyssan en 1994, et Boulevard Voltaire, créé en 2012 par Robert Ménard, actuel maire de Béziers et chroniqueur patenté de l’actualité, et Emmanuelle Duverger.

Le premier, né à gauche dans la défense de la laïcité et de la liberté d’expression, a glissé vers le conspirationnisme géopolitique, trouvant appui à Damas, Téhéran et Moscou.


Le second, issu du journalisme de combat, s’est mué en tribune identitaire, accompagnant la métamorphose du Front National en Rassemblement National.
Tous deux se réclamaient d’un même héritage — l’esprit libre contre les dogmes — mais l’ont retourné : l’esprit voltairien s’y est changé en surplomb, posture de celui qui sait, face à un monde supposé trompé.

Alain Soral, dans ce paysage, fait figure de lien mobile entre ces univers.
Ses ambiguïtés récentes vis-à-vis de La France Insoumise, sa reprise de thèmes “anti-impérialistes” ou “anti-OTAN”, révèlent le degré d’hybridation atteint :
les extrêmes ne se rencontrent plus sur le plan des programmes, mais sur celui de la grammaire cognitive.


Ils partagent une même forme — la défiance voltairienne devenue réflexe —, et une même proie : la République elle-même, dans l’esprit de tolérance qui en anime le cœur à travers la laïcité de l’apaisement.
De ce principe de concorde, ils ont fait une machine de guerre.
Là où Voltaire éclairait le débat, ils en ont fait une lampe torche braquée sur l’adversaire.

Le Rassemblement National, longtemps fasciné par la Russie de Poutine et la Syrie d’Assad, a joué sa part dans ce dispositif.
Son anti-sunnisme implicite, hérité du soutien à Damas, répondait en miroir à l’anti-occidentalisme de certains courants de LFI.
Deux pôles d’une même tension, deux mâchoires d’un même dispositif :
l’une fixe, l’autre mobile — mais toutes deux refermées sur le corps politique français.

Ainsi est née la guerre cognitive interne :
celle où les oppositions s’alimentent mutuellement,
où les médias servent de turbocompresseur à la combustion,
et où la “raison” voltairienne, revendiquée de toutes parts, se retourne contre elle-même.

Un système d’information radicalisé peut-il générer autre chose que du radicalisme? Ce qui s’est passé à l’occasion de l’effroyable virée sanglante mercredi sur l’île d’Oléron qui a vu un automobiliste d’une trentaine d’années faucher volontairement cinq piétons et cyclistes au gré de son itinéraire dit quelque chose sur le désir des rédactions excitées par l’odeur du sang qui constitue l’encre.

Quelques minutes à peine après le drame de l’île d’Oléron, les rédactions étaient déjà, en effet, sur les dents.
On percevait, à travers les bandeaux et les boucles d’antenne, le désir impatient d’un mot : terrorisme islamique.
Le mot qui fait sens, le mot qui fait peur, celui qui ramène le chaos à une catégorie connue.
Mais dans le même temps, les praticiens du réel — magistrats, policiers, responsables publics — résistaient à cette pression lexicologique, refusant de céder à la logique de précipitation.
Cette tension, entre l’attente du mot et la prudence du fait, dit tout du déséquilibre actuel : le média moderne ne supporte plus le silence ni l’incertitude, il lui faut du sens immédiatement consommable.

Ainsi, chaque drame devient un test de réflexe cognitif : non pas une enquête sur la réalité, mais une course à la narration dominante.
Et c’est dans ce court-circuit — entre la vitesse de l’interprétation et la lenteur de la vérité — que s’engouffre la guerre cognitive.

> Dans ce jeu d’ombres, Voltaire ne veille plus sur la liberté de conscience: il la dévore.

Le complotisme comme arme de dissuasion cognitive

Et si le complotisme n’était pas un accident, mais une pièce maîtresse du dispositif narratif moderne ? Sous couvert d’irrationalité, il joue un rôle parfaitement rationnel : disqualifier la possibilité même d’une véritable conspiration. En érigeant une frontière mentale entre la critique légitime et la folie suspecte, le système immunitaire des démocraties s’est retourné contre leur propre vitalité critique. Le résultat? Un espace public saturé de soupçons où la recherche de vérité devient, paradoxalement, le premier symptôme du délire.

Symptôme ou catalyseur, le complotisme est rarement étranger à la violence : il en partage la structure, celle d’un monde perçu comme verrouillé, où la vérité ne circule plus librement et qui se révèle être le champ idéal pour y implanter la guerre cognitive.

La parution, en 2002, de « L’Effroyable Imposture » de Thierry Meyssan, au lendemain du 11 septembre, en fut l’illustration la plus saisissante.
Présenté comme un brûlot conspirationniste, le livre a pourtant profondément marqué les esprits.
Est-ce le hasard si L’Effroyable Imposture a eu un tel retentissement, si l’on prend en considération les sources, proximités et généalogies de son auteur, et la manière dont sa trajectoire s’est ensuite arrimée à Damas, Téhéran ou Moscou ?

Il est donc permis de penser que le complotisme, loin d’être un simple délire collectif, a été fonctionnalisé : pour qu’aucune véritable conspiration – hors celle émanant du fait que nous entrions dans une guerre asymétrique nous mettant en prise avec des entités exclusivement non-étatiques islamiques – ne puisse être perçue, il fallait que toute interprétation non conforme à ce schéma tombe sous le stigmate du complot.

Le Sezboz, un système qui possède toutes les caractéristiques d’un État dans l’Etat

C’est là que s’est enracinée l’idée d’un « Deep State », prétendument à l’œuvre dans les démocraties occidentales, que certains ont brandie comme preuve d’un totalitarisme rampant.
Mais ce miroir déformant a surtout servi à détourner le regard du véritable État profond : celui, bien tangible, du Conseil de Sécurité de la Fédération de Russie (SozBez), institution opaque où s’élaborent les décisions stratégiques, économiques et militaires, à l’abri de tout contrôle parlementaire — un système qui possède toutes les caractéristiques d’un État dans l’Etat.
En d’autres termes: un deep state, authentique, lui.
Et dont les “chutes accidentelles par la fenêtre” et suicides « assistés” forment la sinistre ponctuation.

Le complotisme, en ce sens, n’est pas qu’un symptôme: il a été fonctionnalisé. Il a servi le narratif des extrêmes-droites et souverainistes trop heureux de pouvoir tomber à bras raccourcis sur Bruxelles. Marine Le Pen n’a-t-elle pas assimilé l’Union Européenne a un totalitarisme alors que son parti trouvait son financement auprès du Kremlin? Aujourd’hui, l’UE est une dénoncée par les mêmes cercles comme une dictature et la Russie comme un ami qui nous veut du bien.

> Pour qu’une véritable conspiration ne puisse être perçue, il faut que toute interprétation non conforme soit rendue inacceptable.

Ainsi, le complotisme sert deux maîtres à la fois :
1️⃣ Il confisque la critique légitime, en la réduisant à la folie.
2️⃣ Il fournit un instrument de guerre informationnelle, en diffusant la suspicion là où la confiance est vitale.

C’est cette double servitude, paradoxale mais redoutablement efficace, qui marque la vulnérabilité des démocraties à l’âge de la mondialisation : quand le champ du pensable se referme, la vérité n’est plus un bien commun, mais une ligne de front.

Non, il ne faut pas toujours préférer la bêtise à la conspiration.

Lire aussi : Réseau puis Boulevard, l’ombre de Voltaire

🕯️ La silhouette rhétorique russo-israélienne dans la réactivation soudaine du “choc des civilisations” (VII)

Les récentes déclarations de Donald Trump sur le Nigeria sont sans ambiguïté : “If the Nigerian government continues to allow the killing of Christians, the U.S.A. will immediately stop all aid and assistance to Nigeria, and may very well go into that now-disgraced country, ‘guns-a-blazing’. (AP News, novembre 2025). Une force politique tente de cadrer le potentiel sans limites de ressentiment interconfessionnel, disponible en Afrique et au Moyen-Orient, dans la confrontation religieuse et la dialectique du clash des civilisations. Ce contexte invite Donald Trump sur la cause des Chrétiens au Nigéria ou pris dans l’engrenage de chaos soudanais. Au milieu de cet enfer, l’élection – le 4 Novembre dernier – de Zohran Mandani comme maire de New-York, est attaquée au vitriol, à l’échelle globale. Elle dresse une figure paratonnerre.

Sous couvert de défense des chrétiens, l’ancien président américain adresse un ultimatum diplomatique et moral à un État souverain.
Porté par son électorat évangélique et par l’imaginaire messianique de son propre parcours, il se présente en protecteur de la foi et en justicier des âmes.
Mais derrière cette posture que le sort des chrétiens, qui forment une population parmi toutes les autres à être sacrifiées, c’est un piège tendu : une injonction politique qui attise la confrontation religieuse mondiale et réactive la logique du clash des civilisations.
Dans ce piège se croisent aujourd’hui plusieurs forces: la droite chrétienne américaine, la connexion judéo-chrétienne téléguidée par Netanyahu, l’appareil narratif russe primaire, et la fragilité cognitive d’un monde désemparé par la prolifération des signes et injonctions.

1. La réactivation du récit civilisationnel

Sur X, la phrase du cardinal Robert Sarah« Les barbares sont déjà dans la ville » — a ressurgi, relayée par @75secondes, @Wolf, etc, au moment même où Trump annonçait vouloir “sauver les chrétiens du monde”.
En surface : deux appels à la vigilance spirituelle.
En profondeur : une même trame cognitive — celle d’un Occident assiégé, d’un christianisme encerclé par la barbarie.

Les violences africaines (Nigeria, Soudan, Sahel) deviennent les scènes symboliques d’une guerre sainte mondialisée ; la complexité politique, ethnique et économique s’efface derrière le vocabulaire de la croisade.
La foi n’explique plus : elle désigne.

Un million de vues pour cette seule publication.
  • Elle vient d’un entretien de 2019 accordé à La Nef / The Catholic Herald, où le cardinal Robert Sarah disait : « As a bishop, it is my duty to warn the West! The barbarians are already inside the city. ». CERC+1
  • Dans ce texte, il précise ce qu’il appelle les barbares : « tous ceux qui haïssent la nature humaine, qui piétinent le sens du sacré, ne respectent pas la vie, se rebellent contre Dieu… » – en visant l’avortement, l’euthanasie, la pornographie, l’idéologie de genre, etc.
  • Plus loin dans le même entretien, il parle aussi de l’islamisme comme d’une menace, mais dans un passage distinct, et en l’articulant à la crise spirituelle de l’Occident.

Ce qui circule aujourd’hui, c’est donc une citation sortie de son contexte et recyclée :

  • On retrouve exactement la même formule sur Facebook, Instagram, Threads, X, souvent sur fond de photo ou de mème, sans le paragraphe explicatif qui élargit sa définition des “barbares”. Instagram+3Facebook+3Instagram+3
  • @75secondes ne fait qu’amplifier une phrase devenue slogan dans certains milieux conservateurs catholiques / identitaires, en la reliant au cardinal et à la question de l’immigration de masse. Instagram+1

Sur le sous-entendu “on entendait l’islam…”

  • Dans le texte original, Sarah ne dit pas “les musulmans sont les barbares”. Il parle d’une barbarie morale occidentale et de l’islamisme comme menace politico-religieuse ; mais ce sont surtout les relais militants qui condensent tout ça en une punchline utilisable contre “l’islam” en bloc.

2. La résonance russe : miroir du messianisme évangélique

Depuis 2014, le Kremlin, appuyé par le patriarche Kirill, promeut la Russkiy Mir — le “monde russe” — présenté comme dernier bastion du christianisme face à la décadence occidentale et à la menace islamiste.
La rhétorique de Trump s’y superpose comme un calque.

ThèmeRhétorique russeRhétorique trumpiste
MissionMoscou protectrice de la foi orthodoxeWashington sauveur des chrétiens persécutés
Ennemi symboliqueOccident libéral et “dénaturé”Islam radical et “barbarie” du Sud
RegistreMétaphysique du salutThéologie de la puissance
FinalitéLégitimer la verticalité russeRe-sacraliser la suprématie américaine

Ces deux narrations s’auto-alimentent : l’une cherche à fracturer l’Occident, l’autre à le rallier sous l’étendard du sacré.
L’effet est identique : un monde polarisé autour des fractures, rendues abyssales et irrémédiables, du religieux décliné sous la forme de mouvements de fractales dans un monde où les chimères sont faites pour régner en maîtres

3. L’ingénierie cognitive de la croisade

Ce champ narratif repose sur une architecture précise :

  • Amplifier sélectivement les massacres chrétiens en Afrique ;
  • Détourner la compassion en colère ;
  • Recycler les mots prophétiques (“barbares”, “mal”, “sacré”) ;
  • Fusionner les discours politiques, spirituels et militaires.

C’est une véritable machinerie cognitive, qui transforme la douleur en énergie politique.
Trump y trouve un levier électoral, Mel Gibson y ajoute une aura mythique (“Defend what’s sacred”), et Moscou y glisse sa grammaire civilisationnelle : la guerre du bien contre le chaos.

En mêlant mystique et brutalité, Mel Gibson construit un imaginaire où le salut passe par la violence — un miroir parfait du temps présent, où l’on confond de plus en plus la sainteté avec la revanche.

4.L’effet Mamdani : le paratonnerre du récit

Au cœur de cette tempête, l’élection à New York de Zohran Mamdani, premier maire musulman d’origine ougandaise, agit comme un paratonnerre cognitif.
Plus qu’une dissonance, c’est une zone d’absorption du choc symbolique.
Son élection résonne avec la promesse d’un pluralisme pacifié — mais, dans les flux polarisés, elle devient la cible parfaite :

  • pour certains, preuve que l’Occident et dispose des outils cognitifs pour résister à l’onde de haine qui déferle partout et, ainsi, reste ouvert, aspace d’équilibre et de résolution au service de la Paix ;
  • pour d’autres, c’est le signe que “l’ennemi est déjà dans la place”.
Comme Benjamin Franklin saisissant la foudre, Zohran Mamdani dresse le paratonnerre sur la plus orageuse des ères. Les haines se concentrent sur sa personne symbolique.

La dissonance que Zohran Mamdani incarne révèle l’intensité du champ magnétique : plus la société réelle s’apaise, plus la sphère numérique s’enflamme et déverse anathèmes préfabriqués et excommunications politiques.
@ZohranMamdani devient malgré lui le test de résistance du vivre-ensemble face à la montée des récits guerriers. Il s’est installé, à partir de Ground Zero, sur le seuil d’un monde attiré irrésistiblement vers les profondeurs insondables de son propre enfer, et ouvre un autre chemin vers le possible retour à soi.

5. Le piège du sacré politique

Sous des apparences de ferveur, c’est une architecture de domination symbolique qui se met en place.
Le sacré devient vecteur d’influence, la foi devient vecteur d’ordre, et la liberté spirituelle devient l’appât d’une guerre cognitive mondiale.
Le piège de Trump n’est donc pas seulement diplomatique : il est psychologique.
Il invite l’humanité à choisir un camp dans un conflit que la raison n’a pas décidé.

Et dans cette bataille des signes, ce ne sont plus les croyants qui prient — ce sont les algorithmes qui recrutent.

🗽 Zohran Mamdani, Mayor of New York

November 4, 2025, enters history not as the symbol of radical Islam’s entry into the establishment—with its undertones of suspicion toward what is “ethnically pure” or “civilizationally sound”—but as a moment of moral rebirth and reconstruction. As New York emerges from the shadow of September 11, 2001, the shadow of October 7, 2023 now tries to catch up with the momentum of the city that never sleeps.

For several weeks, Zohran Mamdani’s candidacy for mayor of New York had crystallized tensions and fantasies. His critical stance toward Israel’s policy in Gaza was enough to trigger a wave of hostility. Neoconservative circles, supported by certain Republican lawmakers, tried to turn him into the symbol of ideological infiltration.
Thus, Congressman @RepOgles posted, with the caption “WAKE UP NEW YORK!”, the video of the first plane crashing into the North Tower of the World Trade Center.
This gesture, seemingly trivial, reactivates the deepest wound in contemporary America: September 11 as a matrix of fear and a tool of political disqualification.

Yet where others might have faltered, Zohran Mamdani embodied a generational rupture.
The son of immigrants, a practicing Muslim and an avowed socialist, he represents the New York that no longer lives under the shadow of 9/11, but emerges from it.
His discourse does not deny trauma; it transmutes it into collective responsibility.
Where the hawks built a moral order out of fear, he proposes a civic order rooted in social justice and reconciled memory.

His emergence signals a profound shift: Ground Zero, which one must not forget also served—under the guise of Western solidarity—as a global stage for Vladimir Putin and Benjamin Netanyahu, finally offers a face of inner reconstruction.
Where tragedy once cemented alliances of fear, legitimized wars, and founded a new security order, a face of reconciliation now rises.
Ground Zero, once the symbolic epicenter of a world divided between Good and Evil, becomes, with Zohran Mamdani, a site of moral reconciliation.

In this sense, his election marks a historic turning point. Twenty-four years after the collapse of the towers, New York no longer speaks from its wound but from its scar.
The America that emerges here is no longer one that seeks enemies, but one that seeks meaning.

Yet the danger remains. For the manipulation of fear has its mirror image: ideological capture.
While conservative circles attempt to demonize Mamdani, others—on the far left or in Islamist-leaning movements, such as La France insoumise in Europe—hasten to recycle him as a symbol of communal revenge.
This, too, is a betrayal of what he represents. His victory must not become a banner of identity, but a signal of reconciliation—a moral and democratic reappropriation of the city by itself.

Between fear and recuperation, Mamdani stands as a fragile yet decisive figure: the first serene heir of a traumatized system.
Through him, New York ceases to be the wounded city of 9/11 and becomes once more what it was always meant to be: a living laboratory of resilience and courage.

Subliminal / Supraliminal

Some still circulate the image of 9/11 to shame those who have “forgotten”, as if voting freely were a betrayal.
That is the power of a subliminal image: it works below consciousness, reawakens fear, and lulls reason to sleep.

But Zohran Mamdani’s election reverses the mechanism.
It belongs to the realm of the supraliminal — no longer the image that haunts, but the one that reveals.
New York is no longer hypnotized by trauma; it finally faces itself.

Twins Towers

De l’image subliminale à l’effet supraliminal

On sait ce que sont les images subliminales : celles qui s’imposent à la mémoire sans passer par la conscience, qui réveillent la peur sans qu’on sache pourquoi.
Depuis le 11-Septembre, le plan de l’avion percutant la tour nord appartient à cette catégorie d’images : il ne se regarde pas, il s’imprime. Et certains l’utilisent encore aujourd’hui pour culpabiliser ceux qui ont simplement permis qu’un maire soit élu conformément au processus démocratique.

Mais il existe un inverse du subliminal : le supraliminal.
C’est l’image qui ne cherche plus à hanter, mais à révéler. Elle ne se cache pas sous la conscience : elle l’éveille.
Le 11-Septembre, utilisé comme arme symbolique, fige New York dans la peur.
Zohran Mamdani, élu maire de la ville, lui rend au contraire sa capacité de voir, de comprendre, de décider — en un mot, de penser librement.

Là où les images subliminales endorment les peuples, les images supraliminales les réveillent.
Et c’est peut-être cela, la véritable victoire de New York en 2025 : avoir substitué à la mémoire traumatique une conscience éveillée.